En scène... (PV Djaniah/Nina)

Invité

Nous nous postons face au mur lisse et, si j'ose dire, imperturbable.

C'est ta faute, Djaniah, la taquinai-je, tu n'es pas d'humeur assez belliqueuse, la salle sur demande refuse de montrer le bout de sa poignée...

Je souris, mesquine.

Laisse-moi répondre à cette énigme : une envie d'uriner t'empêche de penser à notre duel, et ce sont des toilettes qui nous apparaitrons bientôt, comme une boutique de chaussettes en laine s'était matérialisée à l'égard de Dumbledore?

Elle me toise avec dédain, mais le rictus qui fourmille sur ses lèvres m'avertit qu'elle se retient d'éclater de rire. Sans mot dire, elle m'indique la paroi devant laquelle nous jouons les sentinelles. L'entrée nous invite, mystérieuse, aguicheuse.

Tu vois, il suffit de te froisser légèrement pour que tu souhaites démolir le château entier, remarquai-je, philosophe.

Nous pénétrons dans la pièce. Immense. Interminable. Toute en longueur. Toute en pénombre. Nue et glacée. Atmosphère tendue de magie.
Je déglutis. Je ne m'attendais guère à cet arsenal apocalyptique.

Djaniah se préoccupe des sabres qui jonchent les façades noircies d'airain. Au plafond se suspendent, désinvoltes, des hallebardes et des dagues.

Nous ne sommes pas au Japon, qu'est-ce que...

La porte claque derrière nous. Nous sursautons de concert, et j'échappe un soupir timmoré.

J'ai l'impression que ce maudit cachot nous intime de nous battre... Nous ne pouvons pas revenir en arrière, il nous interdit l'accès...

Effectivement, malgré l'acharnement de ma petite ange envers la serrure, celle-ci est verrouillée par un sort que ma magie ne serait guère apte à dissoudre. Enfermées. Prisonnières.

Et guerrières...

Une ombre épaisse nous oppresse. Je dégaine ma baguette.

LUMOS!

Elle semble anxieuse. Je chatouille le bout de son nez - encore ce tic qui me rassérène, qui me rend contenance.

Tu ne vas tout de même pas te défiler ?

Une Lebrec ne se défile jamais ma chère et mignonne Princess-face!

Lançais-je d'un ton taquin, me détournant de la porte. Non pas que je ne sois pas inquiète, au contraire même. Mais s'acharner sur une porte close ne servira à rien. Et notre magie ne fera pas frissonner seulement la pièce. Alors je me détournais, préférant continuer sur le même ton que mon amie, et lui ramenant à l'esprit ce petit surnom que je lui avais affublé il y a déjà des années de cela. Phonétique étonnante et affection débordante. Et puis, n'était-ce pas notre passe-temps favori que de répondre à des attaques feintes? Nos joutes verbales caractérisaient vraissemblablement notre enfance. Toujours à se chercher. A se défier. Et à s'adorer.

Et tu vas bientôt comprendre la douleur de ton acharnement à t'opposer à plus têtue que toi...

Plus têtue? Oh, ce n'était pas sûr! Disons que nous nous valions niveau caractère... Pour notre meilleur et leur pire!

L'eau coule et entraîne tout dans son sillage... Et lorsque mon katana laissera ton liquide vital s'écouler, c'est ton propre sang qui t'entraînera dans ta déchéance...

Un large sourire ambigü se dessina sur mes lèvres. J'avaisl'oeil vif et le regard direct, assurément planté dans le sien. Ma phrase, sur un ton mystique et inexorable résonnait dans la pièce aux murs froids. J'étais contente de ma menace. Juste parfaite. Très belle et bien lancée. Et seule Nina pouvait comprendre à ce moment le jeu dans lequel nous venions de nous lancer. Un jeu dangereux peut-être, mais un jeu tout de même.

Alors ma belle, que vas-tu trouver à répondre?

Au dessus de moi brillait un magnifique katana, qui semblait ne rayonner que pour moi. M'appelait-il? Sa lame cendrée tranchait l'air et ne demandait qu'à être maniée. Au dessus d'une poignée parcourue de veinules pourpres, luisait une petite sphère bleutée. Bleue comme l'océan tumultueux.

Il faut se méfier de l'eau qui dort mon enfant...

Murmurais-je en saisissant l'objet de ma convoitise, les yeux agrandis par mon émerveillement.

Nina?

Interrogation pour savoir si elle était prête. Prête à un duel sans autre magie qu'un sort de protection sur notre corps afin de ne pas trop se blesser. Un duel à l'ancienne en quelque sorte...

Invité

Trivialité subtile.
Etrange oxymore.
Subtrivialité ?
A défaut de cohérence, voici le groupe nominal qui qualifie le mieux notre velléité guerrière.

Djaniah ne perd pas de temps. Katana au poing, elle me provoque effrontément, une lueur cynique dans ses prunelles châtaigne. Comme avant…

J’inspecte mon territoire. Les armes blanches y luisent à profusion. Des étoiles de lancer affriandent ma convoitise, mais j’y renonce aussitôt : rectifier le portrait de mon adversaire n’intègre nullement mes plans.
Un yatagan dédommage ma frustration. Une ligne courbe, fuselée, un pommeau incrusté d’agate, un tranchant létal, enluminé : un écrin d’harmonie.

ACCIO !

Le sabre fend les airs dans une vélocité propre à effarer un samouraï. Je le réceptionne lestement et, moulant mon profil, ma baguette souffle un bouclier de protection. Je veille à brider mon ouragan de magie d’un double sort, puis jette ma béquille de bois sur la pèlerine en boule près de l’entrée.
Au préalable, j’ai revêtu une combinaison adéquate et noué mes cheveux en catogan (la métamorphose d’une tenue relève du niveau de deuxième année, autant en profiter…). Ces opérations n’ont pas pris une minute.

Je réponds à l’apostrophe :

Djaniah ?

Ma voix sonne rauque, aggravée par l’adrénaline.

Que la fête commence !

Je m’épargne le salut : j’offense directement.
Des flambeaux en file indienne nous dispensent chichement leur halo sauvage. Des ombres chinoises jouent sur les surfaces nues. Une, en particulier, se meut telle une couleuvre sur l’eau.

Reflet noir sur mur gris.
Une lame.
S’élève.
S’abaisse…

Nina est prête et sait ce qu'elle a à faire. Nous connaissons toutes les deux suffisamment l'autre pour deviner que seul combattre nous procurera tant de plaisir. Aucune ne se défilera. Aucune ne s'avouera vaincue avant d'être totalement vidée de son énergie et légèrement esquintée. Juste ce qu'il faut. Pour sentir physiquement l'ardeur de notre force. Nous ne sommes pas mazochiste, nous possédons seulement la flamme du combat.

J'hoche la tête

Que la fête commence...

Murmure un écho. Cet écho n'est pas ma voix. Cet écho possède un timbre grave et profond.

Reflet noir sur mur gris.
Une lame.
S’élève.
S’abaisse…

Un éclat d'argent traverse ma vision. Et une main le mène. Nina n'a pas raté sa cible. Je n'ai pas eu le temps de la voir, seulement un éclat d'argent. Et l'écho me lance doucement

La prochaine fois ce sera du sang sur cette lame et non du tissu...

Je me stoppe, l'air un peu ahurie. D'où vient cette voix? Je n'ai pas l'impression que mon amie l'entend. Et je viens à douter que ce soit elle qui se soit élancée dans une offfensive à mon encontre. Je ne sais pas. Mon regard se baisse et je constate que ma cape est précisemment brisée par une fissure d'air. La lame n'a fait aucun bruit dans mon vêtement. Et elle n'en aurait pas fait plus si elle s'était offert le luxe de ma chair. Seulement, peut-être aurais-je crié ensuite. Aurais-je crié?

Nina...

Cette fois, c'est bien ma voix qui s'élève, à peine plus audible qu'un murmure malgré mes efforts pour parler. J'ai l'impression qu'une force m'empêche d'articuler. Et m'oblige à me battre. Sans comprendre vraiment j'ai besoin de lever mon bras et courir lestement vers Nina dans un but explicite.

Ma main est prête.
Mon coeur s'arrête.
Et mes yeux se ferment
Pendant que je sent ma lame toucher...

Invité

Une entité interfère dans notre duel. Une entité qui draine nos énergies à son profit. Meurtrière. Inéluctable.
Ma lame a épargné Djaniah par miracle. Il va de soi que jamais je ne l'aurais blessée. Ce n'était qu'une mise en garde, un prélude. J'ai revêtu le métal d'une gangue de magie afin d'en ôter le tranchant. Pourtant, la vérité gicle dans toute son horreur : malgré cette précaution prophylactique, la cape de Djaniah gît en deux places différentes sur le sol. Lacérée.

C'aurait pu être sa nuque...

Je cille. De quoi suis-je capable? Ce n'est pas moi qui souhaitais cela! je ne me contrôle qu'à demi. Je suis l'instrument. Qu'est-ce que...

Nina...

Une voix rauque. A peine humaine. Enrouée et déchirée. Je recule. Sa vélléité dépasse sa volonté propre. Elle s'élance avec la prestance d'une lionne. Je songe dans un instant d'absurdité totale qu'elle eut trouvé son compte à Gryffondor. Je souris presque intérieurement. Si brièvement. Si incongrûment. Comme dépossédée de mes moyens, j'attache mes yeux à la courbure d'argent, je l'observe, dans un ralenti indescriptible épaissi par le temps et l'intensité, se ficher profondément, amoureusement, dans mon épaule. Elle n'y reste qu'une fraction de seconde. Je sens le métal glisser dans mes chairs, en sectionner un à un les ligaments, égratigner l'encolure de la clavicule, puis se retirer comme un serpent patine sur l'eau, dans une nuée de sang. Je n'ai pas négligé un seul point de l'attaque. J'y étais préparée. Pourtant, je l'ai encaissée. Sans broncher. Elle était rapide. Et, à la fois, tout se déroulait si laborieusement.

Le temps opacifié s'éclaircit. Le son, que je ne percevais absolument plus, se réenclenche dans un volume assommant. J'entends le cri de Djaniah. J'entends un autre hurlement, également. Plus étendu, plus strident. Le mien.
Mes jambes se dérobent. Je parviens à ne tomber qu'à genoux, sans m'effondrer complètement. Le dos rond, la tête contre ma poitrine, je halète. Le souffle littéralement coupé.

Mon sabre n'a pas quitté ma main. Je l'examine avec l'ahurissement que j'éprouverai si je tenais un parchemin indéchiffrable. Puis, indépendamment de ma maîtrise, mon poignet décrit un cercle létal autour de moi. Je vais me relever... même si je ne le veux pas, je suis obligée... je...

Je suis face à Djaniah.

Mes yeux se rouvrent et c'est avec une horreur saisissante que je vois Nina tomber au sol avant d'hurler. Ma voix se mêle alors à la sienne dans un entrelas de stridence et de rauque. Notre cri s'étend, s'éfile et se défile, semblant provoquer des fissures dans nos cordes vocales meutries. C'est tout notre corps qui est ébranlé et qui se manifeste dans ce cri commun. Mais, pendant que je crie, je n'ai pas encore vu. Vu ce que mon esprit ne va pas pouvoir supporter.
Tout à coup, c'est le silence. Pourquoi avans-nous stoppé notre manifestation d'incompréhansion et de peur aussi soudainement et exactement en même temps? Comment est-ce possible? Nous ne contrôlons plus rien. C'est à peine si nos pensées nous appartiennent encore.

Par Merlin, je sens une puissance dans ce lieu...

Un déglutissement. Réfléchir, vite vite!

A moins que ce soit ce lieu qui soit lui-même la puissance maléfique... oui, pourquoi pas?

Mais que mon hypothèse soit vraie ou fausse, cela ne changeait rien à notre problème. D'où qu'elle vienne, qui elle soit, cela ne nous donnait pas la solution pour nous soustraire de son influence. Déjà je sentais qu'elle rendait ma concentration difficile et mon esprit flou. Ce fut à cet instant de semi-flou, d'instable silence que je l'entend.
Ce bruit.
Discret.
Pas désagréable.
Légèrement irrégulier.

Mes yeux se portent machinalement vers l'origine. Ce qui s'offre à mon regard m'emplie de peur. Des gouttelettes pourpres perlent de l'épaule de Nina et s'élancent lestement pour nourir une petite flaque au sol glacial.

Ce n'est pas...

Alors c'est bien vrai, je l'ai touché. Tremblante, je remonte mes yeux vers ce que je tiens si fermement dans mes mains. Ma lame semble flamboyer, extrêmement fière et arroguante, exhibant avec passion ses reflets de sang. Petit à petit, le sang ami disparait de la lame jusqu'à ne laisser la trace de son passage que par un léger reflet rosé. Comme s'il ne s'était rien passé. Pourtant Nina est blessée et saigne. Ma lame semble se nourir littéralement de son liquide vital et l'absorber en elle.

Ces objets sont maléfiques!!!

Mais j'ai beau chercher à crier, aucun son ne sort de ma voix. Condamnée au silence, je regarde sans pouvoir bouger Nina se relever l'air menaçante avant de s'élancer.

NON! Réveille-toi!

Mais comme moi, je sais qu'elle ne s'éveillera pas. Et déjà, je sens la force vouloir me prendre aussi ma lucidité le temps de l'attaque. Je ne dois pas me laisser faire. Comment garder le contrôle sur moi-même?

Invité

Comment préserver mon contrôle?

Mon cerveau est sectionnée en deux pôles qui se repoussent confusément. L'un m'exhorte à tuer Djaniah - comment cela est-il possible? -, l'autre peine à suivre la cadence et clignote, sur le point de s'éteindre.
En résumé, une énergie délirante brûle mes veines, en même temps qu'une nécessité de m'évanouir fausse ma vue.

Je sais que le sang gicle hors de la plaie à grands gesers. Je sais que Djaniah n'est pas plus que moi maîtresse de ses actes. Je sais que cette salle est maléfique.
Ce que j'ignore, c'est la manière d'arrêter ce carnage.

Tiens, on dirait que cela prend une autre tournure...

Je ne fonds pas sur Djaniah. Je suis à l'arrêt, pétrifiée.
Quelque chose tente de s'extraire de mon corps. Comme un flot. Une vague. Démentielle.

Ma magie.

NOOOON!!!

La chose qui contrôle ce lieu draine mon pouvoir. Elle est consciente du potentiel faramineux que porte mon être. Et elle veux l'éjecter hors de moi pour ensevelir Djaniah. Or, si elle y parvient, elle n'aura pas la moindre chance d'en sortir indemne, et je giserais, sèche et raide sur le sol, absolument vidée de toute essence.

Une sphère aux éclats irisés est en train de naître. Elle s'extirpe de mon coeur et s'épanouit, croît, s'endurcit. Ma magie devient solide, brillante. Elle est comme un organe vital dont on me prive.

Et qui privera Djaniah de souffle dans quelques secondes si un miracle ne se produit...

Il allait se produire quelque chose de terrible. Mon instinct me le soufflait, inaliénable allié. L’atmosphère de la pièce magique, maléfique, s’alourdissait. Comme si l’air se condensait soudain. Se condensait pour ne former plus qu’une bulle autour de mon amie au sol. Je me sentais privée d’oxygène, privée de volonté et prise au piège par une force inconnue. Car au final c’était bien cela le plus effrayant : je n’avais pas la moindre idée de ce qui se passait. Pourquoi ? Comment ? Qui ? Toutes ces questions sans réponses tournoyaient dans mon esprit embrumé, demeurant désespérément interrogatives. Une sorte de halo, une aura ? Se formait, enveloppant délicatement le corps de Nina, si pâle, si pâle… Sa magie paraissait tout attirer autour d’elle, pourtant à peine consciente. Elle voulait… Sortir ? S’extraire de sa prison de chair ?

Non, c’est impossible…

Et pourtant, aussi impossible que la thèse d’une pièce « vivante ». Alors était-ce vraiment si impossible que cela ? Je l’ignorais malheureusement. Mais quoi qu’il en soit, la seule chose d’évidente était que je ne pouvais ni me sauver ni la sauver. Étions-nous pour autant condamnées à subir l’explosion d’un trop plein d’énergie jusqu’à, peut-être, la mort ?

Ce serait si stupide de mourir maintenant…

Pensais-je simplement. Pas de panique, pas de désespoir. C’était étrange. Je ne cherchais même pas à bouger. Mon corps ne me répondait plus de toute manière alors… Alors que j’avais auparavant cherché plus ou moins volontairement à quitter cette vie, à présent je ne voulais plus la quitter ainsi. Parce que j’avais trouvé une raison de vivre. Non, en fait j’en avais trouvé plusieurs. La révélation de mon lien élémentaire avec l’eau me rendait membre d’un groupuscule qui comptait sur moi. Je ne pouvais pas abandonner Noxis et mes trois compagnons. Mon frère était venu à Poudlard également, et je me devais de prendre soin de lui, le protégeant si nécessaire de ma mère instable. Mon père et mon parrain comptaient également sur moi pour devenir brillante et fière de mes origines. A cause de Jimy aussi. Surtout. Alors je regardais cette boule de magie s’extraire douloureusement de ce corps oppressé, et des larmes coulaient tout doucement, parce que je ne pouvais rien faire d’autre que voir sans agir. Je me mis à penser utile, pendant ces quelques secondes qui me paraissaient l’éternité.

Quelqu’un viendra-t-il ? Qui aurait la puissance de nous sortir d’ici ? Noxis ? Genn ? Dumbledore…

Peut-être que personne ne viendrait.

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