*Une nouvelle vie* ( PV James )

( Afterlife )





Cours ! Cours !

L’ombre le rattrapait, nappant d’obscurité les branches mortes, jusqu’à la cime des arbres abimés. Des faciès torturés s’agitaient sur les troncs. La forêt criait. Des plaintes stridentes, agressant les oreilles de l’oiseau. Il allait vite, zigzaguant entre les obstacles, fuyant son poursuiveur, maintenant sur ses talons. Des sifflements envenimés lui parvenaient, des bruissements furtifs, se frayant un chemin dans la terre grise.
Une racine s’éleva, fauchant ses jambes en pleine course. Il atterrit lourdement sur le dos, le pied emmailloté entre les tiges, qui s’étaient empressées de venir le câliner, l’empêchant de se relever.

- Non ! Laissez-moi !

Il tâtonna sa veste, tâchant de retrouver la sensation protectrice de sa baguette. Le vide. Disparue. Jetant un regard affolé vers sa main, il vit que sa bague ne s’y trouvait pas non plus. Un oisillon sans défense, tout prêt à se faire cueillir.
Une lune rouge perça le ciel noir. Un souffle nauséabond l’attrapa, semblant venir du couloir sylvestre qu’il avait traversé. Haletant, il tourna la tête dans cette direction, et aperçut une silhouette se découper dans la pénombre rougeâtre.

James…

Il crut discerner son phénix, marchant lentement vers lui. Mais l’apparence se troubla, laissant apparaître une autre personne. Elle gagna l’oiseau apeuré, puis s’abaissa à son niveau. Le souffle coupé de stupeur, il parla en murmurant.

- Moi ?

Lui. Où plutôt un double de lui-même. Cependant différent. Ce Corwin lui faisait face, le dominant en plein. Il avait les traits durs, le teint encore plus cadavérique, sillonné de veines sombres à ses tempes. Ses yeux verts, pétillant d’une lumière malsaine, emprunts de mal, et dardant l’original d’un regard amer. Les cheveux aux reflets sanguinolents, ballotés par le vent qu’il avait apporté.

- Alors, mon tendre petit oiseau, on s’est emmêlé les pieds ?

Un ricanement mauvais émana d'entre ses lèvres pincées. Il passa une main glaciale sur la joue de celui-ci, faisant parcourir une vague de frissons désagréables le long de son échine. Sa voix n’était que souffle empoisonné à l’encontre du serdaigle.

- Allons, ce n’est que moi… Enfin toi!

Le souffle revenant difficilement, il put toutefois reprendre quelque peu la parole.

- Non !...je ne te ressemble…en rien ! Tu n’es que mal et monstruosité ! Je n’ai rien à voir avec toi !

Le double prit une expression amusée.

- Oooh mais si Corwin. Nous sommes semblables en tout point. Après tout, c’est toi qui a fait le choix de devenir ce que je suis. Tu ne te rappelles pas ?

- Mais…de quoi est-ce que tu parles ?!

- Tu as choisi une nouvelle voie ! Tu peux en être fier frérot ! Maman serait fière de toi !

Maman!

- Arrête ! Elle n’a jamais voulu que mon bien ! Je…je ne te suivrai pas…

- Ah…ça pique un peu n’est-ce pas ? De se dire à quel point la limite entre deux entités est mince. Mais ta vie ne sera jamais rose Corwin. D’ailleurs, laisses moi te donner un autre petit pique pour te rappeler ce vers quoi tu te diriges. Une manière pour toi de ne pas oublier que je serai toujours là!

Le double cadavérique leva son bras, et un dard acéré apparut à l'extrémité. Ses lèvres se firent mandibules et ses yeux devinrent aussi noirs que son cœur.

- Prépares toi ! Une nouvelle vie commence !

Et d’un geste brutal, la pointe alla s’enfoncer dans le ventre de l’oiseau.





- Noooooooon !

Corwin s’était redressé, suant à grosses gouttes, les larmes se mêlant au voile humide lui couvrant le visage. Son cœur battait à tout rompre, menaçant de percer sa poitrine. Il regarda affolé autour de lui : les arbres avaient disparu, laissant place aux lits immaculés, la lune rouge changée en vitres, amenant la lumière vive du matin déjà bien avancé.

Un cauchemar…C'était juste un cauchemar.

Mais cela semblait si réel. Un léger picotement dans le dos le tira de ses derniers engourdissements. Il passa les doigts au dit endroit et sentit une petite bosse.

- Qu’est-ce que…

Se levant, il finit par reconnaître l’endroit, déjà visité sous peu. L’infirmière arriva alors, se pressant pour le faire rasseoir.

- Allons, allons…Ne vous levez pas trop brusquement Monsieur Egnis. Vous êtes resté allongé et inconscient plus d’une journée ! Prenez le temps de reprendre vos esprits avant de vous remettre à vagabonder !

Corwin prit un air stupéfait.

- Je…vous avez dit une journée ?

- En effet ! Votre ami, monsieur Raven, vous a conduit ici alors que vous n’étiez pas en mesure de vous déplacer vous-même. Il vous a d'ailleurs laissé un mot sur la table de chevet. Surtout pensez à boire avant de partir, et allez prendre un bon repas !

Et elle repartit vacquer à ses occupations. Elle avait cité le nom de Jimy, mais il savait que c’était James qui l’avait amené en ces lieux.
Tournant la tête, il vit en effet le papier posé contre la lampe. Il roula sur le lit et l’attrapa, entreprenant de lire les quelques mots tendrement écrits.

- La salle d’entraînement ?

Il reposa le papier, réfléchissant un instant, remettant ses idées en place. Ses souvenirs étaient confus, et il avait du mal à se rappeler ce qu’il s’était passé suite à sa déclaration. Mais il ne pouvait tenir plus longtemps. Se levant, il enfila rapidement ses vêtements soigneusement pliés, but rapidement le verre d’eau sur sa table, et fila en remerciant l’infirmière.
Il déambula dans les couloirs, un peu étourdis.

J’arrive James.

- Peine et panique -

Une terrible nouvelle.
Mais comment lui dire ? Comment le lui annoncer ?
James avait préféré se terrer dans une salle obscure plutôt que d'attendre à son chevet. La marque des doigts de Voldemort encore imprimée sur son cou si délicat, il ne pouvait sans passer devant un miroir se rappeler sans cesse ce qui lui était arrivé. Il l'avait pourtant fait, il avait offert sa vie sur un plateau d'argent pour sauver l'être aimé, lui, incapable de compassion, dépourvu d'émotions propres. Et pourtant ... Il n'y avait pas de belle façon d'annoncer une mort, mais comment annoncer une mort du fait de l'éviction d'une autre ? Corwin se sentirait forcément responsable et leur amour en prendrait un coup. Non, il ne devait rien dire, se taire ... Pourtant ... Le regard de James surpris son image dans la fenêtre, il avait l'air désespéré, perdu, triste. Passant une main sur son cou, il caressa sa peau du bout des doigts, souffrant de cette brûlure mordante qui ne voulait pas le quitter. Replaçant une écharpe par dessus, il tenta tant bien que mal de la dissimuler.

-Je lui dis ... Je ne lui dis pas ... Je lui dis ...

Il était là, à égrainer cette pauvre fleur trouvée en chemin.
James hésitait encore, ridiculement, pourtant il sentait qu'il ne fallait pas y réfléchir. Mais il y pensait, sans arrêt. Il se demanda si ce serait douloureux, si Voldemort les torturerait, Jimy et lui, avant de finalement les éliminer. D'un simple revers de bras, sans pitié. Être celui qu'on craint était tellement plus facile que d'être celui qui est effrayé. Une larme perla au coin de son regard, mais, déjà, au loin, les bruits de pas de Corwin se faisait entendre. Il se rapprochait et ne devait surtout pas le voir dans cet état. Essuyant avec empressement le dessous de ses yeux bleus, il effaça toute marque de tristesse, du moins il essaya.

-Corwin tu es là ... Ca ... Ca va ?

Dit-il en simulant le soulagement.
Se jetant dans ses bras, il le serra contre lui, fort, si fort. Une main derrière sa tête, il renifla le doux parfum de ses cheveux, s'enivrant, se redonnant la certitude du bienfondé de ses actes, se prouvant à nouveau que s'il l'avait fait, c'était seulement par amour. Un amour désormais sans borne. Mais lui, il était meurtri. James portait un haut noir, très ample qui laissé dépasser l'une de ses épaules, son pendentif autour du coup, un jogging, pour le sport. Corwin était peut être revenu d'entre les morts, mais il devrait s'entraîner dur pour ne pas y retourner. James ne voulait pas que ses actes soient vint.

-J'ai eu si peur pour toi. Dès que tu t'es fait piqué, j'ai couru à l'infirmerie pour te faire soigner. Heureusement j'ai croisé Atanys en route qui m'a donné un coup de main. Bref ... Tu es sauf et tout va pour le mieux !

Il le serra à nouveau.
Finalement le mensonge lui allait bien au teint. Et pourquoi être sincère, si la fausseté de ses propos rassuraient Corwin ? James ne voulait pas leur infliger de peine alors qu'ils venaient de se retrouver. Pourtant la marque le lançait, le brûlait horriblement, hors de la vue de son oiseau. Il l'embrassa alors, tâchant d'effacer la subtile lenteur de son mal être. Ses pulsassions accélérèrent sous le coup du baiser, entraînant, enivrant. Et il dissimula sa peine dans l'excitation de contact tant recherché, lui faisant durer une courte éternité. Puis il se recula, se dirigea vers le fond de la salle où il avait disposé des mannequin. Effectuant une roue suivie d'un appui tendu renversé, il revint sur ses deux pieds, parfaitement droit et avait entre temps tiré sa baguette. Faire un peu d'exercice lui ferait oublier le reste. Et la présence de Corwin allait le guérir peu à peu.

-Je vais t'apprendre quelques tours simples ... Il faut que apprennes à te défendre seul mon amour, Dieu seul sait si je serai toujours là pour veiller sur toi ...

Et un pincement lui déchira le coeur.
Il se sentait en miette, faible, mais il devait tenir, trouver la force ... Pour lui ... Pour ... Eux.

- Oh ! Wow…

La gymnastique de James était irréprochable.

Décidemment, il n’a pas fini de me surprendre.

Encore un peu engourdi malgré sa course pour le rejoindre, Corwin se débarrassa de sa veste, la senteur fraîche de sa chemise s’éparpillant délicatement sous son nez.
James voulait l’entraîner, lui permettre de pouvoir se débrouiller seul. Mais s’il n’avait pas envie de cela justement ? Ne plus sentir l’aile protectrice de son sombre phénix serait un supplice difficilement imaginable pour l’oiseau. Lui qui avait déclaré son amour dans la forêt, pleuré toutes les larmes de son corps, se laissant bercer contre son torse.
A cet instant, en le voyant baguette à la main et en posture de combat, il le désirait plus que tout. Il inspirait la puissance, et l’oiseau demeurerait sans doute toujours fasciné devant le spectacle de beauté permanent que lui offrait cette créature aimée.

Mais l’heure n’était apparemment pas destinée à la contemplation, et il sortit donc la baguette mordorée de la veste pendue à son bras, jetant cette dernière sur le coté. Après tout, un peu d’exercice le sortirait complètement de sa torpeur, et James avait raison sur un point : il avait besoin de se renforcer.

Une image de son rêve s’insinua alors à sa vue. Il crut halluciner sur le coup, la vision semblant si réelle. L’autre Corwin lui faisait face, dents dévoilées, canines dépassant en plein, ses yeux nimbés d’un noir encre, l’air plus dangereux encore que dans son souvenir. Il lui sembla pouvoir inhaler l’haleine de pourriture, relents de mort et cruauté froide. Une pointe le lança insidieusement au creux du ventre, en voyant le visage glacé le fixer intensément.

Je ne te quitterai pas petit oiseau…Je suis toujours là.

Murmurèrent les lèvres bleutées.

Il fut parcouru de frissons monstrueux. Le visage sourit affreusement, puis disparut.

Corwin cligna des yeux plusieurs fois.

J’ai halluciné…

Il chassa cette image de sa tête, décidé à ne penser qu’à James et à rien d’autre. Il marcha lentement autour de cet être magnifique, s’étirant, faisant résonner le claquement de ses articulations. Finalement, bien que vouloir le serrer fortement sur l’instant soit sa principale préoccupation, il avait tout de même une envie grandissante de s’entraîner, durement, assidûment. Il adopta le même genre de posture que les duellistes d’escrime, et décida de lancer le premier sort.

- Orchideus !

Des fleurs jaillirent de sa baguette, répandant un doux parfum autour d’eux. Il pouffa. Il avait voulu entamer cette séance sur une note de détente. Mais il se doutait que les choses sérieuses étaient sur le point de débuter.

James resta béa un moment.
Il appréciait la tendresse que lui vouait alors Corwin, mais chaque fois qu'il se serrait contre lui, il était pris d'un mal de coeur insupportable, comme si chaque fois on le poignardait en lui donnant précisément ce pour quoi il avait choisi de mourir ... S'en privant à jamais. Mais son coeur battait si fort dans ces cas là, comment pouvait-il l'écarter de lui ? Il l'aimait trop pour s'en défaire, trop pour lui dire la vérité. Mais lorsque son malheur arriverait, Corwin ne serait-il pas anéanti s'il n'y était pas préparé ? C'était une évidence que si ... Du moins il aurait été vexant d'imaginer le contraire. Alors que le garçon faisait surgir des fleurs de son arme, James les regarda voler en tous sens et se poser avec délicatesse autour d'eux. Exaspéré, dépité, il resta fixe, ne souriant qu'à peine, voulant faire comprendre à l'aigle que la situation était sérieuse. Mais quel meilleur moyen de lui montrer que de lui dire ce que les mots ne voulaient exprimer par les actes ? Il enflamma l'une de ses mains et fit tourner sa baguette derrière lui d'un geste ample du bras, avant de le lancer devant lui. Et il parla d'un ton sec.

-Expeliarmus.

Et en disant cela, il éjecta Corwin avec toute la violence de son amour, acte accompagné d'une boule de feu pour l'envoyer encore plus loin, même jusqu'à heurter le mur derrière lui. Il avait du avoir mal, James aussi avait mal. Il souffrait, odieusement et face à ce qu'il venait de faire à l'oisillon, il manqua de crier, étouffant ce sentiment qui lui dévorait le coeur en le voyant souffrir ainsi. James était un paradoxe exceptionnel, à mi chemin entre l'amour et la haine. Mais Corwin, il ne pouvait le détester ...

-Je suis sérieux. Tu dois apprendre à te défendre. Je ne veux plus te protéger, je t'aime trop.

Pourtant on aurait pu en cet instant penser le contraire.
Si James ne voulait plus le protéger, c'est parce qu'il savait que très bientôt il ne le pourrait plus. Et rien ne lui serait plus insupportable en revanche que d'abandonner l'amour de sa vie. Plongeant ses yeux dans les pupilles chaudes de son amant, le serpentard se reprit, s'empêchant toutefois d'être trop dur. Il lui adressa alors un souffle de tendresse, lui envoyant un coup de main magique pour l'aider à se relever plus vite.

-Maintenant si tu veux bien ... En position.

Il enfonça plus au fond de lui sa douleur.
Il allait devoir lui faire mal encore ... Et encore. Même si c'était pour son bien, il n'arrivait pas à se dire que les derniers instants qu'il passerait avec son amour seraient fondés sur la lutte et le mal. Ne pouvait-il pas plutôt rester contre lui, comme sous cet arbre ? A jamais ... A l'évidence non. Mais peut être devait-il dire à Corwin ce qu'il avait ? En avait-il le droit ? Pas moyen de s'en convaincre non plus. Indécis, il s'enfonça dans ses pensées, restant immobile mais étrangement ailleurs ... Une seule envie lui prenait alors l'esprit, celle de l'embrasser, de le toucher de partout pour s'assurer qu'il était bien là, fondre en larmes dans ses bras ...

-Prêt ?

- Hard Train -

James hocha la tête.
Non, ce n'était pas encore assez. Toujours au sol, il prit une, deux impulsions et se releva dans un tournoiement impossible au dessus du sol, jusqu'à revenir à la verticale. Tendant les deux bras sur son côté gauche, il généra une flamme verte puissante, fit un arc de cercle vers le haut et lançant la jambe droite devant lui, il la fit avancer jusqu'à ce qu'elle survole sa tête, tournoyant lui même avec elle. Une fois à nouveau sur ses deux pieds, il lança ses deux mains droit devant et tout le feu alla encercler Corwin, lui coupant toute retraite sans finir immolé. Tirant son arme dans un nouvel et harmonieux mouvement, James se mit à cracher un nouveau sort qui lui poserait un élément de décor supplémentaire.

-Bombarda !

Le sol autour de Corwin se mit à exploser et l'illusion d'un vide se créa.
A présent l'oiseau était sur un îlot isolé, cerné par le vide et le feu, mais comme si ce n'était pas suffisant, James afficha un malin sourire face à ce qu'il lui imposerait ensuite. La règle numéro 1 à retenir quand on voulait jouer au méchant, c'était de ne jamais oublier qu'il y avait pire que nous ...

-Duo Inferis Sortia !

Deux cadavériques ennemis firent alors face à Corwin cette fois-ci.

-Si tu veux jouer, faisons en sorte que le jeu en vaille la peine.

Puis dans un rire sinistre, il disparut totalement.
James avait piqué la cape d'invisibilité de Jimy dans le dos de Kurun qui s'en était faite gardienne. A présent hors de vue, le jeune homme prit un malin plaisir à laisser l'oisillon seul à seul avec ses deux nouveaux amis. Il se demanda même ce qu'il inventerait cette fois pour tenter de l'impressionner en vint. Mais il y avait une chose qu'il lui fallait apprendre en priorité.

-On ne doit jamais se battre seul, mon amour.

Il libéra alors les deux morts de son emprise, après avoir reparu à côté de Corwin des suites d'un tansplanage. Les morts les fixèrent alors avec envie, prêt à se jeter sur eux pour tenter de les dévorer. James fit alors tourner sa baguette entre ses doigts et esquissant un fin mouvement du bras, il fit venir à lui une boule de feu, assez minime mais qui lui servirait à agrémenter ses sorts. A présent la vraie partie allait commencer.

-Après moi.

Cria James en bondissant, courant sur la surface qui était dédiée à ce combat.
L'un des deux morts se mit face à lui, s'empressant de lui foncer dessus aussi. Un maigre sourire sur les lèvres, James ne cessa pas sa course, continuant de s'avancer droit sur lui jusqu'à la dernière minute. Fléchissant un genou, tendant à l'extrême l'autre jambe, il fit déraper ses pieds pour venir s'asseoir sur le sol tout en glissant dessus. Abaissant la tête en arrière, il continua sa glissade jusqu'à passer sous les jambes de la créature qu'il avait créé. Une fois derrière elle, il se tourna d'un seul coup et juste avant de plonger dans le vide, il s'arrêta totalement. Tendant sa baguette et sa main enflammée, il lança en combiné un sort de répulsion agrémenté de quelques cartouches enflammées allant se loger directement dans le dos de la bête. La créature éreintée roula sur elle même, s'écrasant lourdement, glissant jusqu'à Corwin. Puis James se tourna vers le deuxième cadavre, encore béant devant le sort du premier. James ouvrit grand le bras à Corwin en inclinant la tête.

( Musique )


Le changement de situation avait quelque peu retourné l’oisillon. L’attitude de James s’étant faite de plus en plus contraire à ce qu’il voyait chez lui d’habitude. Sournois il y a un instant, il était revenu vers lui, sortant d’un voile de vide avec de nouveau les mots tendres à la bouche, ses yeux, malgré la lueur froide trainant toujours, étaient redevenus pétillants d’amour.
Mais cela, Corwin ne l’avait pas beaucoup apprécié ; voir la personne que l’on chérit le plus se comporter comme un parfait ennemi l’espace de quelques minutes, puis se transformer encore une fois pour redevenir le protecteur aimant n’avait pas du tout plu au serdaigle.
D’un côté, il se doutait que cette façon d’agir fut minutieusement préparée dans l’esprit habile de James, cependant, il ne désirait pas devenir un quelconque objet que l’on manipule. Et il continuait à s’énerver. Les picotements de colère lui vrillaient la tête et lançaient son corps de légers tremblements. Une nervosité terrible le gagnait de plus en plus.

Il leva la tête, le regard fixe, pointé en direction de la porte, raide.
Il ne sut alors comment cela se produisit, mais il sentit les élèves vagabonder non loin de leur salle. Non pas qu’il ait entendu leur pas ou leur voix, mais les essences lui parvinrent à travers les murs épais. Une lueur s’immisçant dans son esprit, une pointe de…

Joie ?

La clarté, une ivresse passagère, effaçant légèrement le trouble menaçant alors d’envahir totalement le corps du garçon. Il eut un sourire pâle, redonnant une teinte apaisée à ses traits, ses yeux semblant s’ouvrir réellement. Qu’il était bon d’entrevoir encore de temps à autre un peu de pureté dans le monde tiraillé qu’était devenu le sien. Il en aurait presque été ému. Mais la lumière s’éloigna, peu à peu, laissant place à de nouvelles vagues, venant lécher les pensées cahotées.
Ses sourcils se froncèrent, passant de l’expression heureuse retrouvée, à la perplexité des plus profondes. Ce ressac émanait de James. Il le sentait, fort, comme une pression violente par sa proximité. Corwin jeta un regard inquisiteur sur l’être en face du cadavre marchant. Il transpirait l’inquiétude, la suintait littéralement. Il ne pouvait dire de quelle façon il était en mesure de humer tous ces sentiments, mais il les ingérait complètement, sans aucune volonté, son corps se chargeant de tout accaparer. Le teint de l’oiseau se fit de plus en plus blafard à mesure que les marques psychiques de James l’imprégnaient. Il ne pouvait s’en défaire.
Mais de nouvelles sensations apparurent, se juxtaposant aux premières. C’était enfouit, caché par des jours de plus ou moins d’allégresse, et de combats. Profond, difficile, mauvais. Un mal à l’état brut, rugueux, amer, noir de nuit. Une rage si intense qu’elle en avait été comprimée au plus profond du cœur de James. Une essence telle qu’elle en obstrua tout le reste, effaçant tout dans la tête de l’aigle hormis un sentiment de rage, la plus intense qu’il ait jamais ressentie. Tout, absolument tout avait disparu pour lui laisser place.
Si Corwin avait été conscient de ce qu’il lui arrivait, et que son image lui avait été reflétée, il aurait alors pu croire que son cauchemar prenait enfin une proportion belle et bien réelle. Le monstre qu’il fut cette nuit apparut alors pour la première fois, annihilant toute la bonté qui imprégnait avant le cœur de l’oiseau. Le visage pâle au possible, les yeux étrécis en deux lignes noires, mâchoires serrées et dents en partie découvertes, les veines gonflées d’une terrible entité, puissamment destructrice.

Une griffe vint alors lacérer sa chemise immaculée. Levant des yeux nimbés d’un voile meurtrier, le cauchemar put voir un cadavre gesticulant à seulement deux mètres de lui, bave pendant des lèvres trouées et morbides, aux lambeaux de chair putréfiant, couvrant l’air environnant d’une odeur âcre et à faire rendre l’estomac le plus accroché, digne du meilleur des cadavres étalé sous les bras brûlants du Soleil. Regardant l’endroit déchiré, Corwin vit quelques gouttes pourpres perler le long de son bras, mais il ne sentait rien. Non, rien à part l’envie de tuer, de déchirer encore plus ces haillons sanguinolents, et se repaitre du mal qu’il allait causer, peut-être même à son aimé.
Subitement, il leva sa baguette aux reflets ocre, puis lança son premier sort.

- Petrificus Totalus !

La créature se raidit instantanément, tombant à la renverse, mâchoire grande ouverte, laissant dépasser une langue en décomposition. Corwin s’approcha lentement, réfléchissant à la manière dont il allait s’y prendre. Il se pencha, s’accroupissant au côté du statufié, et posa le bout de sa baguette au front de sa future victime. Au bout de la baguette, sa main gauche baguée tremblait d’une excitation colérique monstrueuse. Il n’avait plus rien à voir avec l’oiseau qu’il était, et il ne se rendait compte de rien. Puis, lançant une caresse à la joue parsemée de trous rougeâtres, il susurra d’un ton glacé.

- Calor.

Le bout appuyé sur la peau se mit à rougir, augmentant au fur et à mesure en intensité. La rage habitant le garçon était telle qu’elle semblait nourrir cette chaleur, la faisant largement s’élever, jusqu’à ce qu’une odeur âcre de brûlé vint parfumer l’air à son nez, mais elle ne le dérangea pas. Obnubilé par le sentiment glacial, il regarda la tête se dissoudre peu à peu, les cendres ignobles glissant sur le pavé. Il ne perdit pas de temps et se leva précipitamment, fonçant sur le deuxième assaillant, et vers James.

Se retournant, il perçut Corwin, hurlant.
James s'empressa de courir vers lui, espérant que cette fois il serait revenu. Il avait l'air faible, tellement vulnérable à cet instant. Ce fut la confirmation de ses pires craintes. Son aimé était trop fragile pour assumer la nouvelle de sa mort. Ainsi il lui mentirait, espérant qu'il ne lui en veuille pas ensuite. De plus il essaierait de le sauver et face à Voldemort ... Il se ferrait tuer. James releva avec amour la tête de son oisillon et replaçant tendrement les mèches de ses cheveux lui cachant le visage, il laissa promener ses doigts sur sa joue gauche, plongeant un regard tendre dans le sien. Il s'en voulait de lui avoir fait mal. Baissant les lèvres, il déposa un court baiser sur le front du jeune homme.

-Je suis là mon ange ... Je suis avec toi.

Et il lui serra la main.
Avec force, courage, le rassurant du mieux qu'il put. Il veillerait sur lui, quoi qu'il arrive. Essayer de renforcer Corwin de la sorte était une erreur de sa part. Ce n'était pas la violence qui faisait la richesse de cet être, c'était sa foi en la compassion, sa finesse, sa capacité à justement éviter les affronts, les rapports frontaux. Il pouvait être un don juan, James l'avait bien vu au Wizzard, mais Corwin n'avait en lui que la force de ses sentiments, rien d'autre ... Alors il devrait les utiliser pour se battre, les employer pour résister, pour lutter contre le sort. Beaucoup ne le réalisait pas, mais la compassion était elle aussi une arme comme une autre, si elle était utilisée à bon escient.

-Je t'aime ...

Puis il le serra contre lui, se recroquevillant sur son corps.
James voulait l'étreindre, lui donner le sentiment d'être couvert. Enveloppé par un voile d'amour, chaleureux, rassurant. Ainsi il lui offrait tout le feu que son coeur était capable de générer, par son amour pour lui afin de rétablir la chaleur en son être brisé.

-Je t'ai brutalisé, j'ai compris ce qu'il faut que je fasse, me pardonneras-tu pour ça ?

Et il se recula, observant Corwin doit dans les yeux.
Fermant les siens, il laissa perler au coin de son regard éteint par ses paupière le fruit de la plus profonde tristesse. Dégoulinant lourdement contre sa peau, la petite larme alla s'écraser sur le visage de Corwin, aussi chaude que le contact de ses mains. A présent il respecterait la nature de cet être qu'il avait failli détruire, il s'engagerait à le préserver ainsi, tout en le conduisant dans cette voie qu'ils avaient choisi ensemble. Une certitude à tout ceci, c'est que jamais plus avant sa mort il ne s'éloignerait de Corwin. Car en faisant ainsi, James se privait chaque fois plus de l'unique raison qu'il s'était donné de vivre ces quelques instants qui n'étaient pas encore écoulés. Son compteur de jours étant réduit, il ne pouvait cracher sur le moindre grain de sable qui lui était donné dans ce sablier infernal qui lui rappelait sans cesse ce choix qu'il avait fait. Leurs retrouvailles n'avaient eu lieu que pour les séparer encore plus tard ... Ainsi il ne feraient encore que se croiser.

( Sorry for your sorrow )



Il était de nouveau dans ses bras, câliné avec l’amour dont il avait besoin. Ses iris bleutés pétillaient de tristesse difficilement contenue, et ses larmes venaient s’ajouter à celles de l’oiseau. Il continuait de pleurer tout contre lui, en silence. Les flots ne pouvaient cesser. Même si son cœur était derechef gonflé de passion pour son phénix, sa peine demeurait belle et bien présente. Ce phénomène était trop étrange, et Corwin restait perturbé de toutes ces émotions qui l’avaient envahi. Comme s’il avait été submergé de sentiments qui n’étaient pas les siens. Tout ceci était bien trop étrange, et cela réussissait à le tracasser, même à travers l’immense abattement le noyant.

- James… Je ne comprends pas…

Sa bouche tremblait, son visage se fendant en une moue angélique, mais bien trop déchirée pour un garçon aux ailes dorées. James restait stoïque, ne saisissant pas ce que l’oiseau voulait dire par ces mots. Il était difficile pour ce dernier de pouvoir expliquer ce qu’il ne comprenait pas lui-même. Mais il devait faire un effort, pour au moins tenter d’en saisir le sens ensemble.

- Je…je ne peux pas te dire ce qu’il s’est passé…je n’en sais rien moi-même. C’était comme si…comme si j’avais été gagné par des sentiments qui n’étaient pas les miens… Ils m’ont envahi…

Baissant les yeux sur le coup, son regard se perdit dans la contemplation du sang perlant encore légèrement de la plaie à son bras. Les veines sinueuses amplifiées par la chaleur émanant de James. Il aurait pu se sentir bien dans d’autres circonstances, même plus, au comble de son désir, porté entre les bras aimants de son compagnon. Seulement, il n’arrivait à se défaire de cette angoisse.
Levant de nouveau ses pupilles verdâtres sur le visage de son aimé, il le fixa un instant, voyant les perles brillantes continuant de couler sur le contour de ses traits. Poussé par un éclat de lucidité, il se redressa un peu, ne cessant d’observer le manège liquide.
Portant ses doigts à sa joue, il sentait la peau humide, toujours nourrie par les flots intarissables.

Non… Ce ne peut pas être possible.

Tentant de se remémorer les dernières minutes, il réfléchit intensément, à travers le brouillard suintant de déchirement. Sa joie irradiante, sa colère phénoménale, et maintenant sa tristesse accablante. Et chacune de ces sensations était arrivée à un changement soudain de situation ; d’abord venant du couloir, puis James. Trop de coïncidences s’offraient à sa vue, et il ne pouvait en être autrement. Non.

- James. Arrêtes de pleurer s’il te plait.