Un bruit de voyage [Libre]

Forminus venait d'arriver à Prés-au-lard par transplanage. Le froid était mordant et l'hiver avait su marquer son territoire dans ces terres du Nord. Vêtu d'un habit sombre, surmonté d'un palto lourd de velours noir, il poussa la porte de l'établissement bien connu.

Un bruit de rire l'accueille et l'odeur du ragout de Dame Rosemerta vient lui chatouillé les narines. Les quelques occupants de l'endroit lui adressent un salut cordial et poli et il se dirige vers une table près du feu. En gouttelettes drues, la neige qui couvrait son manteau tombe au sol où elle forme des petites flaques d'eau. Ticky, le botruc qui l'accompagne partout, en profite pour aller faire sa toilette.

- Ohla, une cerrrvoise et un bon rrragout. dit il dans un mauvais anglais.

Il fut rapidement servi et le ventre au chaud, il pu apprécier les bruits de la salle. Les conversations allaient bon train et l'esprit de Noël était dans chaque bouche. Il n'était pas habitué à ce genre d'ambiance bon enfant mais il savait aimer la chaleur humaine. Ticky profite du repas tandis que Grumnir pose son regard sur la salle.

Un bruit. Un bruit de rire et de convivialité.

F.

Les jours s’égrainaient inlassablement et Ghaèle ne regardait plus en arrière avec cet air de presque désolation qu’il affichait lorsque ses pas l’avaient mené sur les plaines enneigées de la Finlande. Ses pas ? Son destin ? La voie qui pour lui avait été tracée … Il avait mis du temps à se faire à cette nouvelle existence, à comprendre ces gens qui l’entouraient, à tenter de les aider lorsqu’il le pouvait. Avec plus ou moins de réussite et toujours au dessus de lui l’ombre bienveillante de Théodore.

Aurait-il pu rêver mieux ? Il en doutait … Le passé ne pouvait être changé, même les retourneurs de temps que ces sorciers humains avaient créés ne pouvait rien défaire. Et quand bien même, Ghaèle n’était pas homme à jouer avec le feu. Dès lors … La façon dont sa vie se déroulait le satisfaisait pleinement. Il reconnaissait que c’était une chance que de pouvoir jour après jour parcourir des lieues interminables dans la Forêt Interdite, de rencontrer ses habitants les plus invraisemblables. Il avait tout à donner, tout à apprendre en retour.

En cela, Théodore avait parfaitement cerné la personnalité du Gardien. Et ce n’était pas qu’à Poudlard qu’il lui avait donné l’opportunité de la sublimer. Le Sors Magister Sapienta … La Forêt Interdite au sens large. Tout était secret, tout était murmure. Dans l’ambiance feutrée de l’Elysium, des êtres de chair et de sang, d’air, de volutes, de pur esprit … Ils savaient tout. Absolument tout. Et ce sorcier, nouvellement venu des terres slaves ?

Simplement établir le contact. Il en sera fait comme demandé.

Dans un nuage de souffre le diablotin disparut après avoir indiqué au Céleste où il trouverait la cible. Les Trois Balais. Endroit plaisant où il venait régulièrement ! Il poussa la porte et sentit aussitôt les vagues de chaleur que le feu crépitant offrait aux nombreux voyageurs. Il ne lui fallut pas longtemps pour repérer Grumnir auprès duquel il s’approcha un sourire serein aux lèvres. Pas adressé à l’humain. Non, celui-là viendrait après. Adressé à la petite créature à ses côtés qui lui lançait à présent un regard pétillant de malice. On aurait juré que ces deux là se parlaient …

Bonjour ! Puis-je me joindre à vous ? Je suis Ghaèle Gottfaust, Gardien de la Forêt Interdite de Poudlard. Vous avez là un compagnon fort intéressant ...

Nouveau sourire franc, annoncé par une main tendue.

Le feu crépitait dans la cheminée non loin de lui. Un bruit de flamme melée au craquement des buches qui doucement se consument. Un sentiment de puissance qui se deverse et l'energie d'Ignis qui s'empare de son être, de sa chair. Ticky joue à ses cotés mais lui aussi s'imprègne de la chaleur tant humaine que physique de l'endroit. Il commande rapidement deux FreezeVodka. Ticky se fige un instant tandis que l'homme s'approche. Son regard clairement posé sur la petite créature faite de bois et de sève qui se tient à ses cotés.

Dieux qu'il est beau !

- Bonjour ! Puis-je me joindre à vous ? Je suis Ghaèle Gottfaust, Gardien de la Forêt Interdite de Poudlard. Vous avez là un compagnon fort intéressant ...

Serrant la main de l'homme, Grumnir ne peut s'empêcher de sourire. Encore un gardien.. Encore du bruit pour peu de chose. On ne peut garder la foret... On peut la servir ou bien la vivre. Elle est maîtresse de la vie. Un bruit de fureur et elle s'empare de vous. Un bruit de silence et rien de ce que vous avez connu n'a pu exister.

- Bien entendu. Prrrenez place, je vous prrrie... Mon ami se nomme Ticky. Et de fait, il est fascinant. En quoi puis je vous êtrrre agrrréable ? Un verrre ?

F.

Son sourire en disait long et peu de chose en même temps. Était-ce le mot « gardien » qui avait ouvert les portes de ses pensées ? Ghaèle ne pouvait le savoir avec certitude mais ce n’était pas à exclure. « Protecteur » aurait été plus exact mais les gens comprenaient mieux le terme de « gardien ». Alors il s’était adapté avec le temps. Que ceux qui avaient l’esprit ouvert sur ces subtiles différences et des questions à poser se manifestent, ce n’était certes pas lui qui tarirait de paroles à ce sujet.

Ticky, c’est en effet ce qu’il m’a dit. Et bienheureux de la compagnie que vous lui offrez sieur Forminus.

Je vous remercie. J’ai conscience de vous imposer quelque peu ma présence : j’espère qu’elle ne vous indispose pas. Les endroits chaleureux comme celui-ci incitent certains à la rêverie et à la solitude, d’autres aux rencontres et aux conversations parfois étonnantes. Si vous êtes des premiers, n’hésitez pas à m’en faire part, je m’en voudrais de troubler votre quiétude …

Sans se départir de sa grâce quelque peu aérienne, Ghaèle prit place tout en hochant la tête pour saluer à son tour la rousse tenancière des lieux qui s’approchait.

Effectivement, un Brindir, vous en maîtrisez à merveille la confection ma chère. Peut-être un deuxième pour vous, Monsieur ? Si vous ne savez pas de quoi il s’agit, faites-moi confiance, un régal pour celui qui aime à retrouver les saveurs de la nature même dans les endroits les plus civilisés. Et quelque chose, ou plutôt quelqu’un, me pousse à penser que ces parfums doivent vous être particulièrement agréables.

Les yeux de l'inconnu le fixaient et semblait lire dans ses pensées. De l'électricité parcouru son corps et la chaleur se fit plus forte. Cela faisait combien d'année qu'il n'avait pas discuter avec un homme ? Combien de temps était passé depuis qu'il avait quitté l'homme à la barbe d'argent ? Et ce parfum... Un subtil mélange d'humus, de rosée de printemps et l'odeur que laisse la mousse après que la Broussaille ait poussé. Il semblait parler à Ticky et cela était bien. Si l'homme était ce qu'il semblait être, cela fera un magnifique bruit.

- Merrrci bien. Je me nomme Grrrumnir Forrrminus. Veuillez parrrdonez mes manièrrres un peu rrrudes mais ze suis étrrranger en ces contrrrées. Je viens de loin j'avoue. Et ce qui peut me rrrapeler mes forrrêts natales est le bienvenue. Il semblerrrait qu'il n'ai pas de Frrrezevodka parrr ici. Et pourrr ce qui est de votrrre choix, la converrsation est la bienvenue... Vous dites que vous êtes garrrdien de la forrêt mais comment peut on garrrder ce qui ne peut êtrrre rretenu ? Prrrotéger serrait plus apprrroprrrié je pense. Je suis pour ma part Brrroussailleur mais ce n'est pas cela qui m'a mener en vos contrrées.. Je dois voirr le dirrecteurr de cette école. Le connaissez-vous ?

F.

Il n’y avait pas eu de « oui » clair, net et précis mais Ghaèle considéra que la mention des forêts natales suffirait.

Et bien Monsieur Forminus, vous ne serez pas déçu: si la nature elle-même avait créé un breuvage, ce serait celui-là. Lorsque vous l’aurez goûté, vous pourrez vous amuser à en deviner les composantes et remercier le ciel que quelqu’un ait eu un jour l’idée de les mélanger.

Au demeurant, je ne vois rien à pardonner … Si nous étions tous semblables et venions du même endroit, aurions-nous autant de richesses à partager ? Et si mes sens ne m’abusent pas, je dirais que la belle Russie vous a bercé. Des vastes plaines aux montagnes célestes, la terre est restée vierge de cette corruption et les forêts éclosent encore au son des mélopées de la Sylve.

Les pensées de Ghaèle s’égarèrent un instant vers la mage Sylvaine que Poudlard abritait. Sa seule présence n’avait pourtant pas suffit à rendre à la Forêt Interdite la sérénité qu’elle avait perdue. Leurs efforts conjugués non plus d’ailleurs. Mais ces derniers temps, un vent nouveau avait soufflé : traversant les siècles, une hamadryade s’était réveillée. Il sentait sa présence, Théodore n’avait pas eu besoin de la lui indiquer. Mais il errait toujours à sa recherche, inquiet de sa survie dans un monde qui avait évolué sans elle. Pour le meilleur mais souvent pour le pire.

Il revint à l’instant présent … Son instinct ne l’avait pas trompé…

Vous avez tout à fait raison. A garde chasse, terme utilisé par mes prédécesseurs, j’ai préféré le mot gardien. Dans le sens de celui qui préserve. Même si, de tous ces termes, mon inclinaison se porte sans conteste au Protecteur. Mais voyez-vous … Pour beaucoup, ceux qui ne connaissent pas, la Forêt Interdite est un lieu maléfique. Ils ont du mal à imaginer qu’il nécessite protection de la part de qui que ce soit ! Le temps et la patience, voilà ce dont j’ai besoin pour les en convaincre. Alors je revêtirai le manteau du protecteur et j’abandonnerai celui du garde … En tant que Broussailleur, ce doit être une quête qui vous est également familière, je me trompe ?

Et celui que vous désirez voir, le Professeur Dumbledore, est de ces hommes qui comprennent. Je ne peux pas dire que je le connaisse extrêmement bien, je suis arrivé lorsque le Professeur Winterfell dirigeait encore Poudlard.

Bien entendu que je prrendrrais votrre brreuvage. Il me semble déjà que le goût serra de ceux qui rresterront en ma mémoirre.. Un goût puissant et vérritable, un brruit qui saurra se faire entendrre. Et vous avez parrfaitement deviné. La Mèrre Russie est ma patrrie et j'en ai parrcourru les plaines et les rrivières. J'en ai rencontré les paysans qui en font son âme et j'ai discuté avec ses créatures les plus sombres comme les plus lumineuses. J'y fais pousser la Broussaille et vivre sa faune. Je rachète ainsi la faute de mes parents et le bruit qu'ils ont déclanché. Je me doute que la Forêt Interdite recèle une magie profonde et sauvage. Seuls ceux qui peuvent entendre le bruit du souffle du Dragon peuvent comprendre. Dumbledore était de ceux là. Par contre, je crais que mon sommeil m'ai privé des dernières nouvelles concernant notre communauté et je ne saurais savoir qui est ce Winterfell dont vous me parler.

Vous qui parcourrez les allées majestueuses et qui de la Sylve vous avez touché la grace, pourrez vous me dire quel genre de créature l'on trouve en votre Forêt ? Quel type de Broussaille aussi ? J'ai besoin de copeaux d'orépine pour Ticky et mes reserves de tue-loup sont au plus bas. Savez vous aussi me dire si le Souffle est présent et où je pourrais présenter mes respects ?

Saurez vous aussi me dire si votre visage est bien le reflet azuré du soleil à son levé..

F.

"Il faut être toujours ivre. Pour ne pas sentir l'horrible fardeau du temps qui brise vos épaules, il faut s'enivrer sans trêve. De vin, de poésie ou de vertu, à votre guise. Mais enivrez-vous !"

Milo aimait l'écrivain moldu Baudelaire. Hors, cet adage magnifiquement construit emplissait son esprit et O'Donnell tendait à s'y appliquer avec ferveur. Non point qu'il fut ivre, mais il savait déguster le vin...
AHHAHAHAHA! Déguster... Rions. Comment un mec qui fume un vingtaine de cigarettes par jour peut-il sentir les différences subtiles qui parsèment le vin ? AHAHA, NAIF!
A dire vrai, il est traditionnel de finir sa journée dans un pub pour notre Irlandais, alors gardez vos jugements de valeur.
Milo avait dû migrer à Pré au Lard parce que des indésirables avaient repéré le pub qu'ils fréquentait habituellement. Description des indésirables: Des créanciers, des créanciers, des créanciers de créanciers demandant créances à ses créanciers. Rien de bien alléchant en définitive.
Le dernier refuge en date de Milo était donc de pub typiquement anglais tenu par une grosse bonne femme aux allures, ma foi, sympathique.
Milo n'avait pas eu le temps de prendre un tas de vêtements, donc, depuis trois jours il portait les mêmes fripes et nous n'évoquerons pas ici l'état lamentable dans lequel se trouvait ses cheveux noirs de jais. Quelqu'un s'étant fait piétiner par une troupe de centaures aurait paru l'exemple même de la classe vestimentaire en comparaison à Milo.
Bref, après avoir arpenté une dizaine de fois le village, ce dernier se retrouvait au comptoir, roi qui flâne.
Ce soir, Milo était d'humeur désabusé, Rosmerta lui avait demandé de payer les trois jours de gîtes et couverts.
Il s'était fait à cette auberge et voilà qu'il devrait en changer. Pour ne pas sombrer dans le dégoût, il décida de s'offrir de la cervoise et de l'achever avec enthousiasme.
Les heures passent, les verres aussi. Je vous arrête, je vous vois venir, avec vos soupçons puritains et vos chuchotements mesquins. Milo n'a pas de problème de boissons, loin de là, il aime... uhm... célébrer chaque jour.
Diantre! Voilà donc notre ami désargenté sans mornilles de boissons (mais si, celles que l'on met de côté pour l'apéritif, le déjeuner et le dîner). Milo grommela et jura dans une langue inconnue des gens sobres.
Mais comme disait l'autre:
"Le manque d'argent n'est pas un obstacle. Le manque d'idées est un obstacle."
Esprit de Noël, montre moi les esprits généreux.
Milo parcourut l'assemblée de ses yeux cernés. Deux personnes particulièrement attirèrent son regard.
Un grand chauve qui semblait tout droit sortir d'une toundra quelconque et un autre qui semblait le genre à éviter les esclandres.
Miam, ce dernier type devient proie, portant sur son front l'inscription: "Je veux pas qu'on me remarque, je suis certes décalé mais laissez moi dans mon illusion d'atteinte au conformisme".
Milo eut un rire fou qui caracola à travers la salle et qui lui attira un regard circonspect de Rosmerta.
Avec une désinvolture qu'il lui est commune, il s'approcha de la tablée avec une audace caractérisée par la hardiesse viticole.
Il s'assit à la table du duo qui semblait discutailler avec une copieuse verve. Milo s'alluma une cigarette, recracha la fumée vers le plafond et considéra d'un œil torve ses nouveaux interlocuteurs, puis fit un grand sourire dévoilant toute sa dentition.
Puis avec moultes gestes théâtrales qui pouvaient paraitre méprisant par l'excessif, il se présenta avec un fort accent irlandais.

"Salutation, l'humble parasite que je suis se nomme Milo O'Donnell.
Si vous avez entendu parler de moi ou lu l'un de mes navets, je m'excuse avec emphase.
Et si ce n'est pas le cas, remerciez le ciel pour le saignement que vos rétines ont esquivé.
Je ne voudrais pas gêner votre conversation qui m'a l'air des plus importantes (elles le sont toujours) vu vos mines rabougries.... Je veux dire.... concernées."

Non décidément, la diplomatie de Milo était proche de celle d'un crabe de feu.
Lacunes, et manque d'entraînement à la vie sociale évidents.

Si j’étais homme à jouer, je prendrais donc les paris sur le plaisir que vous procurera le Brindir. L’on dit d’ailleurs que le peuple russe est friand de ce type de jeux : je n’ai jamais eu l’occasion de vérifier cet adage sur place et je ne suis pas persuadé que l’on peut définir toute une nation avec une telle généralité … Et à dire vrai, je pense que la Russie que vous me décrivez m’intéresserait infiniment plus, celle de l’ombre et de la lumière, de la simplicité sereine et de la beauté sauvage…

Quant à votre parenté, j’imagine que vous parlez des générations qui vous ont précédé ? Nous ne pouvons être tenus pour responsable du mal qui a parfois été commis au nom d’une race mais nous sommes loin d’être impuissants à le réparer : n’est-ce pas ce qui importe réellement ? En m’offrant l’accès à Poudlard, le Professeur Dumbledore ne m’offre-t’il pas une chance unique d’éveiller cette sensibilité aux générations qui suivront ? J’aime à le penser …

Là où j’ai échoué dans mon propre monde, je travaillerai sans relâche à atteindre ce but dans celui-ci.

C’était dans ces moments que le Céleste réalisait à quel point il lui était pénible de taire sa véritable nature. Il aurait pu expliquer à l’humain qu’ailleurs c’était pareil, que la pensée unique faisait autant de mal chez les peuples qui s’auto-proclamaient bienveillants. Etait-il mieux qu’eux, au final ? Mais au lieu de cela, il lui fallait se taire. Et se taire encore. Apprendre la méfiance pour se préserver.

Qui sait ce que l’avenir nous réserve ? Un jour peut-être vous parcourrez avec moi les sentiers de la Forêt Interdite ? Je vous présenterais à celles des créatures qui ont accepté de se dévoiler à moi et je pourrais vous mener à l’orépine. Quant au souffle … Je crois que je vous dois des excuses, mes paroles ont dû être maladroites pour être comprises de la sorte. Je ne suis qu’un humble passant, à la rigueur visionnaire amoureux de ce qu’il lui est permis de voir. La grâce de la Sylve m’éblouit mais ne m’a, hélas, pas touché. Vous me demandiez qui était le Professeur Winterfell …

Ce nom qui sonnait à ses oreille comme une musique apaisante devait rester en suspend un moment tandis que l’ombre d’un nouveau venu stoppait un moment le flot de ses paroles. Des volutes de fumées s’échappèrent de ses lèvres lorsqu’il brisa le soudain silence que son arrivée avait provoqué.

Le cynisme est-il silence ? Silence sur ce que l’on s’oblige à taire, refus de reconnaissance d’actes qu’on aurait préféré ne jamais commettre ?

Pour ma part, les excuses seront superflues, j’ai bien peur de ne pas du tout savoir ce qui nous imposerait de tels stigmates, malgré le dévoilement de votre patronyme.

Ghaèle Gottfaust …

Nos discussions … Seront les vôtres si vous souhaitez vous joindre à nous Monsieur O’Donnell. Maintenant, sont-elles importantes ? Elles m’importent à moi mais de cette certitude je ne peux parler que pour moi-seul. J’allais évoquer une femme fabuleuse, grâce à qui Poudlard a pu continuer de s’épanouir lorsque le Collège attendait le retour du Professeur Dumbledore.

La voix était douce, le regard nullement moqueur ou courroucé par le manque de tact pourtant évident de Milo. Evident pour quiconque se préoccupait de ce genre de chose. Préoccupations à des lieues de l’esprit de Ghaèle.

La conversation était pleine de bruits agréables à entendre et l'homme qui se tenait devant lui était décidément bien étrange. Il n'était certainement pas humain mais il n'était pas non plus inhumain. Il avait ce charme étrange que Forminus avait déjà rencontré chez certaines créatures sylvaines.

- Mes ancêtrres n'étaient pas de bonnes gens et je n'aime pas évoquer leurrr souvenirr. Ils prrratiquaient la plus sombrre des magies et leurr frréquentations n'étaient pas des plus honnorrables.. в любом случае, passons à autrre chose..

Je serrais ravi de parcourir les sentiers de votre Forêt en votre compagnie et de voir la Sylve dont vous me parler. Je dois dirre aussi que si vous pouvez me mener à l'orrepine, je vous serrais éternellement reconnaissant. Car j'ai encorre deux grraines à planter et j'aimerrais les plantes près d'un autre membrre de leurrr famille.. En échange, je vous invite dès à prrésent en ma patrrie pour vous rendrre la pareille... Nous pourrions tous deux aller à..

Grumnir s'interrompit à la venue de l'étranger. Il portait les marques des bruits sombres qui accompagnent ceux que marquent les muses.. Son visage était franc néanmoins malgré l'odeur d'alcool et de tabac froid. Il était séduisant, cela pouvait compenser.

- Vous ne nous dérranger pas étrrranger. Au contrraire, au plus que nous sommes de fols, au mieux que cela serra. Vous pourrez me donner quelques nouvelles frrraîches du monde.. J'ai... dorr.. voyagé longtemps..

F.

Jackpot, le gros lot.
La nuit pouvait continuer si Milo se mettait à déblatérer des tas d'inepties. Enfin bref, tout à un prix et Milo avait dû à en payer des pires.
Le premier gars à l'étiquette sur le front se présenta : Gottfaust. Existe t'il un nom plus lourd à porter que celui là ? On sent la vieille et puante fatalité à dix mètres à la ronde. Dégueulasse, ça donne envie de vomir et Milo illustra ses pensées en ayant un haut le coeur des plus élégant. Non mais franchement, ce mec pourrait être le héros d'un de ses putains de romans tellement il empeste l'intrigue. Que suinte les non dits! Milo eut un petit rire bien à propos.
Gottfaust se mit à parler de Poudlard... Merveilleux... Milo avait détesté Poudlard. Une bande de ramassis de crétins accrochés à des traditions obsolètes contents de passer des mois avec les mêmes personnes, allant jusqu'à partager leurs saloperies de caleçons. La future élite de l'Angleterre...
Il allait intervenir quand le chauve ne se présenta pas. Tant pis, il resterait Le Chauve a jamais. C'est son problème. Mon dieu! Voilà un autre fou issu des pages d'un bouquin stéréotypant l'étranger nordique, mes amis... un accent à éteindre un feu ardent. Milo sentait presque le frimas traverser son corps. Et bien, le moins que l'on puisse dire c'est que la soirée risquait d'être instructive, c'est pourquoi Milo n'aimait point la tournure banale que prenait la conversation.
Secouons le balai, que les propos tombent!
Milo empli d'une nouvelle mission qui était de sauver la tablée d'une conversation convenue, décida de développer sa première pensée tout en titillant légèrement le frelon. Ou un truc du genre... qui pique quand on l'embête... Que sais-je ?

"Poudlard, Poudlard, vous savez mon vieux, tout le monde en fait une éloge titanesque. Mais bon au final, c'est juste une pension pour jeunes anglais boutonneux qui acquièrent ainsi leur propre suffisance. Vous savez, ce grand manoir horriblement moche n'est qu'un lieu et vu que vous estimez quelques personnes de ce château, je suis sur que vous êtes de ceux qui glorifie
Ah, vous allez me dire qu'on leur insuffle causes et convictions, moi je vous dis qu'il est facile de se battre quand on est endoctriné. Qui dit que ces conseils là sont les bons ?
Ne nous leurrons pas, c'est rempli d'adolescents emmerdants rêvant du cauchemar qui les tirera de leur ennui mortel."

Milo émit une moue boudeuse et tira sur sa cigarette. Il expira sa fumée et comme s'il s'était accordé une pause il enchaina en tournant ses yeux enivrés vers Le Chauve:

"Me voilà tout contrit, ce qui se passe dehors ne m'intéresse pour rien au monde. Voui, on a tous cette période où on veut changer le monde, mais bon au final c'est un gros bordel avec lequel il vaut mieux jouer l'autarcie. Les seuls fois où je l'y suis engagé, ça m'a semblé malsain. Non je fais parti des gens égoïstes et je ne peux donc vous dire ce qu'il se passe.
Comment va le monde ? Il est malade, et j'essaie d'être loin de l'infection. J'attends sans honte que quelqu'un soigne ce cancer à ma place.
Y'a des gens motivés, comme à Poudlard."

Milo leva son verre, faisant tomber allègrement la moitié de l'alcool par terre :

"Aux gens qui font le boulot à notre place et qui s'en réjouissent"

- Le sarcasme des faibles leur fait toujours dire qu'il y a mieux à l'extérieur d'eux-même mais au final, ne sont ils pas justement le cancer qu'ils aimeraient voir soigner. Ce n'est pas parce que vous avez mal vécu votrre existence jusqu'à prrésent qu'il faut vous renfermer ainsi comme l'escarrgot. Cela vous rend encorre plus triste qu'une huitre et pourtant je ne suis même pas certain que vous puissiez être interressant si vous étiez joyeux. Laissons à ceux pour qui cela compte de conter les mérites ou non de l'enseignement. Les écoles n'ont ou ne sauront jamais apporter quoi que ce soit à leurs élèves à part une forme de réfléxion sur eux-même. Une découverte probablement, un chemin. Vous ne regarder pas dehors mais alors à quoi pouvez vous passer les quelques étincelles de lucidité que vous procure l'alcool ? Il est triste de constater que des déchets comme vous puissent encore se déplacer seuls et je m'étonne qu'il n'y ai aucun domestique ou elfe à vos cotés pour soulever votre haleine qui empeste et votre suffisance crasse d'un soir d'hivers. Je n'ai même pas envie de vous demander de partir, cela vous conforterais dans votre destruction et ajouterais du mélodrame à la vie amère que vous aimez vivre. Et je précise aussi que j'use du vouvoyement par rrespect pourr mon compagnon sinon j'aurrais surrement boter vos fesses pour vous apprendre à réagir. Ou juste pourr vous rappeler que votre cul existe aussi indépendament de votre larynx... Allez je te paye à boire petit homme, je pense que tu dois avoirr une bonne descente.. Et la prochaine fois, met encore plus d'expression bovine dans ton rregarrd car là, tu n'as pas su cacher ton mépris..

F.

Ghaèle accueillit les paroles de Milo avec un profond silence. Certes, elles trouvaient écho dans son esprit plus souvent tourmenté qu’à son tour, mais il ne parvenait pas à adhérer à tout ce qui avait été craché tel un pus que l’on extrait d’une profonde plaie. Cependant, le mot endoctrinement résonnait à ses oreilles plus encore que tous les autres, l’enfermant dans une spirale de pensées dont il se serait bien passé. Il ferma les yeux, tâchant de se concentrer sur la discussion qui s’enflammait tandis que lui restait muré dans son mutisme. Ce n’était qu’une légère altération de son visage, un flou délicat. Comme si l’on avait superposé sur ses traits déjà si fins une photo mouvante, surexposée, le rendant un peu plus lumineux.

Je ne sais pas si ces conseils sont bons ! Je ne sais pas si ces causes sont justes ! Je ne sais pas si ces convictions sont sages !

Ses compagnons avaient-ils remarqué quoi que ce soit ? La probabilité était très faible et quand bien-même : ne pouvait-on rendre le feu responsable de ces lumières dansantes qui laissait voir l’invisible ? Une légère pression sur ses doigts lui fit ouvrir les yeux. Ticky. La petite créature ne mettrait rien sur le compte du feu. Et ne pouvait savoir à quel point son intervention fût salutaire. Ghaèle la regarda intensément et ouvrit enfin la bouche, alors que Grumnir faisait un nouveau signe vers Rosmerta.

Le manoir n’est qu’un ensemble de pierres abritant un savoir et ceux capables de le partager. Mais un savoir sans aucun libre examen pour le façonner est inutile. Peut-être que Poudlard n’est pas parfait, certainement d’ailleurs … Pourtant j’aime à penser qu’au lieu d’un endoctrinement, c’est d’un partage que les professeurs nourrissent leurs élèves. Cette nourriture ne peut constituer qu’un outil pour les aider à devenir ce qu’ils sont. Est-ce pour autant qu’il est plus facile de se battre ? Je tends à penser exactement le contraire. Le non-pensant est bien plus facile à manœuvrer que celui qui a réfléchi à chacun de ses principes et a décidé de voir ce qui lui avait été montré.

Monsieur O’Donnell, sans vouloir à tous prix changer le monde, ne peut-on imaginer qu’il existe suffisamment de choses que l’on désire préserver ? A commencer par la liberté. La liberté d’aimer la caresse du vent, la vision de la lune, celle qui est vous est différente et pourtant complémentaire ? Et la vie ? Ne méritent-t’elles pas toutes deux que nous usions notre volonté à les défendre ?

Attendant la seconde tournée de breuvage, Forminus caressant doucement Ticky et écouta les paroles de Ghaele.. L'air possédait ce petit quelque chose d'excitant qui rendait cette conversation des plus intéressante. Milo avait dans le regard le bruit de l'homme perdu et Ghaele n'avait pas le regard assez humain que pour vraiment laisser entrevoir autre chose qu'une froideur sexy. Ticky se blotti dans la main de Grumnir et comme à son habitude le mordit gentiment. Grumnir observait les deux hommes, tour à tour, écoutant leurs bruits et leurs charmes naturels. Puis rapidement :

- Si je puis ajouter quelque chose encorre. Peut-êtrre que Monsieur Milo a des solutions à nous prroposer ? Je serrais des plus currieux de les entendrre...

F.

Désolé pour tout ce retard, je viens de subir le châtiment divin qui se nomme : déménagement. Je pourrais écrire une épopée de mes péripéties mais les gens risqueraient de se suicider après l'avoir lu tellement c'est horrible. Bref me revoilà.

Lève toi citoyen! Bats toi ! Ravale la façade de cet homme aux allures de clochard aux propos indignes d'un esprit tel que le tien! Bats toi pour l'honneur !

Diantre, toutes ces convictions balancé à la tête de notre pauvre et crade Irlandais.
Milo frissonna de dégoût. Ce grand chauve désespérément moralisateur et sûr de lui, lui rappelait désagréablement son père.
Le voilà, droit comme la Justice qu'il servait, empli de convictions, dénigrant tous ces... déviants.
La dernière fois que Milo l'avait vu, il y'a maintenant quelques années, il aurait aimé commettre un parricide tout ce qu'il y'a de plus tragiquement œdipien... ( sans la partie procréation avec sa génitrice...).
Si son père avait été là pour vomir tout le mépris qu'il éprouvait pour son fils, il n'aurait pas mieux fait que le Chauve des steppes du Nord. Milo rit doucement et hocha la tête avec énergie une fois le laïus terminé.

"Il est trop généreux de votre part de mettre tout ça sur le dos de l'alcool cher ami. Je suis Irlandais que diable, et je ne permettrais pas que l'on utilise mon débit de boisson comme excuse à ma vision de notre monde malade. Voilà qui serait diablement minimaliste. Je suis détestable et n'aie aucune excuse pour ça. Apprenez à ne pas me chercher circonstances atténuantes et à garder la pitié dans votre caboche. Un débat ne mène à rien avec pitié et colère. Voyons, un homme tel que vous... Cela serait presque décevant...
Diable ! Mais le principal est que vous gardiez la bourse pleine."

Puis Gottfaust vint, lui aussi à s'exprimer.
Dieu, que cet homme avait niaise utopie en tête.... La caresse du vent ?? La vision de la lune ? Vraiment ?
Et voilà, on a trouvé le poète aux complaintes gémissantes qui sévit en Angleterre.

"Cher ami, ce que vous appelez avec foi liberté et vie ne sont qu'illusions humaines. Ce qu'il vous faut voir ici, c'est l'être humain. Et Machiavel appuiera ma thèse quand je vous dirais que ce dernier est pourri jusqu'à la moelle. Je sais, je sais, l'âme d'un homme blablabla. Mais même vous deux ne valaient pas mieux que la carcasse à laquelle vous êtes en train de parler. Et je pense qu'au fond, vous le savez, que vous vous souvenez des mesquineries que vous avez engendrez, et messieurs, pour parler rudement, ça vous fait chier. L'assumer est un autre paire de manches, j'en conviens."

Milo profita de la seconde tournée pour remplir à nouveau son verre, il passa langue sur ces lèvres réfléchissant à la dernière intervention du grand chauve. Il se passa la main dans ses cheveux de jais désordonnés puis répondu :

"A part annihiler l'espèce humaine voulez-vous dire ? Oh, ne partez pas sur vos grands chevaux, cette dernière suggestion était de l'humour, vous connaissez ?"

Milo eut un petit rire proche de celui d'un enfant puis se reprit et effroyablement sérieux exposa son point de vue :

"La paresse, comme vous avez pu le remarquer est mon pêché. Par elle, je crois profondément au destin. Je pense que quelque chose tire les ficelles, où qu'il soit, quoique qu'il soit. Entre nous, j'espère un elle. Les femmes savent mieux s'y prendre.
Cette femme a sûrement prévu de grandes choses pour vous deux, vous insufflant une forte personnalité faite de grandes convictions sur les combats que vous menez.
Ces combats ne sont pas les miens car vos valeurs ne sont pas les miennes.
Que les mangemorts prennent le pouvoir ou que Dumbledore devienne Premier Ministre m'importe peu.
Ces événements font partit d'une grande toile reliés à de nombreux fils. Si un se rompt, cela change le motif de la toile, certes, mais Je saurais m'y adapter. Il ne faut rien voir comme une fatalité, une bataille bipolaire mais plutôt comme un nombre incalculable de facteurs. La seule constante est le changement. Nier cela messieurs, c'est être un idiot, s'y adapter c'est être intelligent."

Un air grave plaqué sur le visage, Milo ralluma une autre cigarette car l'autre tentatrice avait rendu l'âme lors de son développement.

"Une cigarette ?"

Prenant la cigarette, Forminus se perdit dans une ou deux pensées. L'homme minable et pathétique qu'il avait devant lui n'était nullement dénué d'intelligence et de réflexion. Certes l'alcool provoquait certainement une baisse de faculté mais il avait un charme indéniable. Le bruit du tabac se faisant froisser était une musique perturbante. Ces plantes étaient morte mais évoquaient tout de même un chant particulier. La Broussaille trouvait des chemins fort particulier.. Il porta la cigarette à sa bouche et du bout de sa baguette, il en alluma le bout. Quelques bouffées suffirent à lui rendre des sensations que son long sommeil avaient enfoui. L'homme n'était pas bête mais il s'accrochait à une force extérieure pour ne pas devoir vivre sa vie...

- Vous dites qu'une femme serrait derriere nous et tirrerrrais les ficelles ? Jolie pensée... Mais trop facile... Vous n'aimez pas le monde et pourrtant vous ne trrouvez pas le courrage de le quitter. Vous vous accrocher à votrre vie et la vivez de manière terne et minable. Je ne cherche pas d'excuse ou de moyens de vous disculper. Vous avez fait le choix d'êtrrre un êtrrre sans brruit et terrrne. Chacun est librre mais je trouve dommage qu'un homme avec votrrre potentiel crasse n'en fasse pas plus... Il m'est étonnant que vous ne crriez pas plus votrrre misère... Vous êtes fascinant comme les hommes mais aussi crreux que vous désirrez le montrrer.. Vous vous prrétendez détestable mais vous n'inspirrez que la pitié.. Certe, la colère et la pitié n'engendrrent que de piètrre débats mais alors osez exprrimer les bruits qui sont en vous.. Le bruit est sourrce et dans votre cas, il est étouffé...

Vous parlez d'annihiler l'espèce humaine... Quand commençons nous ? Mais aurez vous la force, l'envie ou le courage de dépenser autant d'énergie... ? Je ne crrrois plus en l'homme depuis longtemps... Il est faux et les bruits qu'il fait sont dissonant.. Mais je n'ai pas l'envie de m'y mettrrre.. J'ai des Broussailles à faire venir, des animaux à faire vivre et d'une manière plus générrale, une vie à vivrrre.. Trop longtemps j'ai dorrrmi.. Il est temps de se lever...

Vous parrrlez de destin ou de paresse avec désinvolture alors que vous n'avez jamais fait quoi que ce soit pour vérifier vos dirrres.. Si une femme tirre les ficelles alors, ce n'est pas une femme pour vous.. Une femme n'aime que les hommes, et là mon pauvrrre hère, vous n'en faites pas partie... J'aime votre intelligence, votre tournure de phrase.. vos bruits sont plaisant ainsi que votre mine trrriste et vos yeux délavé.. J'aurrais même pu y voir un certain charrme et tombé sous le coup mais à vous entendrrre..

Vous parlez de changement mais vous ne faite rien pour changer... Si vous aimez tant le Chaos alorrs pourrrquoi ne vous en faites pas vous le chantrre ? Soyez Chaos.. Soyez changeant... Comme la Naturrre... Jamais parreille, jamais identiques.. Vous buvez verres aprrrès verres... Alcool aprrès alcool.. Toujourrs le même...

Soyez le Logrus que vous aspirez à être.. Je peux vous aider... Mais là...

Allez... un verre comme d'habitude ?

Forminus fit signe à la tavernière d'apporter deux bouteilles puis, prenant entre ses doigts le mégot de sa cigarette, il contempla la plante de tabac pousser sur sa main. La Broussaille trouve toujours un chemin...

F.

Illusion humaine ? A la place de Ghaèle, Théodore se serait amusé d’une telle expression. Oh bien entendu, pas ouvertement, on tentait d’être discret dans le métier ! Mais il aurait certainement trouvé une subtile réplique pour réfuter cette argumentation qui ne le concernait pas le moins du monde. Milo était-il à ce point nombriliste qu’il ne considérait son univers qu’avec une lorgnette excessivement restrictive et braquée sur l’humain ?

Loin de moi l’idée de vouloir ergoter sur le choix d’un seul mot, Monsieur O’Donnell, mais plutôt que « humain », je crois que le qualificatif « pensant » est plus approprié à ce que vous soutenez. Pensez-vous que les Vélanes et les Gobelins n’aspirent pas à préserver la vie qui leur a été offerte ? La question n’est pas tant là, bien entendu …

A mon plus grand regret, je sais que vous avez partiellement raison lorsque vous parlez de la pourriture qui ronge l’âme de ceux qui nous ont précédés, de nos contemporains et de ceux qui viendront après nous. Les moyens que certains utilisent salissent la finalité : est-ce pour autant que l’opprobre doit être jeté sur tous ? Je sens que vous m’estimez naïf, ce que d’aucun considèreraient comme insultant … Peu m’importe, ce fardeau me semble léger et ne m’importune nullement. Aussi défendrai-je toujours avec fougue ma vision que l’innocence demeure en ce monde. Des êtres intègres le parcourent toujours et oui, ils se battront pour vous, pour votre vie, pour votre liberté. Ils sont la cure indispensable à ce monde malade que vous décrivez et auquel vous préférez vous adapter en considérant que tel est votre destin tissé par une Entité supérieure ...

Une question me brûle cependant les lèvres … Si cette Entité supérieure venait à décider que, mettons, tous les Irlandais devaient tomber dans l’oubli, au même titre que les Moldus, par la main d’un Sorcier acoquiné aux Ténèbres … Courberiez-vous l’échine en acceptant l’inévitable ou un sursaut de conscience attiserait-il en vous les braises d’une rébellion salvatrice, même égoïste ?

Tout impliqué qu’il était dans le débat, cela n’empêchait nullement Ghaèle de jauger le caractère de ses compagnons. Il était intéressant de remarquer à quel point ils étaient diamétralement opposés. La fougue de l’un et la nonchalance de l’autre leur donnaient pourtant tous deux une langue des plus acérées et offraient exercice de rhétorique auquel Ghaèle n’était nullement habitué. Jamais il n’aurait été capable de lancer à la tête d’un total inconnu les vérités dont Grumnir accablait Milo ! Il devait stopper là sa réflexion, ses pensées se perdant dans les volutes de la fumée. La sienne. Or …

Le céleste manqua de s’étrangler. Par quelle farce de l’esprit avait-il tendu la main vers le paquet de cigarettes offert par Milo ? Il ne s’était même pas rendu compte qu’il portait la … chose … à ses lèvres ni le feu à la chose, prenant une grande bouffée qui lui coupa la respiration et lui donna l’impression de manquer totalement d’air. Il était blême à présent le Ghaèle, se demandant comment il allait retrouver l’once d’air pour reprendre pied …

Milo émit un petit rire: Faust avait dû mal avec le tabac et pourtant, il avait accepté le présent. Très bon signe cependant, l'homme était trop accaparé par le débat qui se déroulait pour qu'il se soumette à ses propres valeurs.
Un éclair de satisfaction malicieux passa dans le regard de Milo. Il hocha lentement la tête puis son attention se reporta sur le chauve.
Ils auraient pu être du même moule, au fond, l'homme possédait une base de cynisme. Le venin n'était juste pas cracher dans la même direction. Où craches-tu l'ours ?
Sa diatribe sur le sommeil était étrange..
Etait-il saoul ? Se prenait-il pour je ne sais quel animal qui hiberne ?
Milo décida de passer outre, il n'y avait pas grand chose de probant autour de cette table de toutes façons. Juste des discours opposés qui quoiqu'il arrive ne changeront pas de point de vue. Les deux discours repartiront bientôt chez eux, fiers d'avoir exposé toutes ces idées avec, ils n'en doutent pas, un brio certain.
Le chauve se mit alors à douter plus ou moins de la "masculinité" de Milo. Ce dernier éclata d'un grand rire qui couvrit tous les joyeux babils de la salle.

"Ah Dieu, me voilà moins qu'un homme désormais! Mais grand ours! Si le Destin est une femme, c'est un femme qui nous trompera tous! Si elle est Destin, elle joue avec chacun de nous avant de nous jeter. Alors, cassés nous nous jetons dans des bordels pour retrouver la sensation d'être naît pour quelque chose. Seulement, les bordels ne sont pas gratuits et ne vous amènent qu'illusions.
Et si, comme vous le dites, elle ne s'intéresse pas à moi, en mourrais-je de ne pas avoir eu ses attentions délétères ?"

Milo essuya d'un revers de sa manche ses yeux qui sous l'effet du rire avaient lâché traitreusement quelques larmes.
L'homme parlait de bruit, tout le temps. Horrible. Le silence et le calme sont nécessaires à toute personne qui veut prétendre à une stabilité mentale et à un minimum de Raison. Remarque, ceci explique peut être cela.
Changement, Chaos, Anarchie....Pendant qu'on y'est: révolution ? Mon Dieu, le chauve nous fait une petite crise d'adolescence.

"Le changement advient quoiqu'il arrive et vous en êtes son serviteur quoique vous fassiez. Cela vaut-il la peine de s'agiter en brandissant je ne sais quelle devise à l'encontre de tel ou tel changement ?
C'est s'essouffler en restant obèse. Je ne vois pas l'intérêt.
Mais allez y, exposer moi votre grande cause.
Montrez moi qu'elle vaut la peine de se battre, confondez moi en erreur, balancez moi une bonne droite au nom de vos aspirations!"

Milo se leva, les bras écartés, clope au bec, regard amusé et grand sourire dans l'attente de la démonstration de Forminus. Les yeux des autres clients se tournèrent vers la tablée. Quel était cet homme qui gesticulait en si étrange compagnie ?
Milo fébrile, tenta de se calmer et croisa les bras en écoutant Faust.
L'Irlandais laissa s'envoler un petit rire grinçant.

"Des êtres intègres ? Vraiment ?
Personne ne l'est. L'intérêt guide tout le monde mon cher. Et c'est parce que vous voyez leurs intérêts comme les vôtres que vous les estimez dans le "bon" chemin.
Quant à cette satanée bonne femme, si, par la main d'un homme voulait exterminer tous les irlandais, et bien qu'y pourrais-je ?
Au final que je cours, que je me cache ou que je me batte, si c'est ce qui doit être fait, ma peau sera clouée sur la porte du dit gentilhomme.
Après vous dire, comment sur le moment je réagirais et bien... je pense que l'instinct de survie est plus fort que n'importe quelles valeurs que vous vous portez.
Certes, je mordrai sûrement
Mais le chiot non désiré face à l'éther, meurt de votre main au final, qu'il se soit débattu ou pas."

Milo se souvint que gamin, il avait écrit la fable d'une chienne qui n'engendrait que des chiots morts nés.
Un jour, l'un pourtant fut vivant, il jappait terriblement fort mais il finit dans le charnier avec les autres. L'unicité n'a jamais fait bon ménage avec la masse, ou une morale du genre. La fable était extrêmement mauvaise (pire que son dernier bouquin) et la morale terriblement mal amenée mais déjà Mioche Milo avait compris qu'il était vain et vaniteux de se croire unique et capable de changer quoique ce soit.
Il avait soumit l''histoire au journal de Poudlard mais le seul effet recueillit fut un éclat de rire et un "Merci pour cette bonne tranche de rire" de la connasse de rédactrice en chef de Poufsouffle de l'époque.
Milo lui avait ensuite envoyé son premier livre édité avec la charmante et délicate dédicace suivante:
"Dans ta gueule"

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