Entretien de Kristen Akles

Yeltaz ne s'était pas soudainement mis à aimer faire passer des entretiens. Non, il était toujours aussi intimidé par cet exercice et son caractère introverti le rendait presque transparent dans cette petite salle où il s'était installé.

Pour seul mobilier, on trouvait dans la pièce un vieux bureau en bois, un peu poussiéreux, sur lequel avait été posé un napperon où s'entreposaient papiers, dossiers, plumes et encrier, ainsi que deux chaises, en bois également, disposées de part et d'autre du bureau.

Yeltaz s'était assis sur l'une d'entre elles. Celle qui faisait face à la porte.
Il attendait tout autant qu'il la redoutait la venue de la jeune femme à qui il devait faire passer l'entretien. Il aurait préféré que ce soit un homme. Il se serait alors senti moins gêné, moins mal à l'aise.
Mais depuis qu'il était devenu une figure publique du département des mystères, il n'avait eu qu'à faire passer des entretiens à des femmes ! A croire qu'Eilane s'amusait à ce point de son malaise envers la gente féminine pour lui réserver uniquement ceux-là ?
Non, cela ne pouvait être le cas... D'ailleurs, il n'y avait pas eu d'autres entretiens aux Mystères que ceux qu'il avait lui-même fait passer !
Yeltaz en conclue donc, à son grand désarroi, que le département devait essentiellement attirer les femmes !

L'homme-vélane croisa les doigts devant lui et inspira profondément, essayant de faire disparaître l'angoisse qui lui serrait la gorge.
Des pas se rapprochaient dans le couloir, de l'autre côté de la porte.

Zen, zen, zen...

Effectivement, il fallait l'être. Un entretien important, ouvrant la oie sur un métier qui pourrait devenir votre principal préoccupation durant toute votre vie, s'annonçait. Il fallait respirer, sans angoisse, décontractée... Maintenant que Kristen avait l'âge requit pour exercer cette profession, elle comptait bien ne pas laisser passer cette chance. Elle avait réussi, assez rapidement, à décrocher un entretien avec un gérant du département des mystère; désormais, elle devait donner bonne impression, et saisir l'opportunité qui lui était offerte. Ce jour, qui pourtant paraissait banal aux yeux de n'importe qui, ne l'était pas pour la demoiselle. A son âge, elle comptait bien débuter la vie au travaille

L'angoisse n'habite jamais mon corps, pourquoi si soudainement...? J'ai une parfaite caricature pour être embauchée dans un tel département, je n'ai pourtant pas à m'inquiéter.

Oui, une caricature parfaite. Physique, psychique également. Une jolie jeune femme, sans aucun détail frappant à l'apparence, authentique. Mais aussi une jeune femme avec une force de caractère incroyable. Elle savait tenir tête à quiconque, plus vieux, plus jeune, plus haut placé ou plus bas, peu importait, rien ne lui faisait obstacle. Elle savait obtenir ce qu'elle souhaitait, et ce sans s'irriter. D'une manière simplette, excessivement ferme. Ainsi, si comme elle l'avait compris elle rencontrerait le directeur adjoint, elle parviendrait aisément à ses fins. Elle avait crut comprendre qu'il était très sociable et peu redoutable... Mais ces rumeurs, il ne faut pas toujours en tenir compte; elles sont parfois inventées de toute pièce!

Enfin, Kristen n'était maintenant plus qu'à quelques pas du bureau de rendez-vous. Mais, elle était en avance, ainsi elle attendit sagement, calmement, l'heure prévue. De cette manière, l'angoisse se dissipait lentement. Puis, lorsque l'heure fût arrivée, très précisément à la minute près, elle frappa à la porte. Elle avait sans-doute été entendue plus tôt, les talons qu'elle portait faisant raisonner ses pas dans les couloirs du ministère. Mais la politesse restait la politesse, jamais elle ne passait outre. Aussi elle patienta jusqu'à l'accord d'entrer...

Le coeur de Yeltaz sembla bondir dans sa poitrine quand les coups furent enfin frappés à la porte.
Il les avait attendu beaucoup plus tôt et commençait à trouver étrange que rien ne se passe. Mais à présent, la panique prenait le dessus, comme à chaque fois qu'il devait orchestrer un entretien.

Je ne m'y ferais jamais.

Il se leva de son siège, pour se donner une prestance, une bonne figure, ou tout simplement pour donner l'impression d'avoir quelque chose à faire, d'être quelqu'un de mobile.

Entrez !

Sa voix efféminée résonna dans la pièce si bien qu'il en frémit d'horreur. Jamais il n'avait spécialement fait attention à son apparence ou à son timbre de voix avant son arrivée aux Mystères. A présent, il se sentait de plus en plus mal à l'aise au fur et à mesure que les années passaient, comme s'il se rendait bien compte, en voyant les autres évoluer différemment de lui, qu'il n'était pas réellement à sa place en ce monde-là.

La porte s'ouvrit sur une jeune femme blonde, séduisante, à l'air assuré.

Plus assuré que moi, c'est certain.

Bonjour mademoiselle, dit-il, presque dans un murmure, tant il se sentait soudain intimidé. Vous devez être Kristen Akles ?

Il fit mine de chercher son nom sur les feuilles qui étaient disposées devant lui. Mais c'était surtout un prétexte pour baisser le regard devant cette femme.

Asseyez-vous, je vous en prie.

Il s'assit lui-même et attendit que la jeune fille s'installe à son tour.

Je vous écoute ?

Kristen, jeune femme brillante et responsable qu'elle était, fit enfin son entrée dans la salle de réunion. Comme à son habitude, même si emparée d'un certain petit trac, elle faisait paraître un air complètement serein, calme, ordonné et surtout sûr d'elle. C'était pour elle le plus important. Faire bonne figure, donner une bonne impression, surtout pas de panique, pas de frayeur. On ne sait jamais quel genre de personne rencontrer, si c'est plutôt le genre Kristen, ou pas. Ou peut-être même tout le contraire. Après tout, il faut de tout pour faire un monde, c'est bien connu ça.

C'est alors, pénétrant ces portes pour la première fois, découvrant le décor de la pièce pour la première fois, déposant ses pas sur ce sol pour la première fois, la jeune blonde fût tout de même ébahie. Elle ne s'attendait pas du tout à ça. Elle penserait ce bureau plus vaste, plus ordonné, plus strict, etc... Mais peu importe, il était comme il était, et à ce moment précis prêt à recevoir la jeune femme. Mais, le jeune homme, qui s'apprêtait à la recevoir et qui faisait bonne figure, paraissait avoir assez peu d'expérience derrière lui. Peut-être n'était-ce qu'une impression après tout? Kristen avait appris à ne pas juger avant de savoir, au risque de se tromper trop lourdement.

Mais qu'importe, le jeune homme l'accueillit comme il se doit, politesse et respect au rendez-vous. Elle affirma avec un simple "oui" qu'elle était bien la personne qu'il nomma. Puis il l'invita à prendre place, aussi elle s'exécuta presque aussitôt. Bien qu'angoissée, elle avait hâte de débuter l'entretien. Celui-ci serait sans-doute constructif, puisqu'il était sujet de son avenir, de sa carrière, si on peut employer ce terme. Il feuilleta ensuite le dossier qui paraissait sur le bureau, celui qui donnait à quiconque le lisant des informations sur elle. Elles ne pouvaient être qu'appréciées ou non, tout dépendait de l'entretien qu'on passait. Enfin bref, à présent il écoutait ce que la jeune femme avait à dire, ainsi elle s'éclaircit la gorge, poussa un souffle de réconfort à elle-même (presque imperceptible) et enfin parla.

Tout d'abord je me nomme Kristen Akles, vous le savez déjà mais je pense important de commencer par le début. J'ai eu dernièrement mes 23 ans, c'est pourquoi, ayant désormais l'âge requis, je me présente à vous aujourd'hui, après quelques mois d'attente. Je suis née en Angleterre, en agglomération moldue. Oui mes origines sont moldues, mais suites à quelques "imprévus" dans mon enfance, j'ai été élevée par des parents sorciers. Ils m'ont toujours orienté vers les matières comme la défense contre les forces du mal, ou toutes ces matières pratiques, mais jamais je n'ai préféré celles-ci à la théorie. J'aime la logique, l'histoire de nos ancêtres, et je ne supporte pas des affirmation tirées de sornettes tel la divination. Personnellement je n'y ai jamais crut et je n'y croirait probablement jamais. Je suis ainsi assez cultivée, j'aime lire et écrire, défendre une hypothèse, ou tout ce genre de choses. Pour ne pas que vous me croyez sur parole uniquement, j'ai emporter men BUSES et mes ASPICS, afin que vous voyez par vous-même si encore vous êtes réticent.

La jeune femme reprit son souffle, pensant faire une bonne impression, malgré son assez long discours. Et elle n'avait pas encore finit. Elle ravala sa salive puis reprit:

J'y ai fait allusion tout à l'heure, mais en ce qui concerne mon caractère il est ce qu'on pourrait appeler bien trempé. Je ne me laisse pas marcher sur les pieds, je ne laisse jamais mes difficultés personnelles prendre le dessus lorsque je suis en lieu de travail. Il faut savoir faire la part des choses, ne croyez-vous pas?
J'aime apporter aux autres ce que je sais déjà, enrichir le monde des connaissances que je puis avoir et que la majorité de la communauté des sorciers ignore. Je pense désormais avoir fait le tour, si vous voulez savoir autre chose n'hésitez pas.

Kristen défroissa son pantalon, tira sur son maillot puis plongea son regard d'un bleu glacial dans celui du directeur adjoint, qui semblait réfléchir aux paroles de la jeune femme. Peut-être avait-elle oublié une précision?

Si Yeltaz manquait très clairement d'aplomb dans ce genre de situations, la jeune femme qui venait d'entrer dans la pièce semblait posséder une certaine assurance qui mit encore plus mal à l'aise le directeur adjoint du département des mystères.
Il s'efforça de respirer profondément pour calmer son angoisse qui devait être palpable, il en était sur, derrière les traits de son visage efféminé.
Quand Kristen commença à parler, il hocha lentement la tête, comme pour lui confirmer qu'il l'écoutait et qu'elle pouvait lui livrer tout ce qu'elle avait à dire.
De temps à autre, il prenant quelques notes, calmement, essayant tant bien que mal d'éviter le regard de la future nouvelle employée.
Il savait qu'il aurait bientôt à l'affronter, mais ne pouvait se résoudre à croiser ce regard trop rapidement...
Quand elle aborda le sujet de la divination, il haussa les sourcils, releva la tête et l'observa finalement de pleine face avant de parler de sa voix toute aussi androgyne que son apparence.

Vous ne croyez pas aux prophéties ?

Mais avant même que la jeune femme ait eu le temps de répondre, il était reparti dans ses notes, la tête baissée sur la table devant lui.
Il ne l'interrompit plus jusqu'à la fin de son discours. Lorsque finalement Kristen arrêta de parler, Yeltaz prit à son tour la parole.

Quelles étaient vos matières favorites à Poudlard ? Vous disiez...

Il chercha un instant dans ses notes, puis l'observa à nouveau, encore et toujours mal à l'aise.

... que vous aimiez l'histoire de nos ancêtres. Vous deviez appréciez l'histoire de la magie alors ?
Et concernant les prophéties, vous devez savoir que nous travaillons sur celles-ci dans nos locaux. Ça ne risque pas de vous gêner de devoir éventuellement étudier des prophéties alors que vous vous refusez à y croire ?

Une intervention. Dans son discours. Elle avait tout préparé, du début à la fin, et pourtant ce jeune homme avait réussi à trouver une faille. La faille. La jeune femme avait bien précisé, bien appuyé sur le fait qu'elle ne croyait pas aux sornettes que fournissait la divination. Mais pourtant, elle avait hormis un détail; les prophéties l'attiraient pour leur magie inexpliquée. C'était quand même incroyable, qu'un simple objet, aussi beau soit-il, puisse raconter tout un destin ! Ne croyez-vous pas ? Cette magie que tout le monde n'avait pas la chance d'exploiter la fascinait vraiment. Son but était précis: prouver que ces prophéties n'étaient pas étroitement liées à la divination, il devait y avoir autre chose. Et Kristen en était vraiment persuadée. Elle était formelle quant au fait que la divination n'était qu'un art illusoire, pour les cinglés qui veulent croire à un beau destin tout rose pour eux, mais qui dramatisent tout quand il s'agit des autres.
Quoi qu'il en soit, la jeune fille comptait bien expliquer tout ça au directeur adjoint.

Je crois aux prophéties. Mais je ne crois pas à la divination. Il ne me semble pas que quelqu'un ai déjà prouvé que les prophéties soient tirées de divination, et pour ma part je suis certaine que ce n'est pas le cas. Il doit y avoir autre chose, c'est pourquoi je veux rejoindre les langues-de-plombs "chercheurs", afin de prouver que quelque chose de plus fort se cache derrière tout ça. Cela peut paraître illusoire, pathétique même pour certains, mais je me maintiens à mon avis, je veux en faire un but.

...

Ne croyez pas que j'ai une dent particulière contre la divination... Mais je veux défendre le fait que le monde de la magie n'est pas bâti sur des théories purement dérisoires et hasardeuses. La magie est bien plus complexe que ça... Selon moi, bien évidemment.

Et voilà, Kristen avait le don de semer le doute chez quiconque, peut-être serait-ce également le cas avec le directeur adjoint ? Ce n'est pas forcément ce qu'elle souhaitait, non, juste répandre son avis, et espérer que cela serve, qu'on s'intéresse à elle sur ses arguments qui ne courent pas les rues.

Concernant mes matières favorites lors de mon passage à Poudlard, oui, l'histoire de la magie m'intéressait beaucoup. Mais la pratique, comme les potions, ou encore la défense contre les forces du mal attiraient mon attention aussi, je n'ai pas toujours été attirée par la théorie, même si de nos jours je la préfère amplement au reste.

Elle avait dit ce qu'elle avait à dire, elle n'en rajouterait pas pour le moment, elle était très curieuse de la réaction de l'homme qui l'écoutait...

L'argumentation de Kristen se tenait et Yeltaz hocha la tête en signe d'approbation, même s'il n'était en fait pas totalement d'accord avec la future employée, ce qu'il se permit, malgré sa gêne, d'exprimer tout de même à haute voix :

C'est vrai, la divination est souvent utilisé d'une mauvaise manière et beaucoup de personnes qui prétendent la maîtriser ne font en effet que jouer avec les sentiments de ceux à qui ils lisent l'avenir.
Mais il existe aussi de vrais prophètes, des personnes qui ont réellement le don de voir l'avenir... Parfois juste le leur, parfois aussi celui des autres...

Je ne veux pas briser vos ambitions, mais je suis presque certain que les prophéties qui sommeillent dans le département des Mystères proviennent de ces personnes là...

Yeltaz baissa les yeux, trop mal à l'aise d'avoir réfuté les arguments de Kristen pour la regarder encore en face. Ses joues très pâles habituellement, avaient pris une teinte cramoisie et il sentait la chaleur lui monter au visage.

Il s'éclaircit la voix et reprit, la tête toujours baissée, comme s'il était à présent incapable de contempler encore le visage de son interlocutrice.

Bien, bien, dit-il en notant les matières favorites de Kristen sur la feuille de papier qu'il mettrait ensuite dans son dossier.
Le département des Mystères est un endroit... euh... mystérieux, comme son nom l'indique, continua-t-il, la voix encore plus aiguë que d'habitude. On va vous demander de taire vos implications ici, de ne jamais parler à personne de ce que vous faites durant vos heures de travail... Est-ce que cela risque de vous poser problème ?

[Hj: Je suis infiniment désolée pour ce monstrueux retard pale

:Hj]

C'était vrai, les avis de Kristen sur la divination étaient peu répandus. La plupart des personnes venant travailler au département des mystères savait à quoi s'attendre, et était en général "croyant" aux prophètes. Peut-être Mr LeBihan voyait-il là un cas comme il n'en avait jamais vu ? C'était probable, car lorsqu'on l'examinait attentivement, on pouvait se rendre compte qu'il avait peu d'expérience. Comme s'il était intimidé.

Et bien écoutez, peut-être avez-vous raison, et peut-être existe-t-il dans ce monde des personnes réellement capables de ce genre de chose... Même si j'en doute, vous l'aurez compris. Enfin, ne faisons pas de débat là-dessus, je ne pense pas que l'une ou l'autre de nos deux opinions soient prouvées de notre vivant.

Le sous-directeur du département semblait de plus en plus mal à l'aise en compagnie de la jeune fille, elle-même n'en connaissait pas la raison. Il ne lui semblait pas être maladroite dans ses paroles, ni d'avoir exécuter un geste offensant. Sa tenue lui paraissait correcte et son regard naturel. Elle faisait le tout avec soin, et mesurait chacun de ses faits et gestes.

Elle poussa un soupir qui se voulu discret, avant de prendre de nouveau la parole, afin de répondre à une question qui pour elle était une évidence. Mais la poser était sans-doute une sorte de"procédure".

Évidemment, je suis consciente que tout ce qui sera fait ici devra rester secret, dans tous les cas. Et de toute manière je ne vois pas bien comment mais surtout à qui je pourrais raconter tout ce que je fais dans mon travail !

Kristen avait voulut afficher un léger sourire, pour mettre en valeur son intonation détendue. Mais ce fut sans succès, et ses lèvres se plissèrent seulement, on ne put qu'entrevoir le bout de ses dents. Combien de temps cela faisait-il qu'elle n'avait pas sourit sans s'y forcer... ?

Hum, ça ne me posera donc aucun problème.

HJ/ Ce n'est pas grave Wink

/HJ

L'entretien touchait à sa fin, ce qui était pour réjouir Yeltaz. Il allait bientôt être libéré de cet enfer.

Quand je serai directeur, je demanderai à quelqu'un de faire passer les entretiens pour moi.

C'était la première fois qu'il utilisait ces mots "quand je serai directeur", et il se raidit en réalisant qu'il avait finalement accepté cette idée après d'aussi longs mois à essayer de la confiner dans un coin de son esprit où il espérait ne plus pouvoir l'y retrouver.
Cette réalité le frappait maintenant de plein fouet : il allait devenir directeur du département...
Dans combien de temps ? Eilane ne l'avait pas précisé.
Elle avait seulement dit qu'elle voulait prendre du recul, et que ce serait pour bientôt... rien d'autre.
Yeltaz s'inquiétait pour elle. Mais pas autant que pour lui-même, en fait. Le propulser directeur était une totale folie et il se demandait s'il en ressortirait vivant.

Pour le moment, je vais déjà essayer de ressortir vivant de cet entretien.

Il adressa un léger sourire malhabile à la jeune fille en face de lui avant de baisser à nouveau son regard comme s'il venait de faire la pire des bêtises. Il se sentait à la fois honteux, bête et mal à l'aise de réagir ainsi. Mais on ne changeait pas des années et des années d'éducations et de soumissions !

Arrêtons le débat, en effet, admit-il sans lever son visage androgyne. Je pense que vous vous plairez à merveille ici.

Regardant à nouveau Kristen, sentant ses joues s'empourprer, il lui tendit une grande feuille de parchemin imprimée.

C'est le contrat du département. Lisez-le bien avant de signer. C'est un engagement sur lequel on ne peut plus revenir une fois qu'il est pris, ajouta-t-il, essayant, sans grand succès, de faire un peu d'humour.

Effectivement, l'heure tournait et l'entretien s'achevait, par la même occasion. Il s'était plutôt bien passé dans l'ensemble, il n'y avait pas grand chose à dire. Il s'était déroulé comme on déroule une bobine de fil. Et celle-ci était pratiquement vide. Kristen avait dit ce qu'elle avait a dire avec son air serein, le sous directeur l'avait écouté les yeux baissés, mais au moins ses paroles n'étaient pas passées en l'air. Elles n'avaient pas traversé son oreille pour ressortir de l'autre. Et c'était le principal, selon elle, qu'on soit d'accord ou non avec ses propos lui importait peu, mais qu'on les connaissent était tout autre chose.
Bref.
Toujours assise face au jeune homme, elle s'engouffra dans ses pensées, s'imaginant déjà dans son petit coin de travail. Elle ignorait encore complètement à quoi il ressemblerait, mais qu'importait, elle sentait bien que l'entretien tournait en sa faveur. Elle était venue sans rien, mais elle repartirait sûrement un boulot à la main.
C'était toujours ça.

Je pense aussi trouver ce que cherche ici, avoua la jeune fille.

Le jeune homme lui tendit un contrat, à signer. Le voilà enfin, cet engagement qu'elle avait tant convoité. Il était devant son nez, elle n'avait plus qu'à le saisir, à le lire, et à signer d'un trait vif. C'est ce qu'elle fit, suivant attentivement les instructions qui lui étaient données.

Et la voilà embauchée.

Je vous remercie monsieur, déjà de m'avoir écouté, je sais que ce n'est pas une tâche facile pour tout le monde, dit-elle le sourire aux lèvres.

Puis elle se leva lentement, remit le contrat sur le bureau, et attendit qu'on l'invite à partir. Au cas où elle aurait oublié quelque chose.

Ça y est ? C'était fini ? Vraiment ? Yeltaz arrivait à peine à y croire. Il s'était tellement tendu à l'extrême qu'il en avait des fourmis de partout. Et à présent, il rêvait seulement de faire quelques aller-retour dans son bureau, ou peut-être dans les couloirs - tant qu'il trouverait un couloir à l'abri des regards - pour se dégourdir un peu les jambes.

Mais il avait oublié un dernier point... Un point essentiel, sans doute.

Attendez, cria-t-il presque tandis qu'il réalisait cela tout en prenant peur que la jeune femme ne s'en aille avant qu'il lui ait posé la question. Nous avons différentes salles de recherche ici. Vous devez en choisir deux..., continua-t-il en oubliant presque de respirer. Je crois, rajouta-t-il enfin, à voix basse, encore plus mal à l'aise qu'il ne l'avait été depuis le début de l'entretien.

Il n'était pas très sur du protocole, mais tous les autres employés avaient été assignés à deux salles seulement. Il imaginait que cela devait être pareille pour Kristen, même si Eilane ne lui avait rien dit de spécial à ce sujet.

Quelles sont les salles dans lesquelles vous préfériez travailler ?

Kristen attendait, toujours debout, le signal qui pourrait enfin lui dire qu'elle pouvait partir. Que l'entretien était finit. Elle était là déjà depuis un bon bout de temps, et elle pensait avoir fait l'essentiel. De plus, elle avait le travail. Elle ne voyait vraiment pas quoi dire d'autre, et pourtant rien ne lui indiquait qu'elle pouvait partir. Alors, elle attendait, sans bruit, alors que le sous directeur du département semblait réfléchir. Peut-être allait-il revenir sur sa décision, peut-être s'était-il rappelé qu'il n'était pas possible d'embaucher Kristen ?
Si c'était le cas, la jeune femme se serait mise dans tous ses états. Mais elle ne devait pas s'affoler, ce n'était sûrement pas ça. Il devait probablement voir s'il n'avait rien oublié.
Oui, c'était ça, puisque quelques secondes après, il cria presque pour rappeler la jeune femme, comme s'il avait eu peur qu'elle s'en aille avant, alors que depuis le début elle n'avait pas bougé. Elle devait choisir deux salles, celles sans doute où elle travaillerait.

Comme elle l'avait dit plus tôt, elle voulait prouver que la magie était bien plus complexe que la divination, que les origines sorcières étaient bien plus surprenantes. Alors elle n'hésita pas.

J'aimerais travailler dans la salle des prophéties et dans celle de la biogénétique de la sorcellerie. Si c'est possible bien sûr.

Alors que le sous directeur semblait se morfondre de ne pas être sûr de ses avancements, Kristen elle savait qu'il ne se trompait pas, elle avait déjà entendu parlé de ce système. Peut-être cette fois-ci serait-elle vraiment celle du départ ? La fin de l'entretien semblerait convenir à tout le monde...

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