Deux directeurs ... Le progrès ...

L'Auror Evan Habsbourg venait de quitter le bureau de Lenthan. Une entrevue des plus intéressante et une conversation des plus constructive. Les idées qui en découlaient valaient la peine d'être mise en pratique au plus vite. L'espace d'un instant, le Directeur des Aurors avaient failli envoyer un hibou ministériel à son équivalent du Département de l'Emploi et de l'Education. Et puis il avait changé d'avis : depuis quand était-il adepte de la bureaucratie la plus pure, qui voulait qu'on s'envoie des messages plutôt que de se rencontrer directement ? Dans le même bâtiment, simplement pas au même étage. Il aurait plus vite fait de se rendre jusqu'au bureau d'Edward ! En quelques instants, il était devant la porte du jeune homme qu'il avait à peine eu l'occasion de rencontrer mais dont il avait entendu parler avec beaucoup d'admiration de la part de ce bon vieux Gabriel.

Un bref coup sur le bois massif, Lenthan attend une réponse, espérant que sa visite ne tombe pas mal et qu'il ne trouvera pas porte close. Une voix aimable l'intime d'entrer, ce qu'il fait sans perdre un instant avant de refermer la porte.

Monsieur Numenor, ravi de vous rencontrer enfin, je suis Lenthan Quindiniar ! Enfin, vous m'avez déjà vu, mais je préfère me resituer à vous, ne vous ayant pas prévenu de ma visite. Avez-vous quelques instants pour moi ?

La neige se faisait attendre. Pas un flocon n'était tombé sur Londres jusqu'alors, et Edward attendait comme un gamin de voir les avenues de la capitale, couverte du voile de la sainte poudreuse. Il était accoudé sur le rebord de la fenêtre, une tasse de café en main, et quelques vieilles photos couchées sur le bureau. Il regardait les derniers clichés qu'Aurore avait réussi à prendre de leur frère récemment décédé, et il lui venait à l'esprit les rares moments qu'il avait passé avec Eliott. Il pensait n'y être pas attaché, mais ce n'était que folle chimère. Il lui manquait et ce devait être bien pire encore pour la dernière des Numénor.

Un bref coup à la porte interrompit cet instant de nostalgie, et Edward presque honteux, s'empressa de réunir les photos pour les entasser dans un tiroir. Maladroitement, il se leva et pria le visiteur d'entrer.

Son timbre de voix était des plus aimables, mais il n'en était pas moins troublé. La gorge nouée, il aurait bien du mal à s'exprimer normalement. Mais Edward était fort à ce jeu là. "L'apparence prime sur tout le reste", on lui avait bien assez souvent répété à Beauxbâtons pour qu'il s'en souvienne. Alors comme s'il n'avait aucun soucis, il répondit à Lenthan.

Monsieur Quindiniar! Je vous en prie, entrez donc! Et installez-vous confortablement!

Comme tout bon "Homme du monde", il présenta à Lenthan un petit siège en satin.
Il se rendit alors compte que les couleurs du mobilier n'avaient guère changé depuis plus d'une semaine, ce qui n'était pas dans ses habitudes. Il sortit sa baguette, prononça quelques mots, et telle une brume automnale, une épaisse fumée orange emplit la pièce et imprégna murs et mobilier.

Voilà qui est mieux! Cette teinte abricot redonnera un peu de lumière à la pièce malgré l'heure tardive.

J'avoue être étonné de vous voir monter à cet étage. Mais je ne doute pas que vous ayez d'excellentes raisons.
Puis-je vous servir un verre?

Le scepticisme gagne Lenthan lorsqu'il voit le jeune directeur se mettre en branle pour changer les couleurs de son bureau. Pas que cela le dérange, à dire vrai. Simplement c'est quelque chose qui ne lui viendrait jamais à l'esprit. Il aime se retrouver entre ses murs et ses objets, cela l'aide à se concentrer et l'Ancêtre sait que c'est souvent indispensable lorsqu'il analyse les comptes rendus d'enquêtes que ses Aurors lui envoient ... Et, surtout, il aime un bureau au style épuré et purement fonctionnel. Quoiqu'il en soit, il prend place sur le siège que son interlocuteur lui indique et avant toute chose, accepte sa proposition pour le verre.

Sans vouloir abuser, mon cher, si vous cachez un merveilleux whisky pur malt, je suis preneur !

Je comprends votre étonnement, les procédures auraient sans doute voulu que je vous prévienne de ma visite par des moyens très officiels. Pour ma part, je ne suis pas friand de ces méthodes et je préfère largement venir vous trouver. Depuis que Gabriel dirige ce Ministère, je pense que les choses se sont déjà grandement améliorées à ce niveau là : on ne peut pas dire qu'il s'embarrasse de détails.

Enfin soit ... Nous ne révolutionnerons pas la vie ministérielle en un jour. Et de toute manière, telle n'est pas la raison de ma visite, vous vous en doutez plus que certainement. Si je ne m'abuse, vous êtes d'origine Française ?

Lenthan, cet homme mûri et construit par des dizaines d'années de bons et loyaux services en tant qu'Aurore, semblait fatigué et las de la guerre à laquelle il tentait de se préparer depuis si longtemps. Et voilà qu'à présent c'est entre les murs candides et naïfs du Département de l'Education qu'il venait errer pour trouver son collègue.

Un Whisky pur Malt...Je pense bien avoir ça quelque part.

Il sourit à son hôte et sortit deux verres assez large dans lesquelles il fit couler un mince filet de la boisson. Tout en reprenant la parole, il lui tendit l'un d'eux et alla rejoindre son bureau.

Oui je comprends tout à fait ce que vous voulez dire et j'aime vos méthodes. Vous avez raison de ne pas vous embarasser avec moi en me prévenant à l'avance. C'est toujours un plaisir pour moi de rencontrer et discuter avec mes collègues.
C'est en ce sens d'ailleurs que je compte instituer un conseil hebdomadaire inter-départemental. Mais vous n'êtes pas là pour parler de ça, alors oublions.

Il porta son verre à ses lèvres et les trempa dans le breuvage. Il tenta alors de cacher le trouble de l'alcool et lui répondit.

Effectivement je suis français. C'est étonnant quand on sait que mon père est britannique, mais certains évènements m'ont conduit à grandir sur les terres de ma matriarche.

Il ressassa alors quelques uns de ses déboires d'enfants et feignit un sourire heureux.

Je ne vois pas où vous voulez en venir Lenthan. Peut-être pourriez-vous m'en dire un peu plus.

Lenthan saisit le verre qu'Edward lui tend et hume longuement la boisson de bronze. Il ferme les yeux et prend un plaisir certain à respirer le parfum qui s'en dégage, avant de tremper ses lèvres dedans.

Hé bien le petit sait recevoir ! Un tel whisky ne se trouve pas dans n'importe quelle maison et encore moins dans n'importe quel bureau. Enfin, ne nous emballons pas, le whisky ne fait pas l'homme tout de même. Mais rien que pour ça, j'ai bien fait de venir le trouver plutôt que de lui envoyer un de ces satanés oiseaux.

Gabriel m'a en effet touché un mot de ce projet qui me semble haut en couleur et très prometteur ! Je suis totalement emballé, comptez sur mon appui ! Mais en effet, ce n'est pas du tout pour cela que je viens vous voir ni que je vous demande quelles sont vos racines ...

Voilà, je viens d'avoir une discussion avec l'un de mes collaborateurs, un jeune homme très dynamique et qui prend sa mission très au sérieux. Il est venu avec une suggestion qui me semble ambitieuse et fabuleuse. Voilà, son idée serait de promouvoir une collaboration entre nos Aurors et les Aurors Français. Comme il me semblait bien que c'était votre Matrie - pour autant qu'un tel terme soit correct - j'ai pensé que vous pourriez intégrer ce projet et, pourquoi pas, mener les négociations ?

Oh, eh bien, avec un appui comme le vôtre, je n'ai plus aucun soucis à me faire. Ce projet va pouvoir se concrétiser dans les jours qui viennent. Reste néanmoins qu'un de nos collègues semble moins motivé que les autres. Il faudra à l'occasion que je lui rende une petite visite.

Même si ce devrait-être à Gabriel de s'en charger...

Avez-vous des nouvelles de notre cher Ministre d'ailleurs? J'avoue être un peu inquiet, cela fait bien longtemps que je ne l'ai plus croisé dans l'Atrium. Il faut dire que le calme actuel est spécieux et fallacieux...Il semble si débordé...

Edward porte à nouveau le verre de Whisky à ses lèvres et toussote en sentant l'alcool le prendre à nouveau à la gorge.

Matrie...J'avoue le terme est intéressant et tout à fait pertinent. Belle façon de jouer avec les mots.

Il se met à rire, et propose du regard de lui servir un nouveau verre.

Intégrer ce projet...J'admet être un peu surchargé en ce moment avec tous ces remaniements ministériels, mais j'accepte avec joie. Après tout, quand Gabriel m'a reruté je n'étais pas autre chose que le délégué aux relations franco-britanniques, alors relever ce challenge aux côtés de votre Département me rappellera quelques bons vieux souvenirs.

Me laissez-vous carte blanche Lenthan?

Vous savez, Monsieur Numenor, Rome ne s'est pas faite en un jour et la bureaucratie ne s'éteindra pas plus vite ... Faire bouger les choses et changer les mentalités prend temps et persévérance : une fois votre projet sur les rails, il vous faudra encore être un peu patient mais je ne doute pas qu'il soit couronné de succès. Nos collègues nous rejoindrons tous, l'un après l'autre ...

Gabriel devrait se charger de rameuter ses troupes ? Il n'a pas totalement tort ... Ce bougre s'est fait très discret dernièrement et Calandra en est venue à penser qu'il nous évite délibérément à cause de ce petit dîner animé l'autre soir ... Il y aurait-il femme sous roche ? C'est tout ce que je pourrais espérer pour lui mais j'en doute ...

Notre bon Ministre ... Non, je dois bien reconnaître que moi-même je ne l'ai guère vu ces derniers temps. Il est très occupé et ce n'est pas son implication au Magenmagot qui doit l'aider à avoir plus de temps pour lui-même ... Nous devrions nous mettre d'accord sur un soir et le forcer à nous suivre dans un de ces excellents bars à vins qui fleurissent à Londres !

Sans compter que, le connaissant, il a du être bouleversé par les derniers événements et par la mort de la petite Kementari en pleine salle d'audience.

Et bien, si vous me prenez par les sentiments, je ne serais pas contre une nouvelle rasade de ce whisky ! Et comme ça, nous pourrons trinquer à notre nouvelle collaboration ! Vous avez bien entendu carte blanche : je vous demande juste de me tenir au courant de l'état d'avancement des négociations. Bien entendu, si vous avez des questions ou si ma présence est requise pour l'une ou l'autre réunion, je suis votre homme !

Trinquons également à vos nouvelles fonctions !

Tiens, devrais-je lui dire que Théa compte bien postuler dans son département ? Non, il faut qu'elle se débrouille et je n'ai pas du tout envie de faire celui qui insiste lourdement ... Et puis, il risque ... d'être surpris.

Rome et ce qu'on aime à lui prêter...Mais bon il n'a pas tout à fait tort. Peut-être devrais-je faire preuve d'un peu plus de patience...Si j'ai bien compris ce qu'il y avait à y comprendre.

Le magenmagot...C'est vrai j'avais totalement oublié que Gabriel y siégeait. Je ne sais pas si c'est très raisonnable d'ailleurs, parcqu'avec l'agenda qu'il a, tous ces procès lui prennent un temps qui vous le savez aussi bien que moi, est plus que précieux.
Dans tout les cas je retiens votre idée de soirée entre hommes. Mais plutôt que d'aller nous délecter d'un excellent vin dans Londres, vous devriez venir goûter à ma cuisine...En plus de cela je suis sûr qu'Aurore serait ravie de faire la connaissance de votre fille.

Et puis moi aussi j'ai de très bon vins dans la cave qui n'attendent que d'être ouvert.

Un sourire et quelques derniers gestes pour finir de servir Lenthan en Scotch.

Soyez sans crainte! Je vous tiendrai au courant du moindre petit avancement. Et puis vous savez, je ne compte pas être le seul à m'avancer devant nos amis français. J'imaginais plutôt me charger du Ministre de la magie - qui je peux le dire, me connait plutôt bien pour être le parrain d'un de mes frères - et je vous laisserai alors rencontrer en personne le Directeur de leur service d'Auror. Je ne connais pas vraiment bien tout le langage technique qui anime votre milieu, et je ne préfère pas trop m'y essayer.

En gros, je prépare le terrain diplomatique, et je vous laisse ensuite user de vos compétences d'homme de terrain pour convaincre votre homologue de se rallier.

Edward lève son verre à son tour, et sourit lorsqu'il entend l'Auror saluer sa promotion.

Je ne sais pas si il sait que sa fille a demandé à me rencontrer. Peut-être devrais-je lui dire...Enfin il ne vaut mieux pas que je dise des choses qui puissent embarasser Aléatha. D'ailleurs je crois avoir laissé sa lettre sur le bureau. Je ferais mieux de la ranger avant qu'il ne tombe dessus.

D'un bond, il se relève de sa chaise, et file derrière son bureau pour attraper la petite enveloppe et la glisser discrètement dans un des tiroirs.

Et oui, impétueux Numenor ... Patience et persévérance seront les clefs de votre succès, vous avez très bien compris entre les lignes. Vous êtes un malin. Je me demande quelle était votre maison à Poudlard, bien que ça n'ait pas grande importance à mes yeux ...

Je rejoins bien votre avis sur l'emploi du temps de Gabriel mais il est ainsi fait et ne baisse pas les bras devant un agenda excessivement rempli. Vous savez, je le pratique depuis quarante longues années maintenant et je doute qu'il change un jour. Je sais aussi qu'il sera partant pour une soirée chez vous, en votre compagnie, celle d'Aurore et celle de ma fille : c'est en effet son parrain et il a un certain ascendant sur elle.

Tiens, je m'étais laissé dire que ce jeune dandy était célibataire ? Un bon parti même ... Et bien il faut croire qu'il a rencontré celle qu'il prendra la peine de présenter au Ministre de la Magie en personne ! Par contre, de là à penser que Théa s'entendra avec elle, il va vite en besogne, on voit qu'il ne l'a jamais rencontrée.

Très bien, je vois que notre projet prend forme rapidement dans votre esprit ! il est plaisant de voir que nous nous comprenons rapidement !

Il boit une généreuse gorgée du merveilleux liquide qui vient de garnir son verre et ne peut s'empêcher à nouveau d'entendre les pensées de son interlocuteur.

Bien, elle l'a déjà fait alors ... Apparemment elle n'a pas jugé utile de me montrer sa lettre avant de l'envoyer ... Pas que ça m'étonne mais bon ... Ah, et on dirait qu'il la connaît finalement. Ca par contre c'est plus étrange. Et pour qui me prend-il? Il croit que je vais inspecter son bureau pour voir qui lui envoie du courrier ? Soit, rien de bien grave dans tout ceci.

Il termine son verre, regrettant que le temps lui manque pour pouvoir savourer à sa juste valeur ce pur nectar, se lève et lui tend la main avant de se diriger vers la porte.

Bien, Monsieur Numenor, Edward, je vous remercie de votre accueil et je vais regagner mon bureau pour voir si par le plus grand des bonheurs ma pile de dossiers en retard a diminué. Ce dont je doute mais sait-on jamais ?

Avec un dernier sourire, il quitte son homologue avec la promesse d'une agréable soirée à venir.

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