Deux coeurs, une amitié [PV Nina]

Une semaine. Juste une petite et modeste semaine s'était écoulée. Et pourtant, elle avait entraîné dans son cours tumultueux tant de choses. Tant d'imprévus, tant d'inattendus. Tant de remises en question et de bouleversements. J'avais d'ailleurs l'impression que c'était irréel d'avoir vécu toutes ces choses en si peu de temps! Je me sentais à nouveau vivre et respirer. Un an que cela ne m'était jamais arrivé. J'avais toujours une rage au ventre et des questions importantes, mais j'étais bien déterminée à en faire une force. Plus loin, Psukhê, mon petit furet jouait avec le chien de Ness. Et dire que maintenant j'étais préfète avec lui, et qu'à nous deux nous formions un petit duo bien sympathique. Il y avait également Nath, ce garçon si fascinant avec qui j'étais en binome pour les cours d'occlumencie et de légilimencie. Oui, j'étais heureuse d'avoir fait sa connaissance et j'espérais bien n'être qu'au début d'une vraie amitié où l'on se découvrait petit à petit. Et je commençais mon apprentissage avec Noxis Clymox pour devenir élémentaliste de l'eau! Sans oublier cette préfète de Poufsouffle si gentille, Xéna, et la médicomage, Abby. Et... Jimy.

Je souris en pensant à lui. D'ailleurs cela faisait longtemps que je ne l'avais pas vu... Trois heures? Je soupirai avec un sourire au lèvres, attérée par mon état quand il s'agissait de ce gryffondor. Je secouai la tête en espérant vainement que la mèche de cheveux qui s'amusait à me chatouiller le nez, retournerait à sa place, en dehors de mon visage. C'était peine perdue, elle me défiait, ondulant, et je dû la replacer de ma main droite.

Tu sais que tu es en train de personnifier une mèche de cheveux? Et que tu souris béatement au vide? Par Merlin, tu es gravement atteinte...

Certes, je l'étais. Et je me mis à rire, effectivement seule sur un fauteuil, à côté de l'âtre de la cheminée. Enfin, le tableau coulissa et ce fut la personne que je voulais voir qui apparu.

Enfin, j'ai cru attendre... lançais-je avec un regard pétillant à son adresse. Je n'attendais qu'un mot, qu'un geste de sa part, qu'une étincelle dans ses yeux pour me jeter dans ses bras. Mais peut-être, et à juste titre, m'en voulait-elle et ne me pardonnerait pas aussi facilement mon comportement injuste. Nina n'étais pas particulièrement rancunière, mais je savais pertinament que je lui avais causé beaucoup de peine et d'inquiétude. Je la regardai enfin dans les yeux et murmurai :

Pardonne-moi, je t'en prie... il s'est passé tant de choses, laisse-moi t'expliquer... J'ai besoin de toi, tu le sais?

C'était vrai que ma vie reprenait du sens et qu'il ne me manquait lpus que ma soeur de coeur pour la partager...

Invité

La douceur lovée dans ses prunelles coula dans mon tout mon être tel un élixir. Pelotonnée dans un fauteuil, son attitude connotait un imbroglio de sentiments qui m’éblouit : soulagement, appréhension, désir, refoulement, impatience, désolation… Ces traits imprégnés à son visage reflétaient, je le savais, l’incertitude déconcertée du mien. Elle m’apostrophait. Elle s’excusait. Elle se dévoilait.[/size]

Et moi, ravagée par cette sensibilité exacerbée qui me tenaillait en permanence, qui me transportait dans des délires d’euphorie et me précipitait dans des folies dignes de martyre, moi, je…

Djan…

La consonne fond dans ma gorge, ensevelie sous un amalgame de sanglots. Je réprime quotidiennement mes maux. Lorsque mon chagrin enfle subitement, il déborde, et je m’y noie. En l’occurrence, je nage dans une voie lactée de félicité…

J’éjecte l’explosion de mes pleurs à la décontenance de Djaniah. Je me plie d’équerre et niche le bassin de diaphanéité qui me sert de figure entre mes mains. Craquer en public m’horripile, d’ordinaire : découvrir mes faiblesses, m’étioler lamentablement, ces crises me couvrent d’opprobre. Pourtant, eu demeurant, rendre un torrent de larmes m’apaise. La seule présence de ma sœur de cœur est un cadeau inestimable.

Nous nous affalons de concert. J’éclate finalement de rire :

Tu te souviens, Djaniah ? Nous épousons le sol…

Je m’agrippe à elle comme à l’ultime sûreté de ce monde aux pièces interchangeables et mensongères.

Est-ce que tu…

Je m’étrangle. Cette question. Toujours.[/color]

As confiance en moi ?

"La confiance est une chose rare mon enfant. La confiance est un lien d'or qui ne doit être brisé. Pourquoi? Parce que, si il se brise, il brisera les deux êtres qu'il reliait. Ne l'oublie pas car la confiance est la chose la plus précieuse que pourra t'offrir une personne..."

Ces mots de ma grand-mère, morte cet été, résonnent dans ma tête pendant qu'elle me regarde de ses yeux grands ouverts. Grands ouverts sur moi. Pas mon apparence, pas mon visage. Sur mes traits, sur mon regard, Dans mon regard.

"Les yeux sont le miroir de l'âme"

Voyait-elle dans le fond de mes pupilles comme les lueurs de mon intérieur? Je ne savais pas, et au fond, quelle importance? La seule chose de certain était qu'elle était l'une des personnes qui me connaissait le mieux. Nos 10 premières années passées presque comme des jumelles, à ne jamais se quitter plus de deux jours, nous avaient rendu si proches et intuitivement connectées à l'autre. Je savais que cette nuit d'été, lorsque j'avais laché prise dans Londres, elle l'avait sentie. Peut-être étais-je plus proche d'elle que de mon frère, que j'adorais pourtant. Mon petit et frêle Lilian. Et ma confiance, j'avais tellement douté d'elle ces derniers temps! Mais enfin, le passé devait rester passé, et les erreurs de mes aïeux ne devaient pas m'enfermer dans une solitude sans fin.

J'ai confiance... en toi. En nous. murmurais-je, me sentant sur le point de pleurer en disant cette phrase.

Ce n'étaient pourtant que des mots, de simples mots, banals et redit des millions de fois. Et aujourd'hui ils renfermaient pour moi tout le sens et toute ma sincérité.

Comment des lettres subtilement agencées peuvent créer des mots qui possèdent une telle importance? C'est presque irréel...

Oui, nous étions avachies comme deux gamines heureuses de vivre sans penser au lendemain.

Je me souviens, nous épousons lestement le sol!

Je respirai un instant avant de reprendre

J'aimerai te dire tant de choses... mais je n'arrive à trouver le bout! Et Elwan? Comment va ce rebel adolescent? Il m'a manqué aussi...

Je réfléchis, cela faisait longtemps que je ne l'avais pas vu. Quand j'étais passée à Beaubatons voir mon frère le premier jour de classe, j'avais pris soin de bien l'éviter...

Je voulais m'excuser pour ce cours de duel. Tu sais, je ne m'en foutais pas des autres... simplement le prof était là alors... Est-ce que tu me pardonnes?

Invité

Je glousse :

Te provoquer face à une assistance aussi hétéroclite était irrésistible… Rappelle-toi qu’un de mes loisirs de prédilection est de t’embêter par tous les temps. Comment aurais-je pu passer à côté d’une telle occasion ? Tu étais si farouche dans les bras de… Aïe !

Nos piques ne changent pas : je l’horripile, elle me chatouille. A deux cheveux des muscles intercostaux… Je me débats, je me contorsionne, je m’esquive. Peine perdue : elle me maintient avec une poigne sidérante. Nous rions de concert. D’un déhanchement savamment dosé, je me libère de sa gangue et titube à quatre pattes jusqu’à un fauteuil de cuir, hors d’haleine. Si Dumbledore espionnait notre hilarité, il s’y joindrait sans hésitation…

Les battements de nos cœurs s’apaisent. La méfiance d’Hequilïn à l’égard de notre hystérie est cocasse.

Nous avons tellement d’anecdotes, de secrets, de plaisanteries, de chagrins à nous dévoiler que je ne sais par où débuter…

Commence par répondre à la question que je t’ai posée à propos Elwan ? suggère-t-elle, ingénue.

Une chape d’anxiété m’écrase subitement. Je déglutis, embarrassée. Comment lui expliquer ?

Depuis peu, une étrangeté l’a… nous a frappé. Il y a quelques jours, j’ai encaissé un stupéfix jeté à la dérobée par un élève peu scrupuleux. Sans protection prophylactique, le sort m’a clouée au sol durant un laps de temps conséquent.

A mon réveil, un camarade d’Elwan m’a rapporté que tandis qu’ils survolaient le terrain de Quidditch, mon frère s’est brutalement avachi sur son éclair de feu, sans motif apparent. Il s’est révélé que son malaise correspondait à la seconde près où j’ai été décimée par l’éclair rouge. Nos corps communiquent ! Si ce garçon ne s’était pas précipité, Elwan aurait perdu la vie, stupidement, par ma faute…

Je ne prête pas attention à la carafe de jus de citrouille qui explose spontanément sous mes yeux. La rigole rousse serpente les aspérités de la table basse sans en tacher la texture imperméabilisée. Une cataracte s’égoutte au bord du meuble. Je recueille un fil translucide sur la terre aride de ma joue.

Djaniah ne bronche pas.

Si je meure, je ne serai pas seule, je l’entraînerai avec moi… Djaniah… Pourquoi sommes-nous différentes ?

"Tu étais si farouche dans les bras de..."

Aussi tôt qu'elle prononce ce début de phrase que je ne lui laisse pas le temps d'y ajouter le nom de ma faiblesse. D'un bras je la maintient facilement grâce à notre différence de taille, et de l'autre je lui impose mes chatouilles mortelles. Et finalement je me mets à rire aussi.

Je ne te permet pas!!!

Lui dis-je pour ne pas que nous nous atardions tout de suite sur le sujet d'un garçon. Je la connais, si j'accepte de répondre à ses questions, je risque de subir son large sourire goguenard et ses remarques un brin moqueuses! Non mais... J'oriente donc la conversation vers un sujet moins délicat pour moi, son frère. Au changement imédiat de son visage, je me doute qu'il y a quelque chose d'anormal, de grave? Je l'écoute, silencieuse tandis qu'elle me révèle ce qui lui pèse au coeur. Le mien manque un battement en comprenant jusqu'où elle amène ma logique. Etait-ce possible, deux corps reliés? Mes yeux expriment sans doute mon désarroi et je ne parle pas tout de suite. Il me faut d'abord bien assimiler cette information.

La mort de l'un entraînerait celle de l'autre? Mais, pourquoi? Est-ce que...

Je passe une main dans mes cheveux en réfléchissant. Bien entendu, je savais comme tous les sorciers que des années auparavant, les corps du célèbre Harry Potter et Voldemort avaient été à cause d'un sort liés, mais était-ce possible que cela arrive naturellement dans une fraterie? Je commençais, pour essayer de l'apaiser un peu, en tout premier lieu :

Ecoute Nina, pour l'instant, je ne crois pas que l'un ou l'autre soyez en danger de mort, donc il n'y a pas à se faire de soucis. Un malaise reste un malaise et nous sommes bien encadrés pour que rien de grave ne se produise.

Je me tus un instant, avant de reprendre d'une voix plus hésitante :

Pour ce qui est de ce lien, je trouve ça très étrange car j'ai rarement entendu parler de ce genre de phénomène même dans les nombreux livres que j'ai potassé... Mais il faudrait faire un tour à la bibliothèque et demander qu'on nous guide vers les ouvrages susceptibles de nous donner les bonnes infos. On ira demain, on a du temps libre entre midi et deux normalement, j'ai déjà fini mes parchemins donc...

Oui, il fallait absolument qu'on se renseigne. Au pire, je pouvais toujours essayer d'en parler à Noxis notamment... Mais ce qui était sûr, c'est que ce n'était pas banal, et que mes deux amis étaient sans doute loin d'être ordinaires. Puis je me souvins de sa question.

Pourquoi nous sommes aussi différentes? ...

Cela me laissa perplexe. Je ne savais pas trop quelle réponse elle attendait.

Invité

Je n'avais pas envisagé le problème sous cet angle. Djaniah avait peut-être raison, après tout : le monde sorcier possède ses limites, et notre cas, à moi et Elwan, les dépassait en ralliant celui de Harry Potter et de Voldemort. Or, il n'était pas question de prendre le large pour épier les traces d'un jeune homme à la notoriété sans commune mesure sérieusement entamé par une prophétie dont il n'avait rien demandé, ni celles d'un type réduit à son essence pure et dévastatrice dans un cimetière nauséabond. La solution s'imposait d'elle-même : nous irions de concert à la bibliothèque exploiter ce phénomène qui me taraudait tant.

En attendant, Djaniah demeurait dubitative face à mon introspection désespérée. J'explicitais mon propos :

D'une part, moi et Elwan sommes liés de manière absolument abstruse et inexplicable. D'autre part, tandis que nous étions plus liées que des jumelles durant des années, tu as subitement disparu sans laisser de traces. Tu n'es pas ordinaire, ta famille l'est encore moins, tu t'apprêtes, à ce que j'ai pu entendre, à exploiter un don que tu couves depuis ta naissance : dominer l'élément de l'eau. Je ne te dresserai pas la litanie des choses pour le moins étranges et singulières qui nous sont arrivées au cours de nos périgrinations. Cela ne fait-il pas de nous des personnes... différentes? Et, si l'on admet ce fait, pourquoi nous apporte-t-il presque autant de désagréments que Voldemort et apportait à Harry Potter ? Je ne nous compare pas à eux - nous ne sommes que deux élèves de Serdaigle en pleine adolescence fascinées par le sexe opposé - mais, tout de même...

Djaniah ne bronche pas. Ne bouge pas. Adossée au mur décrépi, elle ressasse probablement mes paroles.

Ah, ces heures languides et féériques, atroces et névralgiques, que nous passions dans nos chambres du temps où nous étions inséparables, à dépérir délicieusement de nos interrogations et dépressions...

Ca me manque... de te parler... tu... me manques...

Alors voilà ce que ce mot "différentes" signifiait pour elle. Je n'avais tout d'abord pas compris, parce que je pensais qu'elle évoquait la différence entre elle et moi. Mais en réalité elle parlait de cette singularité qui existait et persistait, contre notre volonté, à nous différencier des autres sorciers. Bien sûr, nous n'avions jamais rien demandé. Et pour être franche, je n'avais jamais réfléchi à cela. Enfin, pas dans cette vision là tout de moins. Il était vrai que je m'étais trop souvent sentie comme à côté du monde, surtout après mon déménagement à Londres, en marge de la vraie vie, cloitrée dans un luxe faste et superficiel, exubérant et écoeurant. J'étais seule, à partir de mes onze ans, et j'en voulais au monde entier de l'être.

Je finis par sourire, en me remémorant une nuit où j'étais encore avec elle dans ma chambre en Bretagne. Une nuit, comme de nombreuses autres, où nous parlions déjà depuis des heures, laissant la mélancolie nous envolopper avec un délice presque palpable.

Tu te souviens Nina, de cette nuit après laquelle nous avions manqué de tomber d'un arbre et que l'eau avait ralentie notre chute? On s'était dit que nous étions différentes et que c'était ça qui nous garderait en vie. Et qu'on était née pour accomplir de grandes choses. Tu te souviens? Il y avait tellement d'espoir et de bonheur dans nos voix, on y croyait, vraiment...

Ma voix se suspendit à l'évocation de ce souvenir qui m'était touchant. J'étais un peu émue, parce que c'était la première fois que nous nous reméttions à parler, comme avant. Et que je commençais à entrevoir que toutes ces choses étaient effectivement liées, mais pas forcément pour le pire.

Et tu vois, j'ai l'impression que nous n'avions peut-être pas tord. Non? Même si je ne sais pas ce qu'il va advenir de nous, si les chemins qu'on emprunte sont les bons, il y a cette singularité en nous. Et je trouve ça un peu effrayant pour tout dire, parce que je me sens un peu paumée, j'ai peur de me tromper, mais je ne peux pas savoir alors je continue d'avancer à tâtons, cherchant le meilleur moyen de comprendre et de maîtriser ma voie.

Elle devait sentir la même chose. Elle était déboussolée, émue.

Moi aussi, ça me fait du bien de t'avoir enfin retrouver et de te parler... Personne ne pourra jamais te remplacer, alors comment ferais-je sans toi?

Je la regardais avec cette affection qui débordait de mes pupilles.

Invité

Attention, Nina, attention, l'émotion, la tendresse, l'affection t'envahissent inexorablement... Ne pas dévoiler cette phase interne qui bout sous ton masque hautain et distant... pas trop...
Diversion. Humour. Vite, vite, avant de laisser s'épancher ce qui rugit en toi... tout ce temps à rattraper et qui t'étrangle... vite!!!

Tu concocteras le petit déjeuner pour Jimmy et lui apportera au lit, tu seras une grande élémentaliste d'eau, tu tortureras les premières années de Serdaigle, perfectionneras ta technique de bouderie qui te va si bien...

A ce point de mon récit, le calvaire des chatouilles reprend de plus belle, et je ne suis plus qu'un imbroglio de membres distordu de rire. Je harponne une "goulée d'air" ^^ et parvient, hors d'haleine, à formuler l'interrogation qui titille mes lèvres depuis le début de notre entretien. Sans arrières-pensées, sans reproche, sans acrimonie. Naturellement.

Djaniah... tu as survécu sans moi... (nouveau gondolement spasmodique) pendant toutes ces années d'absence...

Elle recule. Comme tétanisée par le cri d'une mandragore, comme sous l'emprise du charme des vampires, comme piquée par l'épine d'une rose de Mort. Brusquement sur la défensive.
Je m'infatue à ne pas me démonter face à sa détresse.

Alors... tu me racontes, petit ange?

Petit ange?

Sa dernière phrase me laisse sans voix, tandis que cette affectueuse appellation me provoque un frisson. Depuis combien de temps n'ai-je pas entendu quelqu'un m'appeler ainsi?

Tu te souviens, c'est ma grand mère qui m'appelait comme ça... murmurais-je en réprimant un tremblement. Elle est morte cet été, mais tu dois être au courant, je suppose, puisqu'elle était encore au Manoir...

Morte à l'aube de mes seize ans. Simple coïncidence? Certainement pas. J'errai dans Londres à ce moment là, submergée par l'emprise d'un état second, sans pourtant savoir ce qui se passait dans ma famille. Elle me manque, elle comptait tant pour moi...

Oui, je peux te raconter, si tu veux, mais je ne sais pas trop quoi dire...

Je soupire. Cette période n'est que source de mauvais souvenirs pour moi.

Mon père a pris en main mon éducation comme tu le sais, me traînant de professeurs particulièrs aux couturiers, aux banquets d'honneurs avec tout le beau monde des sorciers. Heureusement, aller à Poudlard était une vraie bouffée d'air dans ma vie, même si je ne pouvais pas y rester pendant les vacances... Et après trois ans de soumission totale, j'ai commencé à devenir plus difficile, jusqu'à me mettre à fuguer, piquer de dangereuses colères et tout ce qui va avec... Je t'épargne les détails! Je crois que je n'arrivai plus à garder enfouit en moi toute ma tristesse et la rancoeur que j'ai envers lui.

Une fille détestant son père, pas très glorieux...

Et j'ai arrêté de venir en Bretagne. Je me suis concentrée sur les études pour passer mes angoisses. Il m'est arrivé de tomber plusieurs fois à l'eau, comme si j'étais toujours attirée en elle, par elle, sans jamais y laisser la vie.

J'étais si bien dans l'eau... Parfois, j'avais beaucoup regretté de ne pas y être resté jusqu'à ce que les courants fassent de moi leur petite poupée articulée, dont les membres ballottaient doucement sous leurs caresses.

L'eau me fait un effet bizarre, elle m'hypnotise je crois... Enfin, maintenant je vais mieux, et je ne suis plus seule! Mais je crois que j'en voudrais toujours énormément à mes deux parents d'avoir décidé de nos avenirs, à moi et à Lilian, sans jamais nous expliquer réellement ce qui se passait. Parce que je crois que ma mère a éloigné Lilian de moi, pour une raison que j'ignore... Elle a peur de quelque chose, et je ne sais pas quoi. Mais je finirai par le découvrir de toute manière! Et toi?

Invité

Je ne réplique pas instantanément. Ses mots culbutent, se télescopent dans ma tête en une cacophonie d'informations ineptes. En particulier, sa dernière parole me mortifie : sa mère s'est ingéniée à la séparer de Lilian. Un amer goût de déjà-vu m'emplit la bouche. Si nous n'avions pas dupé la nôtre, Elwan et moi nous situerions à des lieues l'un de l'autre. Incapables de vivre. Projetés vers un gouffre de solitude sans fond.
Djaniah avait-elle ressenti cela vis-à-vis de Lilian, ce garçon si frêle, si timide, si fragile... Constituait-elle sa force, en fin de compte, comme Elwan symbolisait ma spontanéité ?

Ah, moi... Que dire? Mon parcours est plutôt décousu! Entre la disparition de mon père qui jeta ma mère dans une dépression sans fin, qui semblait incriminer Elwan de cette perte mais, bizarrement, défoulait ses nerfs sur moi - comme pour le préserver. Ma scolarité à Beaux-Bâtons s'est... piètrement déroulée. Disons que cette école est merveilleuse, mais que j'ai officié un hippopotame dans un champ de roses en y entrant! A cette époque, étant plus jeune, inexpérimentée, irréfléchie, je balançais mon excès de magie à la cantonnade, blessant élèves et professeurs. Quand j'étais en colère, quand je le faisais exprès, mes sorts étaient décuplés - et j'ai failli tuer quelqu'un... Tout cela n'est pas franchement reluisant!

Djaniah ressemble à un chat ronronnant, lovée dans le fauteuil de cuir souple, et ses prunelles luisent d'attention.

Si ce n'eut été la décision de ma mère, je me serais fait renvoyée de toute manière. Les choses tournaient au vinaigre et les péripéties d'Elwan étaient insoutenables. On nous a littéralement expédiés à Poudlard - à ce qui paraît, une excellente école de sorcellerie. La preuve en est: je me maîtrise beaucoup mieux, je n'ai encore chagriné personne! Bien que je me ferais un plaisir de chatouiller la flamme de Jimmy en l'enrubannant d'un morceau d'océan... ce qui est impossible, hélas. Vous, les élémentalistes, vous êtes sacrément coriaces, en tant qu'adversaires! On ne peut pasn éteindre vos machins, ils sont indestructibles! Ton eau est insubmersible! Comment ferons-nous pour nous chamailler ?

Djaniah est pliée en deux et ses mèches chocolatées me couvent son regard, que j'imagine bridé de rire. Elle sait pertinemment où je veux en venir.

Tu te souviens, Djaniah? Lorsque notre magie était encore endormie, avant nos onze ans. Nous multiplions les duels, pour de faux, bien sûr, mais quel régal, se battre, comme si nous étions de grandes aurores...

Un temps. Ses yeux dans les miens. Une étoile commune.

Ca te tente, une revanche version sorcier?

Imaginer Nina en train de "titiller la flamme" de Jimy me secoue d'un fou rire comme il ne m'était pas arrivé depuis bien longtemps. C'était vrai qu'à part la petite entrevue au cours de duel, je ne les avais pas présentés. Mais étant donné l'abord sympathique et allant de Jimy, et la facétie de Nina, j'étais presque sûre qu'ils s'entendraient bien.

Tant mieux!

Et elle finit par me parler d'une revanche version sorcier...

Tu es sérieuse? Tu veux vraiment qu'on aille se battre maintenant?

Je secouais la tête en riant à nouveau. Décidemment elle était toujours aussi farfelue! Qui aurait songé à un combat à onze heure du soir, après une harrassante journée?

Elle.

Je me doutais que ce n'était pas très conseillé, mais enfin, son regard fixé dans le mien, presque suppliant me fit céder malgré mes "devoirs de préfète".

Ok Nina, c'est d'accord je relève ton défi. Mais pas ici bien sûr, pourquoi ne pas aller à la Salle sur demande? Nous serons tranquille et on ne dérangera personne. En lpus, je suis sûre que cela nous fera le plus grand bien!

J'étais à présent impatiente de me mesurer à nouveau à elle. J'attendais son assentiment avant de me lever.

Invité

Son accord. La lueur compétitive dans ses yeux. C'est elle.

Je me redresse à demi, caresse d'une chiquenaude le bout de son nez - un tic dont je ne puis me défaire depuis mon entrée à Beauxbâtons et ma rencontre avec un certain garçon de là-bas -, et lui signifie sans détour mon accord.

Je l'aide à se lever et, courant presque, nous nous hâtons vers la salle sur demande, Hequilïn et Psuckhe sur nos talons, baguette au poing, impatientes d'en découdre.

Curieuses de nous affronter.

De nous révéler. Enfin.