* Depths Embrace * (PV Abigor, Corwin, Chloé, James, Faïna)

Il existe des contes, perdus depuis des temps immémoriaux. Des histoires oubliées, narrées autrefois à la nuit tombée. Peu d’hommes se souviennent à présent de ce à quoi leur monde ressemblait, lorsque des monstres marchaient parmi eux. Et s’ils savaient que, certains, glissent encore, parfois, entre les foules. S’il savaient que, certains, leur glissent du venin au creux de l’oreille…et martèlent leur cerveau à grands coups de vice. Jalousie, haine, et toute cette envie dégueulasse qui font d’eux ce qu’ils ont toujours été. Des bêtes bonnes pour l’abattoir.

Il m’arrive parfois de ressentir de nouveau ce dégoût viscéral. Et de me demander pourquoi je n’avais jamais replongé. Ma cruauté n’a d’égal que ma contenance. Durement trouvée. Babylone semble bien loin… Quand était-ce déjà? Les siècles se mélangent pour moi. J’ai foulé ce sol durant maintes vies d’Hommes. Mon corps n’a pas pris une ride, et détient encore et toujours cette même vigueur. Je me sens vieux. Un vieillard dans la force de l’âge. Solitude de m*rde. A quoi bon avancer si la lumière est éteinte. Ça ne semblait pas si mal pourtant. Après tout, mes frères et moi-même sommes tous confrontés de temps à autre à ne croiser que notre propre reflet. Mais en ce qui me concerne, être seul dorénavant n’est plus à l’ordre du jour.

Corwin m’a apporté quelque chose de nouveau. Une petite étincelle qui pourrait faire redémarrer la machine, la mettre en branle et la faire fonctionner mieux que jamais. Lui à mes côtés. Une relation père-fils n’existait pas pour l‘instant, mais pourquoi pas plus tard? Encore faudrait-il que je comprenne comment cela fonctionne. Et qu’il le désire…

Et le voilà maintenant qui avance, à tire d’ailes sur fond de nuit. Je ne peux m’empêcher d’admirer ce qu’il devient. Mais je frissonne à l’idée de devoir tout lui révéler. Serait-ce une bonne chose? Après tout, il avait vécu bien assez de choses pour s’être blindé. Espérons…

Le vent frais lui piquait les joues. Des nuages lourds s’étaient lentement approchés du château pendant la réunion. On n’entendait pas un oiseau, la forêt semblant comme muette à la vue des sombres cumulus. Au moins la brise lui permettait de fendre l’air plus facilement.
Ses coups d'ailes l’avaient rapidement porté hors de vue de l’école, gagnant le bord des montagnes. Il avait déjà une petite idée de celui sur qui il allait tomber. Pas difficile de reconnaître une essence pareille parmi la masse. A vrai dire, il s’était même préparé à le revoir plus tôt. Leur dernière entrevue n’avait été que trop courte. Il n’avait pas eu l’occasion de lui poser toutes ces nouvelles questions qui le taraudaient. Alors, peut-être que cette nuit en serait l’occasion.
Rien que d'y penser, Corwin se sentait complètement désemparé: il se retrouverait face à son géniteur, dans un contexte favorable à toute discussion, et pourtant il n’avait aucune idée de la manière dont l’engager. Il trouvait ça tellement frustrant, qu’il se mettait à trembler de trouille juste à l’idée d’émettre le moindre son.

Qu’est-ce que je vais bien pouvoir lui dire…? Sûrement pas un "Coucou papa! Ça fait une paye!!" ... C’est bien la première fois que je suis autant paumé! Pfff... P’tain c'est pas vrai, mais je vais lui dire quoi moiiii?!!

Soupirant d’énervement, il se reprit et se concentra sur sa destination. Il ferait comme bon lui semblerait, et tenterait de paraître le plus calme possible. De toute manière, il était trop tard pour la réflexion.
Il vira sur sa droite, et planta ses griffes dans la roche. Se hissant au bord d’un pan sablonneux, il le sentit tout près. Laissant uniquement dépasser ses yeux du pan de pierre, il le vit un peu plus loin. Assis dos à lui sur un tronc.

Je me demande s’il sait déjà que je suis là…

Quelque peu curieux, Corwin grimpa, et s’avança à quatre pattes, le plus silencieusement possible. On ne pouvait rien entendre, hormis le bruit sourd du vent. Les doigts arqués et sur la pointe des pieds, il progressa, lentement, retenant son propre souffle, jusqu’à se trouver tout près du siège d’écorce.

Un bruissement sur sa gauche lui fit tourner la tête. Et il se trouva nez à nez avec une dague, la pointe à quelques centimètres à peine du bout de son menton. La bouche du Serdaigle s’affaissa en une moue renfrognée.

Eh m*rde…

-Penses moins fort mon chou, tu vas réveiller tout le monde.

Murmura James, parfaitement droit.

-Toi poses ça, avant de faire mal à quelqu'un.

Et il gardait sa baguette, la pointe enfonçant la peau de la nuque du démon jusqu'à l'os.
Un maigre sourire éclaira alors son visage figé par le temps. Reflet, Vampire, amour. Les longs cheveux noirs et raides de James étaient également répartis sur ses épaules, l'efféminant plus qu'il ne l'avait jamais été. Et avec cette même classe cynique, il attendit que papa pose la dague par terre, fixant le buisson voisin les yeux luisant d'une louve prête à bondir. Un grognement sourd déchira d'ailleurs le silence.

-Une odeur pareille c'est inhumain, il va falloir travailler ça, vraiment.

Mais ici, n'était-il pas plus vampire qu'autre chose ?
Rajustant un petit veston affublé d'une cape tombante à ses genoux, sur une paire de bottes hautes, James déposa également le haut de forme qu'il avait sur la tête cinq minutes plus tôt. Qu'importe qu'on soit démon millénaire ou louve garou, on ne voit jamais venir le vent avant de le sentir. Et c'est ainsi qu'il est souvent trop tard. Qu'importe qu'on souffle en sens inverse, on n'arrive rarement à l'inverser. Jamais, en fait.

-Je peux savoir ce qu'on fait tous là ? Moi je protège mes arrières en protégeant les siennes. Chloé est trop curieuse pour laisser un semi démon voler de ses propres ailes et vous ? Abigor ?

Garde Chasse.
Il était garde chasse. Autant dire que ce n'était pas pour lui faire plaisir. C'était une fonction comme une autre. Qui lui offrait à manger et l'école sur un plateau. Quelle autre place plus confortable ?

-J'admire votre volonté d'intenses retrouvailles, mais je m'interroge quand même. Vous pensiez vraiment passer inaperçu en pointant ici ?

Puis prenant un sourire machiavélique, le jeune homme rajusta ses cheveux derrière sa tête avant de lâcher son venin dans une morsure encore béante.

-Au fait, je dois vous appeler Beau papa ?

Puis ce fut le silence, puis le choc.
Tendant sa veste à Chloé, entièrement nue, James étouffa une grimace. Il resserra les lanières à ses bras, tenant ses manches à son "plastron" de velours noir. Par dessus un juste au corps maintenu à la taille. Rangeant sa baguette dans un espace dédié à sa cuisse, il tomba ensuite ses épaules vers ses mollets, pour rajuster les dagues cachées dans ses bottes. Sans parler de son petit cuir, entourant la finesse de son bassin. Une fois bien assis, comme il initia de le faire quelques instants plutôt, il cligna simplement deux fois des yeux, le regard aussi scintillant que la lune dans le ciel. Que de pure innocence dans un corps qui avait commis tant de méfaits ... Bien qu'à bonne distance de Corwin, qu'il ne semblait pas décidé à pardonner, du moins pas encore. Et il éviterait aussi quelques contact, bien qu'il craignait d'être incapable de se défaire de lui, s'il venait à essayer. A l'évidence, dans l'immédiat, il s'appliquait seulement à ne pas le regarder dans les yeux, adressant plutôt un clin d'oeil séducteur à Chloé, rouge.

La dague s’évapora d’entre mes doigts. La suffisance qui émanait de ce garçon frôlait le pathétisme. Je lui trouvais des qualités certes, mais je dois dire qu’il ne doutait de rien. Est-ce qu’il pensait réellement pouvoir me faire quoi que ce soit? Ah! Tu peux toujours espérer petit vampire, tu aurais tôt fait de te retrouver avec ta propre dague en plein cœur. Je ne comprenais pas comment toutes ces créatures pouvaient croire à une quelconque domination envers moi. Cela me fait bien rire. Certes mon odeur pouvait être pistée, si je ne faisais pas d’efforts pour la dissimuler. Mais lui la sienne, il ne pouvait pas la cacher. Autant lui laisser croire qu’il avait le dessus, cela m’amusait. C’était un être, finalement, assez imbu de sa personne. Je regardai donc James un instant.

- Pose ce bout de bois mon garçon, tu pourrais te faire mal. Quand à ce titre de… " beau-papa ", comme tu dis, je pense que, pour cela, il faudrait tout d’abord que j’en ressente l’envie, et puis…

Je posai alors mon regard sur Corwin.

- …faudrait-il encore que la personne concernée, me reconnaisse comme père.

Je penchai la tête. A bien regarder, il avait mon nez. La bouche et les yeux d’Elisa. Ce qu’il pouvait lui ressembler.

- Pas si mal comme approche… Mais, si tu tiens à être le plus discret possible, cela demande beaucoup de travail et de rigueur. Allez.

Je me relevai et lui tendis la main. Je pouvais sentir les rugissements intérieurs de la louve, derrière nous. Elle l’avait suivi dans le but de le protéger? Bonne blague. Corwin était bien apte à se défendre tout seul vu ce qu’elle était capable de faire pour lui. Je la revoyais encore l’été dernier, venue vers moi à la limite de pleurnicher du mal qu’elle lui avait causé. Certes sa cause était juste, mais ses méthodes étaient détestables. Surtout envers mon fils. Bien qu’elle m’ait aidé à le détacher de ses chaînes, elle n’en demeurait pas moins sur la corde raide pour moi. Foutus loup-garous.

- Je ne pensais pas que ce petit comité t’aurait suivi jusqu’ici. A vrai dire, j’aurais apprécié que l’on puisse avoir une conversation plus intime.

Je scrutai son visage dans les moindres détails, en l’aidant à se relever. Je murmurais presque, comme à l’époque où je le berçais tendrement, en lui chantonnant des airs perdus pour qu’il s’endorme.

- Il y a quantité de choses que je dois t’expliquer. A propos de toi…et de ta mère et moi.

Ma bouche se prit d’un pincement triste. Il pourrait sans doute lire sur mes traits cette peine toujours présente. Mes doigts allèrent presser maladroitement son épaule.

- Tu ignores tant de choses qui rendraient tes songes moins troubles Corwin. Mais nous parlerons de tout cela tout à l’heure, je te le promets. En attendant, voyons voir…

Je me redressai pour me tourner vers les deux nous arrivants.

- …la raison de votre présence ici, James et Chloé.

J’attendais qu’ils se mettent à parler. J’espérais qu’ils fassent vite car je n’aspirais qu’à me retrouver seul avec Corwin pour le moment.

- Si vous vous êtes rendus ici, ce n’est sans doute pas en vain, n’est-ce pas? Alors, je vous en prie, parlez.

-C'est amusant, cette façon de faire comme si vous étiez le plus fort ici.

S'exprima Chloé en recouvrant son corps dénudé.
La petite blonde rajusta ses cheveux par deux fois, un peu humides quand elle restait au dehors si longtemps, même transformée, ils étaient lourds sur ses épaules. La jeune femme ne voulut pas vexer l'un des démons les plus puissants des enfers, bien que, à tout considérer, James devait pouvoir 2 fois lui faire manger ses dents avant qu'il ait eu le temps de ramener sa science légendaire. Aussi ce n'était pas lui qu'elle choisirait de craindre mais bien l'originel Reflet Vampire, authentiquement "produit approuvé par le grosbillisme international". Enfin ...

-Pourquoi je suis là ? Parce qu'un démon de classe 2 se tient à la lisière d'une école surveillée pour parler à son cher "fiston" dont il a salement laissé la maman mourir. Vous voulez d'autres détails peut être ? Ah pardon ... Vous connaissez Héréa ? Sa descendance vit ici. Alors tout ce qui sent le souffre, je contrôle.

Puis esquissant un maigre sourire, elle rajusta sa tenue.
D'ailleurs, un maigre instant, ses yeux pâlirent jusqu'à scintiller d'une lueur lunaire tirant au jaune. La louve était peut être pas assez forte pour s'imposer à ce genre de bestioles, mais ce n'était pas son caractère qui la rendrait petite à côté. Aussi elle grogna bien deux fois, en parlant. Elle n'aimait pas surveiller Corwin. Il était gentil, elle avait décidé de l'aider par affection mais ce petit jeu était d'un ennui ... Admirant le visage, alternativement, des trois protagonistes, elle se demanda tout de même ce que pourrait bien répondre James à la suite. Après tout, on était dans un concours de savoir qui avait la garde légitime du blondinet oisillard tout droit tombé de son nid.

-Je propose les samedi, les dimanche et je vous laisse les lundi et les mercredi. Ca vous va comme ça ? Arrêtez vos petits jeux puérils à la fin. James, tu es là parce que ton couple aurait besoin d'un petit coup de poliche. Corwin, t'es paumé, quoi qu'on en dise. Moi je suis là pour garder Corwin de cette folle aux dents pointues et aux éventuels autres dangers. Et vous Abigor vous venez pleurnicher parce que votre fiston vous méprise ? Pardonnez moi de vous dire qu'il a de quoi le pauvre ...

Chloé avait déjà vu le démon, à Venise.
Déjà il lui avait collé froid dans le dos. Si elle n'avait pas elle même était d'une appartenance surnaturelle, peut être aurait elle jugé. Mais il n'en demeurait pas moi que la parentalité est un précepte simple, à côté de tout le reste.

-Sinon expliquez moi ce que nous foutons ici ?

Le vent tiède lui séchait les yeux, trop accaparés par la scène pour penser à ciller. Ce qui se déroulait devant lui suintait d’un pathétique plutôt troublant; l’un se dérobant à ses regards, faute de savoir comment réagir autrement, l’autre persistant à provoquer pour en rajouter une couche, et le dernier ne sachant trop quoi faire devant ce comité impromptu. Et à vrai dire, Corwin restait largué lui aussi.
Cependant, une amertume lui restait en travers de la gorge; le fait que cette créature, se prétendant son père, se fasse titiller des deux côtés ne lui plaisait pas du tout. Comme si un instinct de protection avait naquis en lui, alors qu’il ne le connaissait qu’à peine. A son étonnement, la remarque de Chloé l’avait dégoûté. Dans l’instant où elle avait parlé, il avait ressenti la violente envie de lui arracher la mâchoire d’un coup de griffe, et de la laisser se vider sur le sol poussiéreux. Et l’attitude de James à vouloir appeler le démon « beau-papa » lui laissait la même marque rance des mots trop blessants.
Aussi, lorsque Chloé eut fini de parler, une onde tranchante se déploya du garçon, gagnant en plein cœur la louve et le vampire, les emplissant d’une peur indéterminable. Corwin trouvait leur attitude si abjecte, qu’il déversait tout son dégoût dans ce voile sombre s’échappant de son corps.
Il se retourna de sorte à faire face à Chloé, enserrant ses yeux dans un étau brut.

- Ferme-la.

Il n’aurait pu retenir plus longtemps ses mots sans en pâtir. Elle le révulsait en cet instant, et la seule envie qui le tenait fermement, était de plonger dans une eau glacée, où ne se trouverait que le bourdonnement du silence.

- S’il y en a bien un qui est paumé ce n’est certainement pas moi. En tout cas, je sais encore ce que je fais. Je ne t’ai jamais rien demandé, tu as décidé de ton propre chef de me suivre ici. Je t’apprécie Chloé, mais tu n’as aucun droit de manquer de…RESPECT…A NOS HÔTES! Tu n’as pas été invité à ce rendez-vous, ni toi James! Ce qu’Abigor tient à me dire, c’est à moi seul! Vous n’avez aucun droit sur moi, aucun de vous deux, pour venir me surveiller et me dire ce qui doit être fait! Vu?!

Le Serdaigle s’était mis à aboyer, tellement son énervement était profond. A bien des reprises, il avait finalement montré qu’il était peut-être plus courageux qu’eux tous réunis. Il sentait que le démon avait des choses à lui dire, plus qu’importantes… Et les voir débarquer comme des fleurs, alors qu’il allait enfin avoir des réponses, lui foutait des crampes au bide. L’aura sombre perlait toujours de son corps, tellement prenante.

- C’est à moi seul de décider s’il est à même de rester ou non!

Corwin se tourna alors vers Abigor, les yeux en feu et les paupières rougies.

- Tu veux savoir à quoi rime tout cela? Ils veulent que je discute avec toi, de manière à ce que l’on puisse mettre les démons dans notre poche, par ton biais! Le conseil des créatures, et surtout Héréa, a besoin de l’appui des démons pour s’assurer une place définitive et sans risques au trône. C’est pour cela qu’ils sont là, de façon à ce que l’on sache ce que le peuple du plan infernal désire, s’il serait prêt à soutenir Héréa. Voilà pourquoi ils sont là!

Le caractère bipolaire de Corwin menaçait de refaire surface, et une envie irrésistible de pleurer le saisit à la gorge. Mais prêt à tout pour ne pas s’abaisser, il ravala ses sanglots, et plongea alors un peu plus dans cette poche de noirceur embaumant son corps, patientant pour la réaction de James, sans en attendre quoi que ce soit. Cette soirée s’annonçait vraiment des plus pourries.

» Toi - Moi - London ! (PV Corwin)
» Tout ce que tu ignores sur la nature de ce monde ... (PV Corwin)