Investigations, premier opus. (Iridal)

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Dans ce quotidien que la société occidentale impose, il n’existe que peu de dérivés. De la simple beuverie à l’implication dans des actes plus que condamnables, toute occupation amène inéluctablement au désoeuvrement. C’est dans un tel état que la plupart des sorciers navigant nonchalamment dans les rues de Pré-Au-Lard se sentaient, en cette soirée peu propice aux réjouissances, et tous arboraient des mines plus désintéressées les unes que les autres. Le spectacle était fort beau à observer, pour le spectateur venu d’une autre dimension. Mais pour l’autochtone basique, il y avait de quoi s’adonner à la déprime la plus totale, si tenter que ce motif soit le seul dont l’être humain puisse se plaindre.

C’est donc dans cette masse d’insatisfactions que se mouvait un individu, comme il y en a tant d’autres de par l’Angleterre, pour rester à petite échelle. Une cape sur les épaules, il gardait cependant le visage découvert, subissant à chaque instant les assauts du vent. Ses cheveux d’ébènes s’agitaient sans discontinuer, et ses yeux au teint grisonnant scrutaient l’horizon, comme à l’affût de quelque chose. Ce quelque chose devait être découvert, quelques instants seulement plus tard, trahi par une pancarte ostentatoire :

Citation :: Les 3 balais.

Le fameux bar dans lequel tous les degrés sociaux se mélangeaient, sans que l’ambiance devienne clairement malsaine. Le temps n’était pas à la saoulerie pure et simple, mais à l’investigation raisonnée, qui se verrait couronnée de succès, à n’en point douter. Dans les tréfonds de ce bar se nichaient toute sorte d’individus, capables de dévoiler des informations capitales, sur des sujets sensibles… sujets sur lesquels Ezrah se focalisait depuis plusieurs semaines déjà. Peut être jouait il avec le feu, mais avec de tels interlocuteurs, il serait prêt à parier qu’aucun d’entre eux ne se souviendrait de lui, le lendemain de leur entretien. Par conséquent, c’est avec un espoir non négligeable que notre intéressé fit irruption dans le bar, cherchant immédiatement des yeux celui ou celle qui incarnerait le parfait pigeon de cette soirée. Il avait tout son temps, et ne gâcherait pas son plaisir, si tenter que plaisir il y ait, face à l’enjeu de tels comportements. Un signe de tête vers le barman, et une table fut indiquée au jeune homme, qui s’y installa avant de commander un thé à la pêche, utile pour exacerber les sens, et optionnellement rester sobre toute la soirée. La tâche ne serait pas aisée, et pourrait être facilitée par l’arrivée de quelqu’un à sa table. Il n’aurait pas à partir à la pêche, ou plutôt à la chasse, si nous restons dans le vocabulaire ornithologique, en bref. Restait à savoir si sa volonté serait exaucée, oui ou non. Croisant les bras sur la table, Ezrah observa les divers clients de l’endroit, avant de jeter un œil au barman, qui semblait se battre avec un mince paquet d’essences. De toute évidence, le thé n’était pas une commande commune aux lieux. La soirée ne faisait que commencer, il ne manquait qu’un trouble fête, capable de se transformer en véritable messie, selon ses capacités oratoires.

Un peu plus d'un an qu'Iridal avait regagné l'Ecosse, quittant sa Suède tant aimée pour une nouvelle mission. Albus ne lui avait pourtant pas tout dit dans sa lettre:

Code:: … Professeur de Sortilèges, je suis certain que tu aimeras reprendre ce cours à Poudlard Iridal ! Tu l'as donné avec brio pendant plusieurs années, tout te reviendra sans aucun doute ! …

Elle avait accepté l'invitation. A peine arrivée, elle avait appris qu'un jeune homme du nom de Speifer venait d'être nommé... Mais alors, pourquoi ? Et Albus lui avait asséné la véritable raison de son appel.

"Iridal, je suis fatigué de tout ceci. Je mène de front trop de combats et aucun ne l'est parfaitement au bout du compte. Je voudrais que tu me remplaces à la tête de Poudlard. J’en ai déjà parlé au Conseil d’Administration de l’école et ils sont tous d’accord."

Elle s’était assise lentement, digérant difficilement cette proposition. C’était une lourde responsabilité. Oh, elle s’en sentait capable ! Mais c’était tellement soudain … Elle regarda le visage d’Albus et ce qu’elle vit lui confirma ce qu’elle craignait. Il était sérieux, l’âge commençait à avoir raison de lui et il n’était plus que l’ombre de lui-même. Il avait trouvé la seule solution pour la faire sortir de sa retraite en faisant miroiter ce poste qu’elle avait tant aimer assumer.

Très bien …

Un an aux commandes de Poudlard, des hauts et des bas, des moments pénibles, des moments heureux. Dont le moindre n’était pas sa rencontre avec la jeune Eloïse. Finalement, le bilan était plutôt positif. Et pourtant, à peu de chose près, une année éloignée du monde. Cela ne lui déplaisait pas, loin de là ! Mais il lui fallait s’ouvrir un peu à l’extérieur. La nature et Poudlard ne pouvait pas lui suffire pour y voir plus clair dans cette société en pleine transition. Et c’était une condition sine qua non pour faire un travail de qualité au sein du Collège : comment aider les jeunes à affronter ce monde si on ne le connaissait pas soi-même ?

Des professeurs avaient disparu. D'autres les avaient remplacés. Et l’un des derniers en date, celui qui garderait jalousement la Foret Interdite, l’intriguait au plus haut point. Elle avait fait un voyage en Finlande où elle s’était longuement entretenue avec son mentor, Eduenos. Leur conclusion était merveilleuse : était-elle correcte pour autant ?

Iridal en est à ce stade de sa réflexion lorsqu’un homme est conduit à la table juste à côté de la sienne. La vingtaine à peine amorcée, la chevelure abondante et foncée, le regard errant à la recherche de quelque chose. De quelqu’un ? Son regard finit par se poser sur sa voisine et Iridal lui offre un mince sourire.

Bonsoir.

Le barman revient, une tasse d’où s’échappe un délicat parfum sur son plateau. Elle ferme les yeux et reconnaît les ingrédients.

La même chose pour moi s’il vous plaît.

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Les opportunités viennent à nous, pas l’inverse. Il suffit d’un élément déclencheur, aussi petit et futile soit il, et le questionnement de toute une vie peut trouver réponse. Bien entendu, Ezrah n’en était pas à ce stade ci, et considérait plutôt ses manœuvres comme une simple quête, personnelle et nécessaire à la continuité de son existence. Il obtiendrait des réponses, tôt ou tard. Il retrouverait la trace de ses proches disparus, et aurait le loisir de les serrer dans ses bras, ou au moins de se recueillir sur leur tombe. C’était tout, et à la fois rien. C’est pourquoi, en cette nuit étoilée, notre intéressé attendait patiemment l’arrivage d’une tasse de thé, et d’un interlocuteur à sa convenance. Il ne pouvait pas imaginer que cette convenance prendrait la forme d’une femme d’âge mûr, à la chevelure étrangement bleutée. A l’évidence, elle provenait d’un milieu rigide mais ouvert, certainement pas celui qui monopolisait chaque pensée du jeune homme. Mais il ne perdait rien à tenter d’établir un contact avec elle, dont l’expérience pourrait s’avérer être un bon tremplin, à défaut d’être l’échelle elle même. Méditant quelques instants là dessus, il se permit de boire une gorgée de son thé, avant de tourner une tête étrangement pâle vers son interlocutrice. A l’évidence, le thé était très fort. Toussant sans discontinuer, l’espace de quelques secondes, il parvint finalement à se reprendre, et leva enfin des yeux humides sur elle. Avec le recul, son visage lui disait quelque chose, comme le souvenir fugace d’une part de son passé. Il accula cette pensée au fond de son esprit, pour se concentrer sur ce pour quoi il était en train de s’exhiber dans un tripot londonien. Souriant avec respect, il laissa les mots s’enchaîner, dans la plus parfaite linéarité.

« Bonsoir, madame. Je vous avouerais que je ne m’attendais pas à me retrouver face à autre chose qu’un vieux bougre racorni par l’alcool. Merci de m’accorder un répit. »

En y réfléchissant, nulle complaisance ne perçait dans ses propos. Malgré sa volonté incontestable, Ezrah n’était pas habitué à recevoir une telle responsabilité sur ses épaules. Sa voisine de table lui accordait un sursis qu’il savourerait avec un plaisir évident, tout en tâchant au final de retomber sur ses pieds. Un regard sur les autres clients du pub lui confirma l’importance d’un tel entracte, succédant à la peur de l’inconnu, et précédant l’excitation de l’action. Il ne put s’empêcher de pousser un mince soupir, alors qu’il ramenait son regard sur sa sauveuse inopinée.

J'aurais peut être dû suivre ma première idée et garder le thé à la menthe : de toute évidence celui-ci est beaucoup trop fort. Iridal, tu es aux "Trois Balais", pas dans un salon spécialisé ... Certains diraient que je commence à aimer le goût du risque. Par la Création, certainement pas !

Elle rit intérieurement. Sa nature a toujours été posée et réfléchie, s'embarquer dans des situations périlleuses ne lui ressemble pas. Tout comme s'attabler seule dans un bar et amorcer un début de conversation avec un jeune homme qu'elle ne connaît ni de Viviane ni de Merlin. Le monde change ...

Ecartant un pan de sa cape qu'elle n'a pas encore ôtée, Iridal sélectionne une bourse de cuir qui pend à sa ceinture. Elle la place sur la table et l'ouvre, dévoilant d'autres sachets plus petits qu'elle écarte l'un après l'autre avant d'en prendre un. Elle le tend à son voisin, l'invitant d'un geste à s'en emparer et à l'ouvrir.

Je doute qu'ils aient ici tous les ingrédients pour réussir ce que l'on nomme communément un thé à la pêche. C'est bien plus que ce qui fume dans votre tasse. Je n'ai pas tout sur moi, bien entendu, mais j'ai au moins ceci qui devrait adoucir l'effet de l'amande qui apporte souvent trop d'amertume ... Essayez, vous verrez ...

Et je vous dois bien ça, vous venez de me rassurer sur un point : je ne ressemble en rien à un vieux bougre racorni par l'alcool. Merci aussi à vous de m'accorder un répit !

La tasse qui lui est destinée arrive alors et nul doute ne subsiste : concocté de la même manière, le liquide aura besoin d'un traitement identique.

Invité

Etant donné la tournure que prenait la discussion, Ezrah pouvait d’ores et déjà oublier le pourquoi de sa venue aux trois balais. Il serait très mal élevé, intolérable, d’oser aborder le sujet des divers meurtres actuels, alors que celle qui allait être sa compagne de désoeuvrement faisait preuve d’un peu plus d’instinct amical que la plupart des individus peuplant ce monde. Il n’avait absolument pas réfléchi à la question du thé, et aurait bu la tasse d’eau suspecte que le barman lui apporta sans ciller ne serait-ce qu’une fois. Là encore, répit lui était accordé, dans le sens où il ne vomirait pas instantanément ses tripes, une fois le breuvage engloutit. Observant avec intérêt le sachet qui pendait lamentablement entre ses doigts, le jeune homme se demanda s’il n’y avait pas un quelconque poison dissimulé à l’intérieur. Il n’était jamais dupe, mais doutait de sa saineté d’esprit, sur le coup. Trop de paranoïa tue la paranoïa, pourrait dire le proverbe. Aussi, toute pensée malavisée fut rejetée de son esprit, il plongea le sachet dans la tasse précédemment apportée, et eut le loisir de voir les essences naturelles se répandre dans le breuvage. Dans le meilleur des cas, il boirait un thé excessivement aromatique, dans le pire des cas, il n’aurait pas le loisir de se lever le lendemain. Au moins, il pourrait confirmer ou rejeter le mythe de la belle infirmière.

Cette pensée lui effleurait tout juste l’esprit lorsqu’il porta la tasse à ses lèvres, et ne put retenir un haussement de sourcils évocateur. C’était délicieux. Un sourire aux lèvres, il se tourna de nouveau vers son interlocutrice fortuite, et lui adressa des paroles pleines de compliments. Il ne pouvait rien réfuter !

« Le talent d’herboriste ne s’acquiert qu’avec une forte pratique. Rien à voir avec l’art des potions. Une chose est certaine, vous devez pratiquer l’exercice depuis maintes années. Passionnant, lorsqu’on sait quels avantages divers la pratique peut avoir. »

Des avantages. Oh oui, il devait y en avoir de multiples, tout comme avec la pratique de l’art des potions. De dangereuses armes, parfois futiles. Ezrah se prit à tenter de percer ce regard emplit d’expérience, qui visiblement n’avait rien d’hostile à son égard. Les derniers évènements familiaux avaient ébranlé sa conscience, mais cela, personne ici ne le saurait. Cette femme lui rappelait de plus en plus quelqu’un, un épisode de son existence, révolu et auquel peu d’importance avait été donnée. Il décida de se lancer à l’eau.

« Ezrah Fitzroy, pour vous servir. »

Un deuxième sachet trouve le chemin de sa propre tasse et elle le laisse infuser alors qu'elle se lève pour se débarasser de sa cape. Un coup d'oeil en coin vers son voisin lui fait suspendre un instant son geste. Ne dirait-on pas ... que la méfiance est de mise ? Elle reprend son mouvement un instant interrompu tout en fronçant délicatement les sourcils.

Et voilà une preuve de plus que je ne suis plus habituée à ce monde ... Un simple mélange d'herbes provoque chez un quidam une réaction proche de la paranoïa : je ne suis pourtant pas habituée à cela. J'ai vécu bien trop longtemps loin de tout dirait-on.

Et enfin il se laisse tenter par l'expérience et sa mine a l'air nettement plus réjouie maintenant que le liquide grandement amélioré peut flatter ses narines et son palais. Ses paroles ramènent le sourire égaré quelques secondes par Iridal et elle hoche la tête en signe d'assentiment.

Oh, je ne suis pas botaniste moi-même, en tous cas au sens où on l'entend ... Disons simplement que ma vie m'a menée sur des sentiers sauvages dont j'ai pu prélever certaines connaissances du monde végétal et animal. Je n'ai pas grand mérite, j'ai juste su être à l'écoute de ce qui m'était offert.

Les noces entre la mer et le ciel sont célébrées dans le regard translucide qui sonde Ezrah. Ezrah Fitzroy ... Ainsi donc l'inconnu ne l'est plus tout à fait, il vient de citer son patronyme. Iridal lui tend la main et se dévoile à son tour.

Mon nom est Iridal. Iridal Winterfell.

» Sous la Lune nouvelle [PV Iridal Winterfell]
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