Où s'en vont les silences quand ils ont disparus ? [pv Erell]

Encore une nuit mouvementée. Le soleil avait maintenant pris le contrôle du ciel, ne réchauffant cependant pas l'air frai de décembre. Elle n'avait qu'une envie si tôt le matin : une tasse de chocolat dans le grand fauteuil rouge au pied de la cheminée...

La salle commune était étonnamment vide pour cette heure ci. Tant mieux. Son chocolat chaud posé sur le guéridon à côté du fauteuil, Kurun s'en saisi en s'affalant lamentablement entre deux coussins doux. L'air de la salle embaumait le sapin mêlé à l'odeur des bûches se consummant lentement dans l'âtre rougeoyante. Décoré tout de rouge et doré, aux couleurs de la maison, l'arbre resplendissait depuis plusieurs jours déjà... sans perdre une épine. Les sapins des autres maisons étaient-ils aussi beaux ?
Le regard de la jeune sorcière balaya le tas de paquets colorés sous les épaisses branches ; elle savait que son frère lui avait envoyé quelque chose, comme tous les ans, mais elle ne voulais pas l'ouvrir maintenant. Elle ferai semblant de ne pas le voir et quand quelqu'un le lui tendrai alors elle se résignerai. Bien sûr, Kurun aimait son frère plus que tout ainsi que les cadeaux qu'il pouvait lui faire mais l'esprit de Noël la dégoutait : ce n'était pour les moldus qu'une occasion supplémentaire de caprices et d'achats, sans valeur, aucune, et sans respect pour les fabricants. Une période où déjà enfant elle se questionnait sur toutes les personnes seules, loin de l'esprit familial des fêtes, tous ces enfants, ces adultes, ces familles dans les rues, à même le sol... Et les « grandes personnes » passant sans même poser un regard sur ces âmes perdues. Froid, tristesse, solitude. Voilà ce qu'évoquait Noël pour elle, là où pour une majorité de personnes voyait la fête, la famille, les cadeaux, la chaleur... Famille... Séparée.

La jeune sorcière chassa ses idées noires en avalant une grande lampée de chocolat brûlant, se recroquevillant sur le canapé, entre les coussins, les couettes et sa cape qu'elle avait négligemment enfilée pour ne pas attraper mal en descendant.

La journée pouvait commencer, et, comme tous les ans, c'est avec beaucoup de grâce et de charisme qu'elle ferai semblant d'apprécier les festivités. Elle blufferai tout le monde.

Nedeleg Laouen mon frère ! Pensa-t-elle très fort en son cœur.
Et elle aurai juré qu'il venait de l'entendre et lui répondre. Les yeux plongés dans ce feu, elle se sentait bien. Elle repensa à toutes les lettres qu'elle n'avait pas ouvertes, celles qu'elle n'avait pas écrites et celles qu'elle n'avait pas envoyées... La nouvelle année viendrait bientôt et il lui faudrait envoyé ses vœux. Ce temps là viendrai bien assez vite. Aujourd'hui, elle ne voulait pas penser.

Des petits groupes descendaient des dortoirs, riant et savourant l'instant.

Les discussions se faisaient de plus en plus joyeuses, légères... Le son du papier qui se déchire et les cris d'amusement, les soupirs d'étonnement et les moues de déception.
Kurun voyait tout cela sans se retourner. Il lui suffisait de fermer les yeux et de laisser son esprit vagabonder dans la pièce. Sautant tantôt sur une table, tantôt sur une dalle de pierre, elle sentait toute l'énergie positive de ce jour. La joie, la gaieté de ses camarades... Cette magie là n'appartenait ni au bien ni au mal, et jamais aucun être, qu'il soit sorcier ou moldu, ne pourrai la détourner.

Magie du bonheur, des souvenirs... valse d'images en tête. Tango d'odeurs.
Le silence avait disparu, remplacé par des sourires. C'était peut-être une raison d'aimer Noël après tout ?
La jeune fille porta sa tasse à ses lèvres. Chaleur éternelle. Breuvage immuablement rêveur. Douceur de l'instant...

Nollaig Shona Messieurs, Dames !

La nuit avait été longue. Très longue mais porteuse de conseils. L’insomnie avait surprit la nouvelle cadette de Bowen, chose qu’y n’était plus arrivé depuis … Quelques temps déjà. Les souffles paisibles des filles du dortoirs auraient surement aidés Erell à s’endormir, mais finalement, ce serait bénéfique qu’elle reste éveillée. Elle pourrait réfléchir. Toute la nuit.

Il était encore tôt lorsqu’elle entendit une de ses camarades de chambre descendre. Les bras repliés sous la tête, elle avait fermé les yeux un instant, jusqu’à ce que la porte se referme en un léger grincement. Tout doucement, elle avait enfilé sa robe de chambre polaire, et s’était assise sur le rebord de la fenêtre. Elle faisait ça souvent, enfant. Le paysage blanc était reposant et source de réflexion. Le soleil qui brillait déjà haut dans le ciel, malgré l’heure matinale, éclairait les environs du château. Le souffle de la bretonne créait un voile blanc sur la vitre, prouvant la température froide, voir glaciale qui régnait à l’extérieur.

Petit à petit, toutes les demoiselles du dortoirs s’étaient éveillées, créant une véritable effervescence en ce jour de Noël. La tranquille quiétude d’Erell venait de voler en éclat, à son plus grand déplaisir. Poussant un soupire résigné, elle suivie ses acolytes dans la salle commune, et comme à chaque fois, son regard s’attarda sur le magnifique sapin qui trônait dans la pièce depuis quelques jours déjà, sans s’abimer, ni perdre de sa splendeur. Des montagnes de cadeaux trônaient sous ses branches et Erell détourna prestement les yeux. Aucun d’entre eux ne serait pour elle, elle le savait. Mais une part d’elle continuait d’ espérer que sa grand-mère lui ai tout de même envoyer quelque chose, une lettre peut-être. Savoir qu’elle ne devrait pas être ici en cette période lui faisait mal au cœur, et elle s’éloigna en toute hâte du prince des forêts.

L’un des deux fauteuils était occupé par une fille. Une jeune femme plus tôt. Kurun Aven, septième année. Assise, une tasse de chocolat chaud entre ses mains, elle tira immédiatement un sourire à Erell. Son pressentiment avait donc été juste, une heure plus tôt environ. Kurun était de dos, le visage tourné vers l’âtre de la cheminée, elle ne manifestait aucune envie de participer aux festivités. Contournant le fauteuil, Erell vint s’assoir sur le canapé, en tailleur. Peut-être que Kurun n’aimait pas Noël ? Sur cette amusante pensée, Erell déclara d’une voix neutre, teintée d’une pointe de nostalgie :

« - Je préfère la salle commune calme et déserte … Il y a trop de bruit, trop de monde … Pas assez de satisfaction en ce jour de Noël … »

Puis, regardant dans la tasse de sa voisine, elle sourit.

« - Excellent choix. Je n’aime pas quand il y a de la chantilly. Ca gâche tout, je trouve. Au fait, Kurun, je crois qu’il y a plusieurs cadeaux pour toi sous le sapin d'après ce que j'ai pu voir, je pense qu‘une des filles va bientôt te les apporter… »

Kurun sourie à la jeune brune venue la rejoindre.

Je crois en avoir vu oui, mais je n'aime pas beaucoup les cadeaux sans sens... Il vaudrait peut-être mieux que je les prenne moi-même pour ne pas être contrariée par quelques fouines venues chasser le ragot...

Elle tendit alors son chocolat fumant à Erell, lui souriant avec sincérité.

Prends le, je ne le boirais pas alors si ça peut t'apporter un peu de chaleur... J'ai remarqué que tu n'avais rien pris sous le sapin, c'est que tu ne dois rien attendre. Je me trompe ?
Joyeux Noël Erell !

Et, laissant une place à la jeune fille à ses côtés, elle sortit sa baguette.

Acio paquets !

Enonça-t-elle, n'ayant pas le courage de se mouvoir. Trois paquets colorés s'élevèrent alors et se posèrent sur ses genoux.
L'un venait de Grace, sa mère... avant même de déchirer le papier bleu, elle savait qu'il contenait un article de la dernière collection 'Dewis'. Comme tous les ans, sa mère avait répondu à la tradition de Noël...
Le second portait une petite étiquette.

Elle ne prit pas la peine d'ouvrir le présent, sachant ce qu'il contenait. Kurun jeta néanmoins un rapide coup d'oeil à la jeune Gryffondor, s'assurant qu'elle verrai le nom figurant sur le billet, s'assurant ainsi de l'occasion d'évoquer les sentiments de Jinx à son égard. Cependant, elle n'attendit pas de questions de sa camarade avant de fixer le dernier cadeau.

La sorcière tenait entre ses mains une jolie boîte ornée de deux blasons : l'un de Brocéliande, l'autre de Gryffondor, joliment enrubané. Ce présent venait sans nul doute d'Iwan, et, retrouvant le sourire, elle attrapa sous le biais de satin une enveloppe contenant une lettre.
Elle hésita, la tourna, la retourna, n'osant l'ouvrir. Elle se tourna alors vers la jeune fille à ses côtés et attendit son avis.

Elle prit le chocolat avec un sourire reconnaissant, et y trempant ses lèvres, appréciant la chaleur qui lui réchauffa instantanément le corps. Et le cœur. S’enfonçant dans les coussins, elle ramena ses jambes à sa poitrine et posa le chocolat sur ses genoux, le tenant entre ses fines et longues mains d’ancienne pianiste. Un flot de souvenirs remontèrent à la surface. Son premier cours de piano. Ses rapides progrès. Son premier concours; sa première coupe. Les nombreuses partitions qu’elle jouait jusque tard dans la nuit. L’après midi du dimanche, à l’heure du thé, où elle jouait son morceau préféré : My Heart will go on, célèbre musique du film Titanic. Puis, les souvenirs moins plaisants. Doigts brisés. Joie envolée. Douleur. Soupirant, elle regarda Kurun, un paquet entre les mains, portant une étiquette. Pincement au cœur. Jinx lui avait envoyé un paquet. Rowel. Voilà donc son nom de famille. Jinx Rowel. Curieux personnage. Mais charmant. Un peu instable, mais charmant. Un peu comme elle, et si différent. Détournant les yeux, Erell contempla un instant le feu dans la cheminée. Les flammes dansaient, chantaient, les buches craquaient, consumées. Magnifique ballet d’une danse si particulière. De nouveau des souvenirs. Ses premiers pas dans ses chaussons. Ses premiers entrechats. Ses premiers grands battements. Ses premiers spectacles. Le premier grand écart réussi. Les demi- pointes et puis les pointes. La danse classique.

Revenant des méandres de sa mémoire, elle regarda sa voisine, qui semblait indécise. Une lettre entre les mains, Kurun la scrutait, surement en guise d’un conseil.
« - Eh bien, vas-y, ouvre là. » Lui dit-elle d’une voix douce.

Elle but une nouvelle gorgée de chocolat, et reporta son attention sur sa camarade.

« -Non Kurun, je n’attends rien. Strictement rien. Après tout, je suis la fille qui est responsable de la mort de son frère, pourquoi quelqu’un daignerait m’envoyer quelque chose ? » Murmura-t-elle avec un sourire triste.

Bien sur, elle mentait. Elle espérait bien quelque chose, mais de qui ? De sa grand-mère peut-être, ou de sa sœur. Mais en aucun cas de ses parents. Ni mot, ni carte, rien. De toute manière, elle ne l’aurait pas ouvert. Elle l’aurait regarder longtemps, et caresser le papier cadeau, mais ne l’aurait pas ouvert. Il aurait trôner sous le lit de nombreux jours, jusqu’à la fin de l’année certainement, et de retour chez elle, elle l’aurait fait disparaitre. C’était toujours Andrew qui ouvrait ses paquets. Pour s’amuser, et avoir l’impression d’en avoir plus, se justifiait-il. Erell sourit. Sourire triste. Larme solitaire. Nouvelle lampé de chocolat.

« - Joyeux Noël Kurun. »

« Joyeux Noël Andrew. »

La jeune Gryffondor, intriguée, regarda la jeune sorcière à ses côtés. Et sans attendre, souleva le couvercle de la boîte enrubanée.

Une baguette.

Des runes nordiques.

Un médaillon ancien.

Une clef.

Un gant en cuir.

Voilà qui était pour le moins inhabituel ! Oubliant complètement Erell, elle commença à scruter la baguette... Elle se souvenait : elle l'avais fabriquée un jour de solstice dans une branche de saule, taillant et ponçant le bois, gravant de petits symboles sur les extrémités à une époque où elle ne connaissais pas la véritable existence de la magie, vivant à travers les contes de fées.

- C'est ma première baguette ! chuchota-t-elle à sa voisine. Sa voix tremblait sous l'émotion. Enfilant le médaillon et la clef autour de son cou sans en chercher la signification, elle n'eut pas besoin de chercher bien long dans sa mémoire pour retrouver le souvenir auquel se raccrochait les petits galets gravés. Ils n'avaient pas changés, ni leur odeur, ni leur couleur... encore moins les courbes granuleuses et les gravures sous ses doigts.

- Et voici les runes de divinations que je me suis fabriquée étant plus jeune, bien plus jeune. Je "lisais l'avenir" dans ces runes, tout comme ma mère et ma grand-mère. C'est en tout cas ce que je croyais à l'époque... Je me demande si ça fonctionnerai...

Mais, mettant vite de côté les pierres, son attention se porta sur le gant qui, elle en était sûre, ne lui appartenait pas. Les yeux pétillants de la jeune brune tentaient de définir ce à quoi ce gant pouvait servir. Kurun, elle, cherchait à savoir à qui il appartenait.

Iwan tu ne m'aurais quand même pas...

La sorcière bondit d'un coup, puis, ayant peur de faire sursauter sa camarade, se leva, ses paquets en main :

- On se retrouve dans dix minutes ici même. Je pense avoir une idée.

Elle couru alors vers les escaliers, abandonnant sa nouvelle amie seule sur le fauteuil rouge sang, son chocolat chaud dans les mains. Mettre au plus vite des vêtements chauds... Voilà ce qui importait maintenant. Elle marqua cependant une pause, et, se retournant, appela par l'encadrement de la porte.

Erell, j'allais oublier...

Murmurant une douce consigne à sa baguette, deux ravissants cadeaux s'élevèrent dans les airs pour se poser sur les genoux de la jeune fille étonnée. Non, Kurun n'avait rien dit, mais elle avait vu. Et ce qu'elle voyait maintenant, ce n'était plus deux paquets délaissés et une jeune fille triste mais une jeune sorcière souriante. Elle laissa alors à la petite un peu plus d'intimité pour découvrir ce qui se cachait derrière les papiers dorés, se dépêchant tout de même pour ne pas rater le spectacle d'un visage qui s'illumine.

Erell n’avait pas lu la lettre. Elle détestait qu’on lise les siennes, alors par principe, elle ne lisait jamais celles des autres. Surement une question d’éducation aussi. Elle avait juste saisi un mot, un fragment de lettre qui l’avait convaincu de ne pas lire. Un message d’un frère à une sœur est privé. Quand Kurun avait jeté un regard vers elle, Erell avait sourit. D’un petit sourire encourageant. Sans attendre, la jeune femme avait soulevé le couvercle de la boite, qui contenait divers objets. Tous plus insolites les uns que les autres. Une baguette. Pas une vrai surement. Sinon, a qui donc pourrait-elle appartenir ? Des galets gravés… Un médaillon et une clef. Et un gant. Un de ces jolis gants en cuir qui ne sont ni pour la ville, ni pour une pratique scolaire. A quoi bon pouvait-il servir alors ? Fascinée par cet unique gant, elle écoutait d’une oreille distraite les explications de sa voisine. La baguette était donc la première de la sorcière, et les galets des runes. Pour lire l’avenir donc. Un sourire mi moqueur-mi émerveillé s’accrocha aux lèvres de la jeune bretonne pour y rester un petit moment.

Kurun se leva, les paquets dans les mains, une flamme nouvelle dans les yeux. Cette même flamme qui signifie qu’on a compris. Erell avait bien comprit que ce gant était particulier. Et que Kurun avait de la chance. Enormément. Ca devait être un fabuleux cadeau, à voir la lumière qui illuminait les belles prunelles grises-vertes, que lui avait fait son frère. Suivant la jeune femme des yeux, elle ne se rendit pas compte immédiatement que les cadeaux posés sur ses genoux étaient les siens. Mélange d’incompréhension et de joie. Sourire heureux. Remerciements muets.

Erell ne savait pas par quel paquet commencer. Sa sœur lui avait envoyé un paquet, mais de qui était le second ? Pas d’étiquette, pas de lettre, rien qui pouvait laisser deviner l’identité de l’expéditeur. Jugeant que la lettre de son aînée pourrait peut-être répondre à ses questions, elle décacheta la missive et en sorti un joli papier doré sur lequel s’étalait une fine écriture penchée et régulière.

Les mains tremblantes, Erell contemplait la lettre de sa sœur, la gorge serrée. Maëlle avait écrit son prénom d'une couleur différente au reste de la lettre, comme à son habitude. Une curieuse manie qu'Erell n'avait jamais comprit. Elle s’attendait à tout, sauf à ça. Des cadeaux souvenirs, en quelque sorte. Posant la lettre à plat à côté d’elle, Erell frôla du bout des doigts le cadeau d’Andrew. Cependant, ne se sentant pas prête à l’ouvrir, elle le mit de côté, et commença à défaire le papier cadeau de l'autre présent, avec une infinie douceur. Elle reconnaissait bien sa sœur, tant le papier était tiré aux quatre épingles. Quand, enfin, elle vint à bout de tout cet emballage, elle découvrit avec plaisir que son aînée n’avait pas changé. Quelqu’un d’autre aurait disposé les paquets dans le carton, et l’aurait envoyé comme ça. Mais pas Maëlle. Le parfum était encore dans sa boite, soigneusement emballé dans un film protecteur, et les deux livres eux aussi empaquetés. Inspirant profondément, Erell posa le carton à ses pieds, et se pencha pour saisir l’autre paquet. Lui aussi imposant, il n’était cependant pas bien lourd, ce qui ‘aidait pas la Gryffondor à en déterminer le contenu. Faisant jouer ses doigts un instant sur l’extérieur avant de commencer à déballer. Elle avait le cœur qui palpitait, les doigts tremblants, elle avait trop chaud. Le contenu de ce cadeau était essentiel pour elle. Qu’est-ce que Andrew avait donc prévu de lui offrir ? Quel serait donc le dernier cadeau qu’il lui avait fait ?

Erell extirpa, non sans mal, une partition de la boite. Regardant attentivement les notes, elle se souvint immédiatement.

Flash Back

« -Non Andrew, je n’ai pas envie de jouer… »

La mine déçue et boudeuse du prénommé Andrew tira un sourire affectueux à la jeune fille. Mais c’était vrai. Elle n’avait plus envie. Plus du tout même. Cette allégresse qu’elle ressentait lorsqu’elle jouait avait disparue. Disparue il y a quatre mois. Depuis, elle n’avait plus touché au piano à queue noir qui trônait dans le salon, majestueux.

« -S’il te plait, Erell. Pour moi… »

Soupirant, elle entraina son frère vers le tabouret, et l’installa à côté d’elle. Son regard dériva vers le jeune garçon, qui à présent avait un immense sourire accroché sur les lèvres. Posant ses doigts sur les touches, elle commença à jouer. Mais la musique résonnait dans l’air, vide de sens, comme toutes les fois où elle avait réessayé. Regardant son frère d’un air désolé, elle lui caressa les cheveux et se rapprocha de lui.

« - Je suis désolée de ne plus y arriver. »

Flash Back

Repensant à toutes les fois où elle avait réessayé, en vain, de retrouver cet univers si particulier qu’était celui où elle baignait quand elle jouait, une grimace vient se peindre sur le visage d’Erell. Elle ignorait comment il avait retrouvé cette partition. Erell croyait les avoir toutes brulées, une à une, après une crise de colère, quand elle avait comprit que jamais plus, elle ne rejouerait du piano comme avant. Replongeant la main dedans, elle en sorti cette fois une paire de petits chaussons roses usés jusqu’à la corde, bien trop petits pour elle, à présent. Puis pour finir, elle attrapa une paire de pointes. Malgré ses yeux embués, elle sourit. Ses paroles n’étaient pas tombées dans l’oreille d’un sourd. La jeune Gryffondor se souvenait parfaitement du jour où elle avait laissé sous entendre qu’un jour, peut-être, elle recommencerait le classique. Andrew adorait regarder sa sœur danser. Il pouvait rester là, pendant des heures, juste pour voir Erell faire quelques étirements, et des figures simples. Caressant machinalement le tissu, elle attrapa son chocolat, qu’elle avait au préalable poser sur une table basse, et but une gorgée. La main serrée sur ses patins.

Elle n'était pas montée tout de suite, regardant sa camarade pendant encore quelques minutes. Ces quelques minutes supplémentaires apportait en ces lieux une magie qu'aucun sorcier ne pouvait réellement maîtriser. Seule sur son canapé, la jolie brune souriait, un sourire sincère, des étoiles dans les yeux. Ses doigts soulevèrent gracieusement le papier d'une enveloppe...

Kurun gravit rapidement les escaliers jusqu'au dortoir. S'asseyant sur son lit, elle ouvrit le paquet de Jinx et attrapa un chocolat. Fourré praliné, enrobage de chocolat et éclats de noisette. Fondant délicatement sur le palet... Le jeune homme avait également choisi une superbe plume. Mais pas de fleurs. Il devait y avoir des fleurs... Tant pis.
La jeune sorcière attrapa un jean, un gros pull et sa paire de bottes. Les enfilant, rapidement, elle choisi un second chocolat dans la boîte avant de la refermer. Chocolat noir enrobé dans des feuilles de menthe fraiches.

Avant de desendre rejoindre Erell, elle saisi sa cape pour ouvrir la jeune fille avant de sortir. Son gant dans la main, elle ressorti du dortoir en direction de la salle commune.

Appeler l'orage...

Arrivant dans la salle, Kurun s'approcha doucement des fauteuils sur lesquels la jeune Gryffondor contemplait un paquet. Son gant toujours dans la main, elle contourna les fauteuils et vint s'assoir sur le bord de la cheminée, laissant les flammes réchauffer son dos, l'enveloppant d'une chaleur protectrice.
La sorcière sur le canapé semblait ne pas l'avoir remarquée. Elle ne la dérangea pas, la laissant vivre ce moment seule, dans le relative intimité qui lui était offerte ici.

Quelques feuilles griffonées (une partition ?), des chaussons de bébé et des pointes de danse... Symboles ou souvenirs, ce Noël était vraissemblablement placé sous le signe du passé.
Le passé et l'émotion. C'est ce qui se lisait maintenant sur le visage de la jeune fille, émotion désagréable quelques secondes suivie de sourires, d'étoiles, de rêve et de larmes. De presque larmes en tout cas.

Elle laissa Erell finir le chocolat, profitant encore des caresses du feu encore quelques minutes. Puis, d'une voix douce, elle murmura :

- Et maintenant Mademoiselle, enfilez cela ! Un bol d'air te fera du bien Erell ! Et, j'ai quelqu'un à aller voir. Je veux que tu m'accompagnes.

Elle lui tendit une écharpe et se redressa pour poser une cape sur les épaules de la jeune fille. Souriante, elle voyait que sa camarade se noyait dans l'émotion : les deux cadeaux qu'elle avait reçu devait avoir un sens tout particulier. Elle lui en parlerai plus tard, une fois le bruit de la salle commune loin derrière elles, quand elles seront dehors, en compagnie de l'Orage.

Erell avait laisser les souvenirs la submerger quelques instants encore. Ou peut-être plus. Spectatrice de ses souvenirs, elle puisait la force de continuer à se battre dans ses lambeaux de bonheur à jamais perdus. La majorité des meilleurs moment de son passé, étaient les après-midi au bord de la rivière, à faire de la pêche et à apprendre à Andrew à nager. Quoi qu’elle fasse, quoi qu’elle dise, Erell comprit que son frère ferait parti de sa vie à tout jamais, d’un passé heureux et malheureux. D’un passé douloureux et fantastique. Elle devait l’accepter. Accepter que chacun de ses souvenirs soient liés à lui, que quoi qu’elle pense, ses pensées viendraient toujours à chavirer vers lui. On efface pas sept années d’un seul coup. Les gens disent qu’après le temps des pleurs vient celui où l’on peut penser au défunt sans menacer de fondre en larmes. Il parait.

Quand enfin, elle émergea, Erell remarqua Kurun. Si elle ignorait depuis combien de temps elle était là, nul doute qu’elle avait assister à l’ouverture du deuxième paquet. Sa camarade était dos au feu, profitant de la chaleur des flammes qui caressaient son dos. La jeune Gryffondor posa sa tasse sur une table et regarda Kurun saisir une cape et la lui poser sur les épaules. Fermant les yeux un instant, Erell expira longuement, pour se vider la tête, et l’esprit de toute cette joie de vivre qui l’entourait, la ballotant. Depuis quelques temps, à la mort de son frère à vrai dire, Erell avait commencer à sentir les émotions et sentiments des personnes aux alentours. D’abord, elle en fut apeurée, puis décontenancée. Au final, elle avait simplement fini par s’éloigner du monde, savourant un peu la solitude, profitant du calme environnant.

Kurun lui tendit une écharpe, qu’Erell attrapa avec une infini douceur, et la noua autour de son coup avec un soin tout particulier, pour qu’aucune parcelle de sa peau ne soit exposée au froid. Il ne manquerait plus qu’elle tombe malade, et elle aurait tout fait, cet hiver. Étant encore un peu à part, elle se laissa entrainer par Kurun vers l’endroit où ce tenait cette personne que la demoiselle Aven devait voir, avec un brin de nostalgie. C’était sa sœur qui l’entrainait à toute vitesse comme cela, vers de nouvelles connaissances.

« - Qui est donc cette personne, Kurun ? Pourquoi devrais-je la rencontrée ? »

La sorcière sourit avec malice à cette question. La jeune Erell n'opposait aucune résistance à a suivre dehors, par cette heure et cette fraicheur matinale. C'était agréable de voir qu'au moins une personne à POudlard avait confiance en elle. Etait-ce réellement rassurant ?

Je ne sais pas Erell, je ne sais pas....

Sourire, rire, rêve. Elles descendaient maintenant les escaliers avec une rapidité pour le moins étonnante. Kurun tenait toujours la main d'Erell au creux de la sienne, comme si elle avait peur que la jeune fille ai envie de s'enfuir...
Si toutefois elle avait raison, il ne faudrait que quelques minutes à la Gryffondor pour tomber sous le charme de celui qu'elle s'apprêtait à appeler.

La neige craquait à présent sous les pas grâcieux des deux demoiselles. Quelques flocons embrassèrent leurs visages, laissant au soleil le soin de les saluer. La valse semblait connue de ces petits amas blancs et glacés, cependant, ils n'avaient pas besoin de musique pour être en rythme.
Le vent caressa la joue de Kurun avant de venir jouer dans sa chevelure. C'est alors qu'elle lâcha doucement la main de sa camarade, fermant les yeux, savourant à chaque instant le contact avec cette nature. Quelle superbe robe elle avait revêtu là ! Blanche, immaculée, si pure...
Il n'y a pas de temps dans lequel un tel instant pouvait s'inscrire. Tournoyant, riant de bonheur, depuis longtemps, Kurun n'avait pas ressenti cette liberté euphorique.

Malgré la sensation étrange qui l'emplissait à chaque seconde, elle s'arrêta de tourner les bras écartés et rouvri les yeux pour fixer Erell.
Toujours ses yeux plongés dans les siens, elle attrappa le gant en cuir dans son sac, l'enfila et leva son poing haut au dessus de sa tête.

Et maintenant ma belle, appelons l'Orage...

Dirigeant son visage vers la voûte nuageuse au dessus d'elle, la sorcière respira un grand coup avant d'appeler d'une voix claire...

Anrev ! Mon Orage, je t'attends !

La jeune femme ne savait pas à quoi s'attendre. Et chaque seconde de silence marquait le coeur de Kurun d'un battement sourd de défaite. La joie laissa place au doute, le doute à la déception, la déception à la frustration...

Anrev...

Un cri strident parvint alors par dessus les arbres, et un bel oiseau apparut. Un noble Sir, un Orage à l'oeil vif, l'allure fière tant en vol que posé sur le poing de la sorcière étonnée. Elle s'attendait à un cadeau, oui ; elle s'attendait à un oiseau, oui ; elle s'attendait à être surprise, oui ; mais elle ne s'attendait pas à devenir en quelques instants, propriétaire d'un faucon...
Un pèlerin, vif, jeune, mais visiblement dressé à merveille. L'oeil noir, cerné d'un jaune éclatant, aussi profond et vivant que celui de son bec. Le plumage gris-brun, le ventre et la gorge de l'animal d'un blanc-crème subtile... ses serres ne s'enfoncaient qu'à peine dans le gant offert... délicate créature.

Erell, voici Anrev. Sir Anrev, je vous présente Mlle Erell Bowen.

En cet instant, elle ne pouvait dire si le cri était adressé à la jeune brune ou si c'était un hasard. De même, comment savoir si ce bref hochement de tête était un signe de salutation ou un mouvement anodin de l'oiseau ? Qu'importe, il était si beau...

Elles dévalaient les escaliers avec une rapidité déconcertante. Erell se laissait entrainer, ne craignant pas l’endroit où Kurun souhaitait l’emmener. Il faisait encore très froid et l‘heure matinale. Drôle d‘instant. Sa main dans celle de la jeune femme, Erell écoutait la neige craquer sous leur pas, et regardait les flocons voletaient dans le ciel, sans but apparent. Plusieurs virent à sa rencontre, et elle en attrapa un, délicatement, pour le contempler. Le jeune fille aimait cette drôle de structure, ce blanc qui les caractérisaient, leur taille insignifiante. Un peu comme un homme à l’égard du monde. Insignifiant. Puis, le flocon se mit à fondre, réduisant les songes d’Erell à l’état de néant. Le vent vint les saluer, faisant voler leur chevelure, chantant à leur oreille. Erell leva la tête vers le ciel et sourit. Sourit de bonheur. Elle chuchota quelque chose au vent et regarda Kurun tourbillonner sur elle-même. Puis, sa camarade cessa de tourner, et rouvrit les yeux pour la fixer. Sans la lâcher du regard, Kurun sortit le gant et l’enfila. Elle leva ensuite son poing vers le ciel, et appela. Elle appela Orage. Les secondes filèrent et rien ne se passa. Peu à peu, elle sentit Kurun douter, puis le doute laissa place à la déception. Puis la frustration.

« Ne perds pas espoir Kurun, il viendra. Je le sais. Ne doute pas. »

A peine eu t-elle pensé cela, qu’un cri déchira le silence. Une silhouette apparue dans le ciel, d’abord floue et lointaine, puis peu à peu elle se dessina plus distinctement, révélant un oiseau. Oh, pas n’importe quel oiseau, non, un pèlerin. Bien qu’Erell n’aimait pas les oiseaux, elle avait toujours eu une fascination toute particulière pour les chasseurs. C’était les seuls qu’elle pouvait approcher sans réel problème. Une phobie assez déplaisante, surtout dans un pays comme l’Angleterre, où le pigeon règne en maître.

Lorsque Kurun fit les présentations, Erell tira une révérence, comme celle faite à l’époque, en tenant un pan de la cape. Elle s’inclina respectueusement vers le sol, et se releva doucement pour ne pas effrayer Anrev. En retour, l’oiseau hocha la tête et lâcha un cri.

« - Ravie de faire votre connaissance, Sir Anrev. »

Elle adressa à Kurun un clin d’œil accompagné d'un petit soupire fatigué. Elle s’assit sur la neige, en tailleur et désigna la place à côté d’elle d’un geste de main à sa camarade.

« - Tu t’y attendais ? »

Laissant la réponse à sa question se former dans sa tête, Kurun s'assit à la place que lui indiquait Erell. Fascinée par l'oiseau, elle fini, après quelques respirations, par répondre à mi-mots...

-Non. Je m'attendais bien à quelque chose d'un peu exceptionnel mais pas à ce point...

Le vent, au sol, n'était pas si froid qu'il pouvait y paraître. Seule la neige humide sous la grande cape de la jeune fille lui piquait la peau. Anrev avait-il froid en cet instant ? Lui que son plumage protégeait... L'oiseau toujours posé sur son poignet, elle attendit un peu avant de murmurer dans un demi-rire...

Je n'ai aucune idée de la manière d'éduquer un faucon... J'espère qu'Iwan aura fait le plus gros, je ne suis pas fauconnière...

A ces mots, l'oiseau s'envola quelques peu et se posa plus loin, fixant Kurun dans les yeux, son regard perçant en disait long sur l'éducation qu'il avait reçu et la compréhension qu'il avait du monde environnant. Elle lui adressa un sourire et se retourna vers Erell.

Assez parlé, à ton tour ! Jinx Rowel... où l'art et la manière de parler d'un sujet pas toujours plaisant et ensuite tu me diras de qui t'as envoyé tes cadeaux et ce qu'ils signifient !
Et te défile pas hein, Rowel d'abord !

La jeune sorcière rougissait timidement. La fatigue et la gêne pointaient sur son visage, lui donnant un air de muse endormie.
La main gauche de Kurun s'extirpa du gant en cuir, et, vint caresser la neige entre elle et Erell. Sa main droite bougea doucement, se posant délicatement sur le genoux de la jeune sorcière.

Rassurer. Apaiser. Conforter.

Voilà les seules fonction qu'avait ce petit geste affectif. Petit à petit, Kurun se rendait compte à quel point elle s'attachait à la jeune fille...
Peut-être comme une petite soeur qu'elle n'avait jamais eu. A moins que...

« - Non, c’est vrai … Tu n’es pas fauconnière. Tu es juste toi, et tu t’en sortiras très bien avec Anrev. »

Erell adressa un petit sourire encourageant à la jeune femme, qui semblait doutée de sa capacité à élever un faucon. Entretenir serait plus exact. Anrev était tout sauf un faucon à élever. Vif, il portait sur le monde un regard perçant qui en disait long sur son éducation et sa perception des choses qui l‘entouraient. Erell regarda l’oiseau encore un moment, avant de répondre aux questions de Kurun. Elle avait sentie ses joues s’empourprées, et elle était assez mal à l’aise. La jeune bretonne ignorait que Jinx avait parlé d’elle à Kurun. Quand Kurun posa une main sur son genou, Erell eu envie de se blottir contre elle, et de pleurer. Pleurer jusqu’à ne plus avoir de larmes. Elle ignorait pourquoi, maintenant elle avait envie de pleurer. C’était stupide à son goût de craquer maintenant … Elle ravala donc ses larmes et fixa la neige un instant.

« - J’ignorais qu’il t’avait parler de moi … Quand ? Bon, comme je sais que je n’y couperais pas … Jinx et moi on s’est connu à la bibliothèque, je te passerais les détails, tu n’as pas besoin de savoir ce qu’on y a fait. Sache en tout cas que j’ai pris le risque d’être renvoyée de l’école pour un parfait inconnu à l’époque. C’était peu de temps après que Andrew soit décédé, et j’étais psychologiquement instable. Aujourd’hui aussi, tu me diras. Mais c’était différent. Puis, on s’est croisé dans le parc une fois. Il fumait sa pipe. Je l’ai éteinte de force, réduisant de beaucoup ses chances de connaître la vérité sur ses parents. Je sais que maintenant, il sait pas mal de choses sur lui et son passé. Je m’égare là. Il était furieux, et moi j’étais perdue. Tout s’est enchaîné très vite et … Comment t’expliquer … Il m’a embrasser. Et puis moi je l’ai repoussé. J’ai voulu qu’il m’oubli. Tu comprends, c’est mieux pour lui … Je ne suis absolument pas le genre de fille qu’il lui faut … Et puis voilà, on en est là. C’était quoi le cadeau qu’il t’a envoyé? »

Elle avait parlé d’une traite, les yeux fixés dans ceux de Kurun. Erell n’avait pas honte. Non, c’était pire. L’amusement, c’est tout du moins comme cela qu’Erell l’avait ressentit, de Kurun la mettait mal à l’aise. Que diraient ses parents, surtout son père, si ils savaient qu’un garçon s’était éprise d’elle ? Surtout un garçon de trois ans son aîné … La jeune bretonne préféra ne pas plus s’attarder sur cette question, connaissant déjà la réponse.

« - Mon premier cadeau est de ma sœur aînée. C’est un journal intime. Elle doit se douter que ce n’est pas vraiment la forme pour moi en ce moment. Maëlle sait que ici, nous n’avons pas de psychologue, personne d’extérieur à qui nous confier, donc elle m’a offert quelque chose qui pourra soulager un peu ma peine. Et puis, elle a retrouvé celui que je tenais quand j’étais petite. J’aime beaucoup me souvenir des moments passés. Surtout ceux qui commencent à s’effacer. Et le deuxième … C’est celui de mon frère. Il les avait déjà préparés. Ma sœur et mon grand-père on trouvé la boîte en rangeant sa chambre. J’étais pianiste avant Kurun. J’étais une très bonne élève. J’en aurais surement fait mon métier, si je n’étais pas rentrée à Poudlard. Et puis, si il n’y avait pas eu l’accident. J’ignore comment tu me vois, Kurun, mais je suppose que je suis pour toi une adolescente sage. Je n’ai pas toujours été comme ça. Avant, j’étais colérique, capricieuse et égoïste. Je me suis brisé les doigts, Kurun, quand j’étais encore une enfant. Par égoïsme. Par sottise. Je me suis punie moi-même. Je n’ai jamais pu rejouer comme avant. Un jour, c’était quelques mois après mon accident, j’ai compris. Compris que j’avais perdue mon monde, que jamais plus, je ne jouerais du piano avec ce qui me faisait sortir du lot. Avec facilité. Alors, j’ai pris toutes mes partitions, je suis sortie et j’y ai mis feu. Je les ai juste regardé se consumer. Il faut croire que j’en avais oublier une. Ou que mon frère avait prévu cela. Il a sauver celle qu’il aimait le plus. Les chaussons, se sont mes tous premiers chaussons de danse. J’avais trois ans à l’époque. Je les ai gardés le plus longtemps possible, et quand il a fallu changé, car j’avais trop grandi, j’ai voulu les gardés absolument. Ma mère n’avait pas été d’accord et me les avait pris. Je pensais qu’elle s’en était débarrasser. Mais non. Elle a du les gardés dans un placard pendant toutes ses années. Andrew a du les voir quand il a fouillé dans la chambre des mes parents. Il a du voir mon prénom sur une boîte, l’ouvrir et regarder. Les chaussons devaient y être. Et les pointes … J’ai été danseuse aussi. J’ai du arrêter à ma rentré ici. Un soir, j’ai laisser échapper que je pensais reprendre la danse. Il adorait me voir danser… J’imagine qu’il a voulu les choisir tout seul, comme un grand. Tout appliqué, rien que pour une paire de pointes … Oui, je reprendrais la danse. »

Tout au long de son récit, elle s’était rapprochée de Kurun, sans s’en rendre réellement compte. Maintenant, elle était juste à côté d’elle, et ses doigts s’étaient posés sur les main de Kurun. Ses doigts qu’elle détestait. Erell les observa longuement, jusqu’à ce qu’elle arrive à se persuader qu’ils ne redeviendraient jamais comme avant. Qu'ils seraient toujours ceux qu’elle avait brisés, et que son annulaire garderait toujours cette fragilité. La jeune bretonne ferma ses paupières, et sans s’en rendre compte, laissa sa tête se caler sur l’épaule de Kurun.

La voix d'Erell s'était faite plus fluette lorsqu'elle évoqua sa rencontre avec Jinx... il y avait dans son expression comme une pointe de gêne qui fit sourire la jeune fille... ''Tu comprends, c’est mieux pour lui … Je ne suis absolument pas le genre de fille qu’il lui faut '' ...ben voyons... de l'amusement pointa sur le visage de Kurun qui s'appliquait jusqu'alors à ne pas montrer ce qu'elle ressentait de la situation.

Elle ne put s'empêcher de penser à quelques autres filles, qu'importe leur maison, sur qui le lion posait régulièrement son regard dans les couloirs. Des blondes françaises ou américaines... avec les yeux bleus, noisette, gris ou vert... Jinx était sans nul doute un amateur de couleurs, mais, Erell ne semblait pas se rendre compte de ce qu'elle était.
A 14 ans...

- Tu as raison, c'est d'une jeune femme d'au moins 17 ans avec bien plus de douceur, de calme et de charisme qu'une minette de ton âge qui lui faut !

Bien que Kurun ai employé un ton excessivement ironique, associant un bombé de poitrine caricatural à sa parole, elle sourit avec sincérité à sa cadette de peur de l'avoir vexée. Mais malgré ses joues rougissantes, elle continuait de parler.
La fameuse question du cadeau de Jinx vint s'insérer dans la conversation, mais, Kurun attendit la suite avant de répondre. Et, maintenant que la belle évoquait ses soucis de moral avec une voix descendante et un regard fuyant, elle s'en voulait de ne pas avoir partagé, avec la Gryffondor, le contenu de son paquet.

Ecoutant toujours, respirant avec calme, Kurun ne bougea pas quand la jeune fille lui confia des bribes de son passé. Peine, honte, souffrance, mais soulagement... Tant de choses transposaient dans le discourt de la petite. Sentiment ou émotion, la limite était mince entre les deux. Ce qu'elle disait à mi-mot, la jeune femme le soupçonnait. Ce que le silence murmurait, elle le comprenait. Etrange sensation que celle d'entrer dans le monde de l'Autre. Kurun s'imaginait Erell jouer puis danser, pianotant tantôt, s'étirant alors ; à moins qu'elle ne put la toucher.

La jeune fille fini par se blottir contre son aînée, qui, figée par la fraicheur du vent et des informations qu'elle venait de recevoir, ne bougea pas instinctivement. Ce n'est qu'après quelques respirations qu'elle enveloppa délicatement Erell dans ses bras et sa cape, à ses côtés, l'esprit toutefois ailleurs.
La chaleur corporelle de la toute jeune adolescente procura à Kurun une sensation de bien-être qu'elle n'avait que rarement connu ces derniers temps. Aussi, touchée par l'instant, elle inspira lentement.

Si elle rompit le silence, ce ne fut que pour aider la jeune fille à lâcher ce qu'elle gardait enfoui si profond et qui tentait de s'exprimer : des larmes dont un menton tremblottant dévoilait la présence. Elle était prête à accueillir le ressenti de la jeunette, ne craignant ni l'intensité ni la durée de ces émois :
- Parle moi d'Andrew...

Anrev s'était approché comme pour soutenir le deuil martelé là. Il s'offrit les jambes de sa nouvelle propriétaire comme refuge, usant d'un croisement en tailleur et d'une cape tendue comme nid de fortune. Attentif, tout comme sa maîtresse, au moindre signe environnant.

La jeune bretonne ne releva pas la boutade de son aînée. Blottie dans les bras de Kurun, Erell se calmait. Un peu. Juste avant de parler du sujet, qui peu à peu, était devenu tabou.

« - Andrew était le petit miracle de mon père. Enfin un garçon… Sa femme lui donnait enfin un garçon. Voilà longtemps qu’il ne l’attendait plus. Il n’a jamais su aimé ses filles comme il aurait du. On lui aurait suffi, j’en suis certaine. Il était tellement fier d’avoir un fils. Que le nom des Bowen ne soit pas perdu. Mon père en à fait une tonne, faisant de mon frère le fils prodige, destiné à une grande carrière. Comment un enfant pourrait-il comprendre le monde des adultes, comment pourrait-il s’y intéressé si jeune ? Mon père a voulu tout, tout de suite. Je n’ai jamais aimé qu’il essaie de lui apprendre des choses du monde des adultes. J’ai toujours protégé Andrew, qu’il grandisse dans un monde d’enfants, où on se préoccupe de ses soldats et ses pompiers. Pas des problèmes des grandes personnes.

Mais Andrew était intelligent. Très intelligent même. Il avait bien comprit que c’était lui le sujet des disputes violentes entre mon père, ma sœur et moi. Maëlle et moi, nous avons toujours fait semblant de rien, en continuant à veiller sur lui. J’aimais mon frère, plus que tout. Même si il avait prit le peu de place que j’occupais dans le cœur de mon père. Au fond de moi, je savais qu’un jour, quelqu’un me remplacerait, que mon père m‘oublierait. J’ignorais que ce serait lui.

Je parle de mon père comme si c’était un monstre … Pourquoi je le vois ainsi, Kurun ? Pourquoi je ne porte pas mon père dans mon cœur ? Pourquoi j’ai l’impression qu’il à volé mon enfance et celle de mon frère ? Pourquoi je le déteste tant ? C’est mon père pourtant, je lui dois la vie … Je lui dois ma vie, celle de ma sœur et de mon frère.

Mon frère était un grand garçon dans un corps d’enfant. Il aimait les choses des adolescents, pas ceux des enfants. Il aimait les légendes, surtout celles qui ne pouvaient être vraies. L’ennui avec les légendes, c’est que parfois, elles le sont. Il l’avait bien comprit aussi. C’était un fan de l’ancien temps, du temps des Romains. Nous avions prévus un voyage pendant les vacances d’été, en Italie. Pour lui. Il ne se fera jamais. Je voulais lui montrer Brocéliande aussi. Je voulais lui montrer la plus grande partie de moi, je voulais lui conter mon enfance.

C’était un garçon brillant. Je pense que si il était venu à Poudlard, il aurait intégré Serdaigle, même si lui prétendait Gryffondor. Il voulait tout savoir, il était doté d’une intelligence rare, d’une curiosité un peu trop dérangeante, quelques fois. Je ne dresse pas un beau tableau parce qu’il était mon frère, Kurun. Juste parce que c’est vrai. Un garçon sensible, mais juste et droit. Je crois que je lui ai un peu trop servi de model. Il avait sa voie propre, ses propres idées et croyances. Ce serait devenu un grand homme, je n’en doute pas.

J’ai tué mon propre frère par égoïsme … Je n’ai pas changé … Je ne suis toujours qu’une gamine égoïste, en fait. Rien ne m’a servi de leçon … Pourquoi j’y suis allée ? Pourquoi ? Alors que je savais pertinemment qu’il était malade … Pauvre idiote … »

Elle avait fini par se parler toute seule, oubliant presque Kurun. Presque.

L'histoire était touchante. Ou troublante selon l'oreille qui décryptait. Quelques mots suffisaient en réponse....

Tu sais Erell, chez moi c'est l'inverse. Ma mère a eu sa fille, sa poupée, son pantin, et c'est le frère qui protégea la petite. Est-ce que ce n'est pas le rôle qu'il devait tenir ? Et n'était-ce pas le rôle de ton père d'être ce qu'il a été ?
Si tu le détestais tant, tu ne te poserai pas ce genre de questions, crois moi.

Kurun regarda autour d'elles et se rendit compte que si quelqu'un venait à passer, il ne comprendrait sûrement pas ce que ces demoiselles faisaient là, assises dans la neige froide alors que le soleil n'avait pas eu le temps de réchauffer l'air.
Une phrase, cependant, ne quittait l'esprit de Kurun...
''Je ne dresse pas un beau tableau parce qu’il était mon frère''
Là où d'autres auraient chercher à savoir comment elle prétendait l'avoir tué, pourquoi elle était devenue la jeune fille douce et attentive qu'elle était, de quoi le garçon était malade, elle ne reteanit que cette phrase, que ces quelques mots...

Un tableau, c'est une image fixée à un instant T. Et j'espère Erell qu'au contraire, tu dresses un beau tableau parce qu'il était ton frère. Parce que tu l'as aimé, l'aime et l'aimeras.
Ne t'excuse jamais de ce qui s'est passé car même si je ne sais rien, ou très peu de choses, et je ne te forcerais pas à me dire, je suis persuadée que tu l'as fait pour lui.
...
Où est l'égoïsme dans l'amour fraternel ?

En disant ces mots elle fixa l'oiseau et pensa à Iwan, la protégeant tellement auparavant...
Où est l'égoïsme dans l'amour fraternel ?

« J’aurais aimé être sa mère et non sa sœur, tellement je l’aimais. J’aimais mon frère plus que ma propre vie, comme une folle. Cet amour que je lui portais à fini par avoir raison de lui. Je suis revenue juste parce que je voulais le voir, parce que j’avais besoin de revoir mon frère … Maintenant, la seule chose que je peux encore voir de lui, c’est une pierre tombale. L’égoïsme dans l’amour fraternel … Il n’y en a pas. Mais vois-tu, je suis la seule responsable de sa mort, et de plus par mon égoïsme. On m’avait dit de ne pas venir … On me l’avait dit pourtant. Il semblait si heureux de me voir … J’étais ravie de voir sa bouille d’ange, ce sourire qui avait illuminer mes nuits et mes jours … Comment j’aurais pu savoir qu’il allait tomber malade … Pourquoi je ne suis pas restée à Poudlard ? Pourquoi ? »

Erell ne cesserait jamais de s’en vouloir, c’était certain. Plus elle y pensait, plus elle se disait qu’elle méritait de souffrir, mais que son frère n’avait pas mérité la mort. La vie avait décidée de lui apprendre qu’être égoïste, c’était mal, et il n’y avait pas de doute possible, elle avait tapé là où ça ferait mal.

« Si il y a là haut un dieu, ou quelqu’un, j’espère qu’on jour, il payera pour ce qu’il a fait. Ma sœur m’a dit que dieu, si il existe, rappelle auprès de lui les anges qu’il aime le plus … Que dois-je en conclure ? Que mon frère était un ange qu’il aimait tellement qu’il n’a pas voulu le laisser devenir homme ?
Qu’aurais-tu fais toi, Kurun ? Si, comme moi, tu voulais revoir ton frère, sans savoir ce qu’il adviendrait après ? Y serais-tu allé ? »

Une larme perla sur sa joue. Jamais le trou dans son cœur ne disparaitrait, et le temps ne n’apaisera ses blessures. Il manquait, et cela depuis des mois maintenant, un élément à sa vie. L’élément majeur à sa vie.

« Je voudrais me convaincre que tu es juste de l’autre côté du chemin, que tout ira bien… Mais ce n’est pas le cas. Ce n’est pas un chemin qui nous sépare. C’est un fossé. Celui de la mort. Maudit soit-il. »

- J'y serai allée. Sans hésiter. Tu as bien fait Erell.

Kurun reserra encore son étreinte, hydratant sa peau avec les larmes de la jeune fille. Son coeur battait. Fort.
L'image de son frère, de son pays, de son enfance, de sa foi endormie fut réveillée par l'évocation du Dieu qu'elle avait vénéré.

- Je crois, ou j'ai cru, je ne sais plus, à un Dieu tout puissant, créateur du ciel et de la Terre... Je sais que ce Dieu est juste. Fais lui confiance, même si tu ne le connais pas. C'est un Dieu de bonté, de miséricorde...

Troublée par de tels propos venant d'elle-même, elle baissa les yeux, et, comme pour échapper à cette voix murmura qu'elle ne voulait plus en parler pour l'instant, puis, sentant l'enfant en ses bras trembler, à cause d'un froid trop vif, elle profita de l'occasion.

- Je pense que nous devrions rentrer avant d'attraper mal... Viens ma belle. C'est Noël aujourd'hui. Je te propose un autre chocolat chaud...

Poussant la jeune fille devant elle, délicatement, elle s'éloigna des traces dans la neige immaculée. Leurs silhouettes se détachaient devant les vieilles pierres du château, puis, elle disparurent dans l'encadrement d'une porte.
Anrev les fixa, puis, devant le vide, s'envola jusqu'à la gargouille la plus proche.

Ce serai un étrange Noël... dans les mêmes couleurs que le début d'année, et, probablement identiques à la suite...

» Il faut qu'on parle [PV Erell]
» Par mon blason devient ma main -(PV Erell)-
» Minutes infanticides de pardon un peu acide [PV Erell]
» Quand l'ennui est devenu l'occupation principale... [PV Ayo]