Retrouvailles

La première chose que William Lancaster, Ambassadeur Plénipotentiaire du Ministère fit lorsqu’il revint de son long voyage diplomatique, fut de se présenter à la direction du département de l’éducation, on lui signifia alors qu’une réorganisation avait été opérée et que désormais : communication, emploi et éducation étaient réunis au sein d’un même département. Le jeune Duc fut quelque peu surpris par cette étrange alchimie bureaucratique, mais il fut aussi très heureux de constater que la direction de son ancien département avait été attribuée à son plus vieil et fidèle ami : Edward Numenor.

Il se dirigea donc vers son ancien bureau, il frappa à la porte et eu le plaisir de reconnaître la voix d’Edward qui l’enjoignait d’entrer. L’ambassadeur s’exécuta. L’organisation générale du bureau avait été profondément modifiée, mais non sans charme, tout était parfaitement agencé de sorte qu’on se sentait immédiatement chaleureusement accueilli.

Les deux amis se serrèrent chaleureusement la main, c’est avec une intensité certaine qu’ils se saluèrent. William se permit de prendre le premier la parole afin de féliciter comme il se devait son ami.

Mon très cher Edward, permets moi de te dire o combien je suis heureux de te voir à ce poste, il n’était personne d’autre de digne pour me succéder. Mais j’ai aussi eu le plaisir d’apprendre que tu dirigeais le tout nouveau département de l’emploi, encore une fois toutes mes plus sincères félicitations, vieux frère.

La matinée fut belle et ensoleillée. Edward aurait sans conteste apprécié de sortir du Ministère, quitter ces murs froids et austères pour pouvoir remonter les avenues Londoniennes, et desserrer enfin l'étau insupportable du noeud de sa cravate.

Il rejoignit son bureau, s'assit dans l'épais fauteuil en cuir qui lui était destiné, et entreprit de ranger les nombreux dossiers d'élèves qui s'accumulaient depuis un certain temps déjà.

Flore a-t-elle donc décidé de m'abandonner? Et Aléatha, je croyais qu'elle et moi devions nous voir pour arranger quelques affaires!

Il s'affairait à gesticuler et à râler, quand quelqu'un se risqua à taper à la porte de son bureau. D'un timbre monocorde, il pria l'invité de s'avancer et de se présenter. Il ne daignait pas relever la tête et préferait bien plus s'occuper de remettre un peu d'ordre sur les quelques mètres carré qu'il accordait à son espace de travail.

Un instant troublé, puis de plus en plus surpris, il finit enfin par lever les yeux et par confirmer de visu ce qu'il avait cru deviner.

Will!...Tu es de retour?

Il lâcha d'un geste nerveux les dossiers qu'il avait en main, pour rejoindre son ami et le serrer avec force dans ses bras.

Je dois dire que ta présence en ces murs m'étonne au plus haut point. Je ne pensais pas te revoir avant quelques mois au moins. Ta mission diplomatique étant de la plus haute importance, il aurait été normal qu'on ne t'aperçoive pas avant l'hiver prochain. Mais qu'importe, tu es là, et je m'en rejouis.

Il le regarda droit dans les yeux et s'agrippa à lui comme pour s'assurer qu'il était bien là, face à lui.

J'éspère au moins que ton retour précipité n'est pas dû à un triste évènement dans la famille Lancaster?

William se sentait profondément troublé et ému par l’accueil chaleureux que lui avait réservé son ami d’enfance. Il n’avait guère était habitué à des marques d’affection aussi franches et cordiales. Ses grands-parents l’avaient certes aimé, mais leur façon de l’exprimer restait enfermer dans un respect oppressant et maniaque des convenances. Une telle démonstration d’amitié le touchait au plus haut point. Il ne put s’empêcher de rendre son accolade à Edward, son corps de joueur de polo serrant avec force dans un esprit de franche camaraderie celui d’Edward, professionnel de Quidditch. Il ne put s’empêcher de lui glisser dans l’oreille ces quelques mots :

We are back, my friend… tout en lui adressant un clin d’oeil emplit de malice et de complicité.

Puis sur un ton un peu plus naturel, recouvrant le dignité de son rang William rassura Edward en lui signifiant qu’aucun malheur n’avait frappé sa noble famille. Le Duc laissait planer comme une sorte de mystère sur son retour, il tenait à avoir toute l’attention d’Edward bien qu’il sût pertinemment que la vivacité d’esprit et le sens aiguisé de la déduction qui caractérisaient le directeur de département ne tarderaient pas à lui faire entrevoir les raisons qui l’avaient poussé à écourter légèrement son voyage diplomatique.

Il adressa à nouveau un regard complice au jeune homme. Il reprit la parole de cette voix si séduisante et pourtant si puissante qui charmait les oreilles de toutes les chancelleries européennes…

Et bien vois tu Edward, j’ai accompli la mission qui m’a été confiée et je rentre au Royaume Unis exposer et partager les fruits de mon travail…

… qui plus est tu n’es pas sans savoir que nous nous approchons à grande vitesse d’échéances électorales déterminantes pour l’avenir de la Communauté des Sorciers, et j’estime qu’il est mon devoir de jouer le rôle qui est le mien…

William pencha légèrement la tête sur la droite et regarda de son oeil fixe et brillant son interlocuteur. Il aimait à déstabiliser ceux à qu’ils s’adressaient qu’ils soient amis ou non… Pour cela le duc n’avait jamais manqué d’espièglerie.

Les deux hommes se faisaient toujours face et se relachaient à peine. Edward invita son vieil ami à rejoindre le petit salon qui leur accorderait bien plus d'intimité et qui leur permettrait ainsi d'aborder les sujets facheux qu'il était temps d'éclaircir. Avant cela, il lui proposa de lui servir un verre de liqueur d'orchidée, car Edward savait que l'alcool déliait la langue comme aucune autre chose, et que les hommes comme le Duc, toujours éloquents et parfois enjôleurs, soumettent bien volontier les plus faibles à la seule force des mots.

Allons William, tu n'es tout de même pas entrain de me dire que tu as l'intention de te réinstaller à Londres?

Edward sortit machinalement deux verres en cristal gravés aux initiales d'Ariane, et n'accorda guère de temps pour montrer à son ami à quel point il semblait perplexe à l'idée qu'il réinvestisse le Ministère.

Il est évident que tu es plus que motivé. Tu reviens plus certain que jamais visiblement. Mais les choses sont ce qu'elles sont. Il te sera difficile de redevenir le très respecté Porte-parole que tu étais.

Il servit avec soin le précieux alcool, et disposa au fond des verres, sans faire de simagrées pour autant, une feuille fraîche de menthe. Il porta les deux verres jusqu'à la petite table basse en acajou et en proposa un à William.

Enfin tout ceci tu le sais. Te connaissant tu as déjà dû y penser et y trouver une solution. Je me trompe?...

...Tu as tellement d'ambition... Je t'admire énormèment et je te suis très reconnaissant pour tout ce que tu as fait pour moi. C'est toi qui m'a présenté et Gabriel il y a de cela quelques années, et regarde où j'en suis aujourd'hui! Moi même je n'y aurais jamais cru si je ne le vivais pas. Ma mère non plus d'ailleurs.

Il se mit à rire et il se remémora toutes les fois où lui et Will avaient mené la vie dure à ses parents. Combien d'été avaient-ils passé à monter les plus fous chevaux des écuries Numénor? Combien d'été avaient-ils passé à se défier aussi bien au polo, qu'au quidditch? Il n'en avait aucune idée, car lui et William étaient amis depuis leur plus tendre enfance, et cela faisait d'eux bien plus que de simples camarades.

Vieux frère, quand m'annonceras-tu de vive voix ce que tu prévois de faire?

William avait écouté avec attention chaque parole prononcée par son frère. Ces dernières résonnèrent en lui avec un échos particulier. Il reçut, non sans émotion les témoignages de reconnaissances que lui adressait Edward. Il s’était révélé qu’Edward avait excellemment bien rempli ses fonctions au département de l‘Éducation, de sorte que cette place était largement mérité. Le Duc ne jugea donc pas utile de lui signifier qu’il n’avait que ce qu’il méritait et qu’il était fier d’avoir pu contribuer à révéler un sorcier aussi compétent…

William se décida enfin à parler du sujet qui lui brûlait les levres, d’une voix franche et cordiale il commença :

Je vais être honnête avec toi Edward, tu es loin d’être stupide et ce n’est maintenant qu’une question d’heure avant que la vérité ne te soit révélée. Qui plus est je préfère que tu l’apprennes de ma bouche…

William se tut quelques instants… son regard perçant fixer avec une certaine impertinence son vieil ami tandis qu’il portait à ses lèvres le verre de cristal et but une délicieuse gorgée de liqueur. Il déglutit, le regard toujours aussi malicieusement effronté conscient que son ami avait les yeux posé sur lui. Il reprit d’une voix suave.

Si je « réinvestis » le Ministère comme tu le dis, je n’aspire pas à retrouver mes fonctions passées, je me prédestine à de plus hautes responsabilités. Voila longtemps que je nourris un ambitieux projet pour la Grande Bretagne et le temps est venu de le mettre en œuvre.

Il s’avança légèrement vers Edward, son dos large et puissant doucement courbé, pour lui parler sur le ton de la confidence.

Gabriel de Mornemarais - avec tout le respect que je lui porte - était certes un sorcier intègre à la droiture indéniable mais à l’efficacité plus que problématique. Son bilan mitigé porte à de nombreuses controverses de même que son mode d‘action indéterminé. Il est désormais temps de tourner les pages du ministère Mornemarais en insufflant une énergie nouvelle à la tête de notre Communauté.

Puis il se redressa, déploya toute la noblesse de ses traits, le menton légèrement relevé comme lorsqu’il posait pour les photos officielles.

Tu n’es pas sans savoir que je suis un homme de valeurs. Et des sorciers comme nous ont le devoir de servir au mieux l’intérêt supérieur de la Communauté Magique, et ceci implique de redonner aux valeurs auxquelles nous croyons toute leur force.

De toute évidence, les prochaines élections seront décisives pour l’avenir de notre société, il s’agit en fait d’un point de non retour.

Soit les sorcières et sorciers de ce pays choisissent le statu quo et alors il ne fera aucun doute que nous entrerons dans un ère chaotique, caractérisé par une peur permanente, un désordre continu et un sentiment d’impunité perpétuel.

Soit ils décident d’accorder leur suffrage à un sorcier résolument engagé dans la lutte contre les forces du Mal, dont le courage et le sens de la Justice redonneront espoir à la population et dont l’autorité avéré lui permettra de prendre et de faire appliquer toutes les mesures qui se révèleront nécessaires…

William se tut à nouveau, sortit sa longue baguette de bois d’ébène de l’intérieur de sa cape, d’un léger coup son attaché-case s’ouvrit, et il se retrouva en quelques secondes avec une immense affiche dans la main gauche, avant de la déplier, il jeta à son ami un coup d’ œil furtif comme pour s’assurer qu’il avait tout son attention.

Aussi aimerai-je avoir ton avis sur ceci : et d’un geste énergique il déploya devant Edward une large affiche électorale.

Une chose est sûre mon ami, tu n'as ni perdu de ta classe, ni de ta verve. Un homme comme toi ne mérite pas qu'on le laisse dans l'ombre trop longtemps. Ta place est sous le feu des projecteurs, et j'espère que c'est ce à quoi tu aspires...

Il se mit à rire, puis se releva pour rejoindre le buffet et apporter quelques mignardises en sucre. Tout en disposant celles-ci dans un plateau, William continuait son discours, et avançait un peu plus dans les révélations. Il lui parlait notamment de retourner au Ministère, mais avec une intention toute autre que celle de retrouver ses fonctions passées. Il avait à ce propos clairement fait comprendre à Edward que sa promotion avait été amplement meritée. Comme à leur habitude, aucunes félicitations ne furent échangées.

C'est alors que William commença le douloureux bilan du gouvernement sortant. Il passait nécessairement par un compte-rendu de l'action menée par Gabriel, et cela avait le don de mettre Edward plus mal à l'aise qu'il n'aurait accepté de l'être...Depuis les évènements au Manoir Clymox, plus rien de la relation qu'il entretenait avec Noxis et Gabriel n'était comme avant. Les deux plus jeunes avaient subit l'héritage de leur mentor, et en avaient été grandement bouleversés.

Dégoûté, quelque peu dérouté, Edward lâcha nerveusement la mignardise qu'il portait à ses lèvres. Puis il se jeta sur son verre de liqueur pour faire passer la désagréable sensation qui lui nouait la gorge.

Je ne vais pas contredire ce que tu as à me dire à propos du Ministre Mornemarais, mais crois-moi, cet homme avait toutes les raisons valables pour mettre prématurément un terme à son règne, et c'est en digne maître qu'il s'est incliné. Il vaudrait mieux que nous n'en parlons plus si tu le veux bien.

Il est encore trop tôt...Trop tôt pour qu'elle et moi assumions totalement nos nouvelles responsabilités.

Mais je t'en prie, reprends où je me suis permis de te couper.

William recommença son discours, et continua de dévoiler ses projets avec ce même suspens qu'il réusissait toujours à établir pour tenir ses interlocuteurs en haleine. Seulement la tâche allait être difficile pour le jeune Numénor, qui se devait de rester concentré, et de garder toute son attention fixée sur les propos du Duc. Il n'eut quasiment pas le temps de comprendre, qu'une affiche lui pendait déjà sous le nez. Sublime et imposante, elle reflétait parfaitement les ambitions de William.

Eh bien voilà qui est fait. Je me doutais que ton retour était nourri par un projet d'une telle importance, mais j'attendais que tu m'en parles pour me lancer sur le sujet. Naturellement, tu te doutes que tu auras mon appui. Quel que soit ton programme, j'ai la certitude qu'il est celui que j'attends de toi...Néanmoins il te faudra attendre pour bénéficier de mon soutien officiel. Etant l'organisateur de ces élections, cela ne ferait pas bon genre de nous afficher côte à côte.

L’une des grandes forces de William était son don à percevoir avec finesse les émotions et sensibilités de ses interlocuteurs, en particulier si ces derniers lui étaient familiers. Il n’avait ainsi pas échapper au jeune Lancaster que l’évocation du bilan du Ministre Mornemarais bien que nuancé avait troublé non sans une certaine violence son vieil ami.

Tu me connais trop bien Edward pour savoir que je ne désire pas nourrir de vaines polémiques en ce qui concerne le Ministère Mornemarais. J’éprouve un grand respect pour cet homme, mais force m’est de constater que la Grande Bretagne était en droit d’attendre plus de lui en tant que Ministre…

Quoiqu’il en soit, Gabriel de Mornemarais est désormais un homme du passé, tachons de nous concentrer sur l’Avenir. Et l’Avenir nous engage, les citoyens sorciers de ce pays seront d’autant plus exigeants qu’ils ont connu par le passé des hommes qui se sont révélés être inaptes à remplir convenablement leurs obligations…

Puis après avoir médité quelques instants sur les propos du directeur de la communication, William reprit la parole d’une à la fois complaisante et directive.

Ta confiance m’honore, et j’espère que ma campagne, mon action et mon programme répondront à tes plus profondes espérances…En ce qui concerne ton engagement à mes cotés, il sera en effet judicieux de le rendre public entre les deux tours jusque là tache d’accomplir ton travail avec l’intégrité et le sens de l’équité qui t’ont toujours aussi bien caractérisés…

» Des retrouvailles hors du commun. {PV}
» Un jour, sans y penser, des retrouvailles (PV Zach/Alistair)