Entretien de Sylvie Cliss

Cela faisait longtemps qu'Eilane n'avait plus fait passer d'entretien. Maintenant, c'était Yeltaz - plus ou moins contraint et forcé - qui s'occupait de ces choses-là.
L'homme-Vélane n'était pas très bavard, et toujours un peu intimidé, mais il s'améliorait rapidement et, avec le temps, il ferait un bon dirigeant...
Car oui, c'était l'avenir qui l'attendait... Eilane cherchait juste le bon moment pour annoncer tout cela officiellement.

Mais pour l'instant, elle devait faire passer cet entretien.
Elle avait choisit de s'en occuper pour plusieurs raison. La première étant que la lettre envoyée par Sylvie Cliss l'avait interpellée et intriguée. Mais elle devait aussi admettre qu'elle imaginait difficilement Yeltaz - déjà si facilement mal à l'aise avec les femmes à peine sorties de l'adolescence - réussir à conserver son calme face à une femme plus âgée, plus expérimentée...
Non, pour faire passer cet entretien, il fallait un certain nombre d'années d'ancienneté... Et Yeltaz - même s'il faisait partie du département depuis longtemps - ne s'en occupait réellement que depuis moins d'un an ! Ce n'était pas suffisant !

Eilane était arrivée avec quelques minutes d'avance dans la salle, avait fait apparaître un napperon et un bouquet de fleur sur le bureau, y avait déposé la lettre de Sylvie Cliss, une liasse de parchemin, une plume et un encrier...

Il était 10h tapantes quand elle affirma mentalement que tout était prêt pour recevoir l'éventuelle future employée.

Sylvie avait reçu une réponse on ne pouvait plus rapidement. Cette vitesse de prise en compte de la part de Miss Snake l'avait d'abord surprise, puis elle s'était attendu qu'elle soit aussi rapide car refusée, et finalement en ouvrant le parchemin, la surprise et la suspicion laissèrent toutes deux place à un autre sentiment à l'égard de la directrice : du respect. Sylvie respectait ceux qui savaient agir vite et bien, prendre les bonnes décisions sans perdre de temps et avancer. Et pour l'esprit de la française, cette femme semblait apparemment avoir ces qualités. Ce serait donc quelqu'un d'intéressant qui se trouverait en face d'elle pour un entretien. Car son mot lui donnait effectivement une date et une heure pour se rendre dans un bureau et passer un entretien qui se solderait ou non par l'intégration de Sylvie au Département des Mystères.

Sylvie souria, et pendant un instant ce sourire retrouva l'éclat du passé grâce au renouveau de son sentiment de réussite et de détermination. Sa froideur ne put lutter pendant quelques secondes, mais déjà l'apparence impassible et calculateur reprenait ses droits sur le visage pourtant fin et beau de la femme. Il était indéniable qu'elle était belle, mais cela n'avait en fait jamais que très peu compté à ses yeux. Elle savait juste que pour réussir, être bien mis et attirer le regard aidaient dans la vie. Mais elle n'avait jamais été une séductrice, elle n'avait jamais eu besoin puisque le seul homme de sa vie l'avait aimé dès le premier regard. Néanmoins elle faisait partie des femmes toujours habillées avec soin sans extravaguance, juste ce qu'il fallait pour être distinguée et avoir une certaine classe, sans pour autant attirer le regard. Juste entre les deux, c'était là le compromis parfait à sa pensée méthodique. Alors elle avait enfilé un tailleur bien ajusté pour ce rendez-vous important, talons moyens et une broche discrète qui avait la forme d'un livre et qui était son porte-bonheur depuis ses dix-huit ans.

Ainsi préparée, elle était devant le bâtiment. Elle avait bien entendu soigneusement étudié le plan joint à la lettre pour être sûre de ne pas s'égarer et donc se mettre en retard. Non ç'aurait été une situation insupportable pour elle! Le plan désormais bien intégré dans sa mémoire, elle ne l'avait pas emmené, et se dirigeait sans hésitation. Elle croisa peu de personne en chemin, c'était tant mieux elle appréciait de moins en moins la présence de trop d'individus autour d'elle. Ils lui intoxiquaient l'air de son espace vital. Elle avançait donc, et se retrouva plutôt rapidement devant la porte qu'elle savait être son point d'arrivé.

Nous voilà donc à la destination finale... Pas une hésitation je n'ai qu'une minute d'avance et mon interlocutrice doit déjà être présente si je me fie à mon intuition. Ce ne sera pas le genre de femme à être en retard ou alors elle n'appartient pas au type de femme que je crois. Nous allons le savoir tout de suite. Maintenant, je suis là.

Sylvie frappa trois coups secs et polis, attendant une voix lui permettre d'entrer et de s'asseoir. Les dès étaient jetés.

Eilane savait que Sylvie Cliss était derrière la porte avant même que celle-ci ne frappe dessus. Peu de legilimens pouvaient prétendre entendre les pensées à une aussi longue portée, et Eilane elle-même n'aurait pu réussir à les déchiffrer. Mais elle avait distinctement perçut une voix mentale qu'elle n'attribuait à aucune personne de sa connaissance. Et elle avait, ainsi, été immédiatement persuadée qu'il s'agissait de la femme qu'elle attendait.

Les trois coups qui retentirent à peine quelques secondes plus tard confirmèrent ses soupçons et firent apparaître un sourire sur les lèvres rosées de la semi-Vélane. Sa voix cristalline ne répondit qu'un seul mot, prononcé distinctement et aimablement, quoiqu'avec une certaine froideur dont elle ne se départissait que rarement :

Entrez !

Mais alors qu'elle parlait, Eilane avait également sorti sa baguette et, d'un simple geste, fait ouvrir la porte pour facilité la venue de son interlocutrice.
Celle-ci semblait plutôt distinguée et élégante, ce qui plut à Eilane dont la réputation de femme raffinée n'était plus à faire.

Mademoiselle Cliss, je présume ?

Elle se leva au dessus de son bureau, sans toutefois s'avancer en direction de la porte, comme si elle attendait que Sylvie Cliss fasse le premier pas et vienne jusqu'à elle. C'était un moyen comme un autre d'affirmer son autorité.

Je suis Miss Snake, directrice du département des Mystères. J'espère que vous n'avez pas trop eu de mal à vous orienter dans tous les méandres que possèdent cet édifice ?

Elle parlait d'une voix nonchalante, mais toujours mélodieuse, essayant de paraître aussi courtoise que possible afin que la femme en face d'elle se détende légèrement, juste ce qu'il fallait pour qu'elle puisse répondre à ses questions avec une certaine aisance, pas assez, toutefois, pour que Sylvie puisse se sentir à égalité avec la semi Vélane.

Aussitôt les trois coups donnés sur la porte que une voix s'était faite entendre et que le bois avait laissé apparaître une vue sur la pièce. L'entrée était cérémonieuse, calme. L'interlocutrice se tenait à présent debout, derrière son bureau et attendait la sorcière. Sylvie laissa passer une demie-seconde, oui c'était cela à peine une demie-seconde, avant de s'avancer vers la femme qui serait son juge. Ce n'était pas de l'appréhension, plutôt un besoin d'immobilité furtif afin de se recentrer sur elle-même et d'avancer sans faux-pas. Elle ne jeta aucun coup d'oeil à la pièce qui l'accueillerait le temps de l'entretien, ce n'était pas nécessaire. Au contraire, ce qui attirait toute son attention c'était le bureau, et derrière celui-ci, Miss Snake. C'était elle qu'il fallait observer et essayer de comprendre au maximum. Le reste de la pièce, elle aurait le temps de le parcourir en s'en allant.

C'est donc pour cela que Sylvie amorça un premier pas de façon maîtrisé et calme, sans le moindre manque de détermination. En s'avançant, elle fit un signe de tête pour saluer celle qui avait le pouvoir de son futur professionnel et dit posément :

Bonjour Miss Snake, je suis bien Sylvie Cliss. Mais ce n'est plus "mademoiselle", bien que vivant désormais seule j'ai été mariée, alors "madame" me semble plus approprié si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Il n'y avait aucune inconvenance dans sa réponse, mais il était important pour Sylvie que les choses soient posées. D'autant qu'à trente ans passés, elle ne paraissait plus être une jeune fille à la fleur de l'âge. Non, un mariage douloureux et deux enfants changeaient forcément une femme et la rendait marquée par les expériences de la vie et de l'amour. Sylvie n'était plus une jeune femme assoiffée de bonheur et de connaissances. Ses traits s'étaient muris, son regard durcit et son sourire heureux évanouit. Elle était belle sans doute mais on ne pouvait se tromper sur son âge. La naïveté l'avait abandonné en même temps que l'espoir. Mais ces deux précieux composants de sa personnalité jeune ne comptaient plus. Aujourd'hui Sylvie avait retrouvé la foi en son intelligence, ses connaissances, sa passion de la recherche, son apparence et sa maîtrise d'elle-même.

Je vous remercie, non il ne m'a trop été difficile de trouver la salle d'entretien, j'ai un sens de l'orientation dont je n'ai pas à me plaindre et j'avais retenu votre plan.

Sylvie était arrivée devant le bureau et répondait avec un sourire réservé. Elle tendait à présent sa main à la directrice pour la saluer plus respectueusement que son simple bonjour lorsqu'elle se trouvait dans l'encadrement de la porte d'entrée. Il semblait normal que ce soit elle qui amorce ce premier pas vers leur échange puisque c'était elle qui était en demande de travail. Les règles étaient les règles, et les hierarchies les hierarchies. Sylvie regarda alors Eilane Snake et elle fut emplie d'une sorte de curiosité et de fascination. Cette femme paraissait étrange. D'une beauté magnifique indéniable, d'un âge incertain car son regards expérimenté démentaient ses traits fin et jeunes, elle possédait quelque chose de spécial.

Sans réfléchir je penserai que son sang n'est pas très étranger à celui des vélanes dont l'apparence et l'attirance ne sont plus à remettre en question. Enfin, je ne suis pas un homme alors je garde tout mon esprit et je peux parler correctement. Mais qu'elle étrangeté... Je savais que cette femme serait intéressante.

Sylvie attendit que la directrice accepte de lui serrer la main et l'invite à s'asseoir pour que l'entretien débute réellement. Sans doute celui-ci lui réserverait des surprises, elle était prête et curieuse d'échanger avec cette femme. Celle-ci venait d'attiser sa curiosité et sa passion pour les choses qu'elle ne comprenait pas revenait au galop. Elle se sentait stimulée par cette présence.

HJ/ Désolée pour le retard (et pour la qualité très moyenne de ma réponse) /HJ

La détermination dont Sylvie faisait preuve à présent en avançant vers Eilane sans se démonter continua de convaincre la semi-Vélane. Elle aimait les gens qui savaient ce qu'ils se voulaient ! Et Sylvie Cliss était, de toute évidence, de cet acabit.
Eilane se contenta de hocher la tête quand la jeune femme lui expliqua qu'elle devait être appelée "madame" et non "mademoiselle". Puis, avec un sourire, la directrice des Mystères renchérit posément :

Madame Cliss, alors. Enchantée !

Elle était honnête. Quelqu'un qui soit capable de mettre les choses à plat dès le départ, de faire face à une personne haut placée et de lui exposer son erreur sans gêne était le genre de personne qu'on ne croisait pas à tous les coins de rues et qu'on aimait rencontrer... à défaut, peut-être, d'aimer la connaître ?

Quant à moi, je crains que ce ne soit toujours "Miss" Snake.

Eilane avait essayé de ponctuer sa phrase d'une pointe d'humour, mais l'amertume d'un tel aveux évinça en partie la gaieté qu'elle avait voulu faire paraître dans sa voix. Elle ne serait jamais rien d'autre qu'une "miss", une "mademoiselle" ! N'était-ce pas navrant ?La semi-Vélane secoua la tête pour ôter cette sombre pensée de son esprit.
Répondant au geste de Sylvie, elle tendit à son tour le bras et luis erra la main poliment.
Elle ne put s'empêcher, alors, de percevoir les pensées de son éventuelle future employée.

Il semblerait que vous ayez percé au moins l'une des mystères de ce département, Madame Cliss. Du sang de vélane coule en effet dans mes veines.

Les yeux ambrés de la directrice toisèrent la jeune femme, essayant de déchiffrer sa réaction lorsqu'elle réaliserait que la personne lui faisant face possédait la capacité de déchiffrer les pensées.

Asseyez-vous donc, je vous en prie.

[HJ : pas de problème Very Happy

!/HJ]

Sylvie prêta toute son attention à la voix de son interlocutrice. Elle avait toujours énormément aimé la musique et restait sensible à la musicalité de la voix, à la façon dont chaque personne ponctuait ses phrases, ses mots, ses non-dits même. La moindre petite intonation trahissait la personnalité, l'humeur, la pensée de celui ou celle qui parlait. Il ne fallait surtout pas sous-estimer ce moyen de déchiffrer les personnes, de voir apparaître une faille en eux pour lire plus qu'ils ne voulaient dire. A défaut de lire dans les pensées, Sylvie avait développé tout un système d'observation qui lui permettait de s'ajuster au mieux face aux gens, de comprendre assez vite comment réagir et se présenter. La voix était en elle-même un indice primordial dans ses possibilités. Et celle de Miss Snake sortait délicatement de sa gorge, avec une musicalité harmonieuse empreinte comme d'une touche de lointain.

Une touche de lointain? Cela ne veut strictement rien dire! Qu'est-ce que ce peut être donc alors cette sensation, ce léger voile que l'on peut entendre dans sa voix? ... Je verrais plus tard.

La directrice serra la main de la sorcière et ce qu'elle dit alors lui provoqua un grand étonnement. Un furtif air stupéfait passa sur le visage de Sylvie, mais cela dura quelques secondes tout au plus. Elle n'était pas de ceux qui affichent leurs émotions ouvertement. Alors comme toujours elle ravala sa stupéfaction rapidement et jaugea la directrice. L'idée qu'elle ait pu lire aussi aisément dans ses pensées lui déplaisait particulièrement seulement elle se contenta de sourire. Il fallait reconnaître que Miss Snake venait de prouver sa grande valeur et sa puissance. Pour l'instant Sylvie ne pouvait que s'avouer "perdante".

Il faut savoir reconnaître la force où elle se trouve. Etre bon joueur.

Du sang de vélane et la capacité de légilimens, Miss Snake, je suis impressionnée vous devez le savoir?
C'est assez inopiné comme rencontre, juste au moment où justement j'ai pris la décision de m'initier à l'occlumencie, non seulement parce que cela n'est point agréable de se savoir entendu sans parler, mais aussi parce que je crois quê posséder cette capacité tout en travaillant au département des mystères ne sera que favorable, n'est-ce pas?

Autant jouer franc-jeu avec elle. N'était-ce pas la seule solution? Sylvie avait donc dévoilé son apprentissage en cours de l'occlumencie sans encore citer le nom de son professeur. Mais la sorcière savait qu'il ne fallait pas trop parler mais attendre qu'on lui pose les questions. C'est pour cela qu'elle entrelaça ses doigts et attendit en regardant Miss Snake d'un air attentif et serein.

La semi-Vélane ressentait une impression étrange face à son interlocutrice. Ce n'était pas comme tous ces autres entretiens qui, petit à petit, s'étaient mis à l'ennuyer, à la lasser...
Celui-ci était différent. Celle qui le passait était différente.

Plus âgée que beaucoup de langues-de-plomb, elle affichait une attention que peu d'entre eux savaient atteindre.
Et Eilane parut soudain étrangement incommodée par le regard perquisiteur de son vis-à-vis. L'impression troublante de se faire mettre à nue s'empara de la semi-Vélane, s'accrochant à chacun de ses gestes, à chacun des coups d'oeil que lui portait Sylvie, refusant de la lâcher avec une ténacité aussi puissante que désagréable.

Un léger voile dans ma voix ? Par Morganne, où a-t-elle donc perçu cela ? Et qu'entend-elle par "une touche de lointain" ?

Mais les pensées de Sylvie étaient en réalité moins énigmatiques que ce qu'Eilane s'autorisait à affirmer. La directrice des Mystère n'affichait-elle pas en effet, en son fort intérieur, une distance presque palpable avec tout ce qui l'entourait ? Depuis quelques temps déjà, elle se sentait par moment vide, indifférente, tandis que l'instant d'après, une passion puissante la secouait... Oui, elle était devenue lointaine, comme ces navires à la dérive pour lesquels on ne peut plus rien... Elle allait sombrer, elle aussi, ce n'était plus qu'une question de temps.

Je dois me reprendre. Quoi que pense cette femme, quoi qu'elle voie en moi, je ne peux me laisser distraire de la tâche que je me suis assignée.

Eilane soupira profondément, silencieusement. Elle ferma une seconde ses yeux ambrés pour les rouvrir ensuite sur la salle, rassérénée.

La stupéfaction de son interlocutrice - quand la semi Vélane lui annonça sa faculté à lire dans les pensées - fut si fugace que ça en était presque décevant. Mais les paroles de la femme démentirent cette sensation de déception et Eilane afficha un sourire sincère, franc, ni supérieur, ni hautain.

"Du sang de vélane et la capacité de légilimens, Miss Snake, je suis impressionnée vous devez le savoir? "

Ne le soyez pas. Au final, quelle importance ? Ce ne sont pas nos pouvoirs qui font de nous ce que nous sommes, ne croyez-vous pas ?

La bille rouge du pendentif en forme de serpent - toujours attaché à la fine chaîne d'argent qui ceignait le cou de la semi-Vélane - s'éclaira faiblement, luisant d'une lueur tiède et maligne, signe probable qu'il ne partageait pas l'avis de sa propriétaire.

L'occlumancie pourra parfois vous être utile, j'imagine. Mais il existe d'autres moyens que la légilimancie de sonder l'âme de quelqu'un, me semble-t-il. Vous en avez d'ailleurs montré un exemple plutôt convainquant, il y a un instant !
Quoiqu'il en soit, vous ne croiserez guère d'autre légilimens dans le département des Mystères. Et sachez que si vous "entrez" ici, vous devrez partager avec moi une grande partie de vos secrets...
Car si les Mystères existent entre nous et le... monde extérieur..., il n'en est pas de même parmi les langues-de-plomb !
Cela dit, oui, l'occlumancie s'avérera parfois d'une aide précieuse, ne serait-ce que pour protéger les découvertes que vous ferez ici... si je vous embauche, bien entendu !

Bien. A présent que ce point a été fait, parlez-moi donc de vous, de vos études, de vos motivations, de tout ce qui pourrait me convaincre que je ferai une grave erreur en refusant de vous prendre parmi mes employés.

L'entretien commençait enfin, même si Eilane avait déjà beaucoup appris sur Sylvie avant que les questions "importantes" ne tombent.

Sylvie n’eu pas un sourire explicite, pourtant en son fort intérieur elle fut assez touchée de la remarque de Miss Snake sur le fait qu’il y avait d’autres manières de décrypter les pensées que la légilimencie et qu’elle-même venait d’en donner une belle preuve. Un petit compliment pour débuter, cela donnait toujours plus de stabilité et de confiance en soi. Oh, non pas que la sorcière soit très encline à douter d’elle, mais enfin c’était quand même un plus désirable.

Puis, assez vite, l’entretien dans sa forme la plus structurée commença. Une question sur le cursus, les motivations, la petite chose en plus, si petite, si précieuse qui la rendrait indispensable. Rien de très extraordinaire, Sylvie s’était préparée à répondre à celles-ci. Pourtant il n’y avait pas de discours tout fait, déjà écrit, plusieurs fois récité, parfaitement digéré et prêt à être servit. Non, ce n’était pas sa manière de travailler. Comme toujours, elle avait noté au préalable les questions éventuelles avant d’écrire plusieurs idées à approfondir sur le moment. Ces idées étaient comme des pistes de réflexion sous forme de mots-clés. A partir de là, la sorcière avait relu sa feuille organisée et pendant plusieurs jours son cerveau avait travaillé presque tout seul. A présent, son parchemin était bien imprimé dans sa tête et les phrases viendraient d’elles-mêmes.

En ce qui concerne mon parcours d’études j’ai fréquenté l’école de sorcellerie de Beauxbâtons pendant les sept années. Comme vous l’avez compris je suis française même si j’ai vécu un certain temps en Grande Bretagne. Vous pourrez étudier mes résultats aux Buses et constater que mes meilleurs résultats ont été en Histoire de la magie, astronomie et métamorphose.

Je suis ensuite devenu professeur dans ce même établissement en Histoire de la Magie, après avoir été formée par l’ancien professeur en poste, un grand homme qui est parti profiter de sa retraite au pays des dragons. Des années heureuses qui m’ont permis d’acquérir une grande expérience des groupes de jeunes et de la transmission des savoirs. Parallèlement à cela, je continuais des recherches personnelles sur des sujets comme les runes ou des problématiques anciennes puisque c’était de mon domaine. Mes travaux m’ont valu de participer à de nombreux rassemblements et colloques, puis à les créer et les superviser dans le monde entier, ce qui m‘a permis alors d‘étudier de nombreuses langues parlées et appelées « mortes » . Je crois d’ailleurs que mes participations ont été plutôt appréciées par mes collègues avec qui je partageais et partage toujours le même désir frénétique d’aller plus loin dans la découverte de ce monde passé, actuel et futur.

Sylvie s’accorda une petite pause. Elle avait parlé sans peser tout ses mots. Son discours avait franchit ses lèvres de manière très naturelle. Cela « coulait de source ».

Pour ce qui est de mes motivations je pense avoir été assez explicites déjà. Au risque de mes répéter, à trente six ans je sais ce qui m’intéresse, me passionne : découvrir, chercher, étudier, s’attaquer à des mystères et trouver les clés. Je vis pour cela. Ce petit plus c’est certainement mon expérience passée qui me rend stable et qui fait que je me connais assez pour savoir ce que je veux sans changer d’idée à tout va. Et ce que je veux, c’est travailler avec vous. Je vis pour cela.

Son ton était très sérieux, pas d’émotion dans la voix, juste de la détermination. Sylvie avait suffisamment parlé, c’était à Miss Snake de prendre la parole.

Eilane écoutait Sylvie parler sans l'interrompre. Notant parfois quelque chose sur la liasse de parchemin qui s'étalait devant elle, cherchant ensuite un renseignement sur une autre feuille, elle essayait de déterminer ce qui pouvait paraître utile ou non dans tout ce que la jeune femme - assise en face de sa future patronne - était en train de révéler.

L'entretien se passait bien. C'était probablement ce que se disait Sylvie également. Mais Eilane se sentait lasse... lasse de tout. C'était en partie pour cela qu'elle souhaitait voir Yeltaz la remplacer pour les entretiens... la remplacer tout court, d'ailleurs.
Cette lassitude n'était sûrement pas sans rapport avec la grossesse que la semi Vélane tentait secrètement de mener à terme.
Mais, en l'occurrence, elle ne pouvait s'excuser ainsi auprès de Sylvie : lui dire qu'elle avait besoin d'aller se reposer, qu'une grossesse est plus épuisante qu'elle ne l'aurait pensée... Il paraissait difficile d'utiliser ce genre d'excuse quand la grossesse en question se trouvait si bien masquée magiquement que même le père de l'enfant - tout puissant soit-il - semblait incapable d'en déceler l'existence !

Tentant de mieux se concentrer encore sur les dires de Sylvie, Eilane hocha une nouvelle fois la tête tandis que la jeune femme en arrivait à ses motivations.

Bien. Bien.

La directrice des Mystères prit une inspiration, s'apprêtant à reprendre la parole. Les entretiens avaient ce côté formel, ce côté répétitif qui auparavant lui semblait plutôt agréable et facile, mais qui - aujourd'hui - se contentait de l'ennuyer fermement. La prochaine question était justement de celles posées cent fois, de celles qu'on pose à chaque entretien quand on cherche à employer quelqu'un dans le département des Mystères...

Vous n'ignorez pas que ce que nous faisons ici est top secret, que personne ne doit savoir ce qui se trame dans les couloirs et dans les salles de ce département ?
Vous sentez-vous capable de respecter la clause de confidentialité magique qui apparaît sur le contrat que vous signerez si je vous emploie ?
Personne - je dis bien personne, pas même un ami, un parent ou même votre animal de compagnie (Eilane afficha un petit sourire, essayant de détendre l'atmosphère) - ne devra entendre parler de vos travaux...

Sylvie avait bien expliqué son parcours et ses motivations, ses recherches personnelles et ses qualités. Elle savait se "vendre" comme toute personne lors d'un entretien. Montrer le meilleur de soi-même, mettre en valeur ce qui intéresserait l'interlocuteur. Cet exercice se trouvait d'autant plus difficile que bien souvent les "recruteurs" voyaient des centaines de personnes quasi identiques et que les questions posées ainsi que les réponses données revenaient presque inlassablement pareilles. Il régnait un conformisme dans un entretien, ce qui rendait cela très répétitif voire agaçant. Sylvie devinait ce côté lassant, et du coup tentait de parler sans trop s'épancher, ne répondre que l'essentiel. C'est pourquoi, ayant répondu suffisamment longuement aux questions précédentes, elle choisit une réponse plus courte.

Non, bien entendu je suis loin d'ignorer la close de confidentialité et le grand secret qui règne sur le département des Mystères.
D'ailleurs vous comprendrez assez vite que j'ai peu de proches, ce qui résoud assez rapidement la question. Je suis devenue étrangère à ma famille et ne souhaite pas me rapprocher. Aucune autre personne pouvant prétendre au rang d'ami non plus. Je n'aime pas les animaux. Voilà qui vous donnera un apperçu de mon entourage direct et qui répondra à votre interrogation.

Oh oui, pour ce qui avait été de couper les ponts avec l'ensemble de sa famille, elle avait été radicale! La seule information qu'elle omettait pour l'instant c'était Elmound Silver. Bien-sûr ce n'était ni un compagnon ni un ami. C'était... Un professeur? Oui un professeur, avec qui elle ne serait jamais proche. En tout cas, elle voulait s'en convaincre.

Eilane hocha à nouveau la tête (Combien de fois avait-elle fait ce geste depuis le début de cet entretien ?).

Je crois que nous allons pouvoir nous entendre, Mrs Cliss, puisqu'il semble que vous soyez honnêtement prête à ne rien révéler de vos activités ici, et ce à qui que ce soit.

L'entretien touchait ainsi à sa fin, ce qui n'était pas pour déplaire à Eilane. Elle se sentait épuisée et n'avait qu'une envie : celle d'en finir avec ce travail de recrutement dont elle se désintéressait de plus au plus au fil des années.

Voici votre contrat d'embauche, Mrs Cliss.

La semi-Vélane venait de faire apparaître une feuille de parchemin sur laquelle s'inscrivaient en lettres d'or les termes de l'engagement propre aux langues-de-plomb.

Lisez-le bien dans son intégralité avant de signer. Je tiens à ce que mes employés connaissent chaque clause de leur contrat. Cela évite les mauvaises surprises par la suite !

Eilane tendit le parchemin à Sylvie en souriant.
Il ne resterait ainsi plus qu'une seule chose à régler, une fois le contrat signé.

Nous n'avons plus qu'à définir les salles dans lesquelles vous souhaitez travailler. En principe chaque langue-de-plomb se voit attribué deux salles de recherches. Celles-ci sont citées et décrites dans le paragraphe 3.1 du papier que je viens de vous donner.

A moins que vous n'ayez aucune préférence, j'aime autant laisser à mes employés le choix des salles dans lesquelles ils vont faire leurs expériences. J'ai eu l'occasion de remarquer que les choses se déroulent généralement mieux ainsi...

Apparemment il fallait croire que l'entretien s'était bien déroulé. Sylvie souria intérieurement, satisfaite d'elle-même. Il apparaissait que son interlocutrice avait été convaincue par sa motivation et sa qualité personnelle, par ce qu'elle pourrait apporter au département des Mystères. C'était donc juste parfait. Tout allait selon ses prévisions.

Choisir deux salles... Bien-sûr. L'attention de laisser ce choix libre à l'employé est délicate et assez bien pensée. On s'investit toujours d'avantage dans un domaine que l'on a soi-même choisit, prenant le temps de peser le pour et le contre. Oui, c'est très bien pensé. Quand à moi, quelle décision alors?

Ses goûts et ses recherches avaient été jusqu'à présent orientées vers les temps passés, elle excellait dans ceux-cis. Mais n'aurait-ce pas été plus enrichissant de se laisser emporter vers un domaine mal-connu?

Et bien, je pense que la Salle du temps me conviendrait assez car en tant que professeur d'histoire de la magie, je l'ai souvent traversé de siècles en siècles, c'est une notion que j'affectionne particulièrement.

Le premier choix était avancé. Le second laissait place à plus de diversité. La Salle des cerveaux était attrayant par son côté très scientifique et l'attrait du savoir qu'il pourrait apporter. Celle des prophéties aussi...

Je n'ai toujours pas découvert ce qui s'est passée cette fameuse nuit de Samhain, au manoir. Edric connait la réponse certainement, à moins que celle-ci n'ai été emportée dans la tombe de sa mère cet été. Quoi qu'il en soit, même s'il sait quelque chose, il ne me le révèlera pas. Djaniah et Lilian sont relié par je ne sais quoi à Brocéliande, justement peut-être une prophétie en plus de leur sang royal. Si je travaillais dans cette salle, peut-être aurais-je la réponse à mes questions... Mais en même temps, je ne ferai que m'embourber dans le passé, dans la vie de mes enfants, dans l'histoire d'un royaume dont j'ai été trop la victime. Non, j'ai décidé de prendre un nouveau chemin en laissant de côté cette partie de ma vie en tant qu'épouse d'Edric Lebrec, il ne faut pas qu'insidieusement j'y revienne. Pas la Salle des prophéties.

Je suis heureuse de signer ce contrat Miss Snake.
...
La Salle des cerveaux?

Le second choix était donc définit. Les dès jetés. Contrat signé. Nouvelle profession enclanchée.

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