La Fille de l'Auror

Aléatha avait fait un effort non négligeable pour monter jusqu'à la volière de Poudlard : elle avait une haine farouche des oiseaux depuis un certain épisode de son enfance où son frère, Pathan, n'avait rien trouvé de mieux que de l'enfermer avec les volatiles. Mais lorsqu'elle n'avait pas le choix, elle devait bien faire comme tout le monde, surmonter sa répugnance de l'odeur immonde qui se dégageait d'eux, en attraper un et lui confier son parchemin. Cette fois-ci n'était pas différente : il lui fallait envoyer un message ... Après avoir pris soin de bloquer son odorat par un sortilège de "non oleat", elle avait donc escaladé l'escalier de pierre, choisi un oiseau qui ne lui semblait pas trop miteux et rempli de vermine et lui avait confié sa lettre.

Code:: Cher Monsieur Numenor,

Je me permets de vous écrire pour solliciter un entretien dans vos bureaux. Je suis en effet en dernière année à Poudlard et il est temps que je pense à ma carrière future. Vous l'aurez déjà certainement compris, l'idée que celle-ci prenne son envol au Ministère me tente énormément. J'aurais dès lors souhaité vous rencontrer afin de parler plus amplement d'un potentiel engagement en tant que stagiaire dans votre département.

Merci de me faire savoir quel jour et heure vous conviendrait le mieux pour une visite.

Dans l'attente d'une réponse positive de votre part,

Sincèrement,

Aléatha Quindiniar

Allez zouuu, tu files lui apporter ça ! Quoi ? Oh, ça va : s'il te plaît !

Alors qu'Edward était en pleine discussion avec l'un de ses collaborateurs à propos de Miss Jones qui venait à peine de partir, un vieil hibou se posa maladroitement sur le rebord de sa fenêtre.

Encore une lettre...Décidement ça n'arrête plus.

Mon pauvre Edward tu as l'air debordé. Un peu de vacances te ferait le plus grand bien.

Oh non surtout pas! Je préfère d'abord parachever la fusion avant de prendre quelques jours.

Il ouvrit rapidement la lettre, et la lut. Quel ne fut pas sa surprise lorsque son regard se posa sur les dernières lettres.

Aléatha Quindiniar.

Il s'empressa de retourner derrière son bureau, et de tirer un parchemin vierge pour lui répondre.

Code:: Miss Quindiniar,

Je dois dire que votre demande m'étonne au plus point, mais sachez qu'elle me ravit énormément.
C'est pourquoi je vous attendrai de pied ferme demain à 10h25.

Amicalement,
Edward Numénor.

Il confia ensuite la lettre au vieil hibou qui ne s'envola qu'une fois la récompense offerte.

Sale bête! J'aurais mieux fait d'envoyer mes Geais.

La réponse ne se fit pas attendre et Aléatha eut à nouveau l'immense bonheur de pouvoir toucher un de ces oiseaux abhorrés, à vrai dire le même que celui qu'elle avait envoyé. Il n'avait pas l'air de vouloir partir sans récompense aussi lui lança-t-elle rapidement quelque chose pour en être débarrassée au plus vite.

Le lendemain, à l'heure prévue, elle se présente devant la porte du bureau d'Edward après un petit détour par le bureau de Lenthan : intérêt non négligeable que de pouvoir utiliser son accès au réseau de cheminée ! Elle frappe un bref petit coup et pénètre dans l'agréable pièce au son d'un "entrez" retentissant.

Bonjour Monsieur Numénor, je suis ravie de vous revoir.

Et cette fois-ci, je ne ferai pas n'importe quoi !

Elle franchit les quelques pas qui la sépare et lui tend la main, un grand sourire s'affichant sur son visage clair.

10h24

C'est un bureau aux dominantes ébènes qui s'apprête à accueillir la jeune Aléatha Quindiniar, digne fille du sage Lenthan.
Edward est en train d'achever l'organisation des examens du très prometteur Goldy, lorsqu'enfin un bref petit coup retentit à la porte, signe qu'elle est arrivée.

Entrez!

Et sans attendre, la poignée se tourne, et la porte s'ouvre pour dévoiler la jeune femme.

"Bonjour Monsieur Numénor, je suis ravie de vous revoir."

Et moi donc!

Il attrape galamment la main qu'elle lui tend, et lui rend son si beau sourire.

Je vous en prie, installez-vous!

Il prend alors soin d'écarter l'un des fauteuils en cuir qui fait face à son bureau.

Je ne sais pas si vous souhaitez quelque chose à boire, mais il est quand même un peu tôt pour partager une liqueur.

Il se met alors à rire, comme pour la mettre à l'aise. Mais en réalité c'est Edward qui semblait le plus gêné des deux.

Eh bien! Si vous me parliez un peu de vous...de vos aspirations...

Elle lui abandonne sa main l'espace de quelques secondes et apprécie la galanterie dont il fait preuve tout en prenant place sur le siège qu'il lui indique. Amusée, elle se fait la réflexion qu'elle doit sembler toute petite dans cet immense fauteuil de cuir, elle la petite Aléatha Quindiniar qui, du haut de ses dix huit ans, vient pour la première fois de sa vie demander quelque chose à quelqu'un. L'a-t-il reçue parce qu'elle est la fille de Lenthan ? Ou pense-t-il réellement qu'elle peut apporter quelque chose à son département, elle, l'insupportable adolescente ? Il lui propose à boire et puis éclate de rire. Ce qui a pour effet immédiat de la mettre mal à l'aise. Oh, bien entendu, elle essaye de camoufler. Mais l'assurance qui était la sienne lorsqu'elle est entrée en est tout de même ébranlée.

Je ... Non ... Non, je ne bois pas d'alcool, merci. Et quand bien même, il est un peu tôt il me semble. Vous auriez du sirop de violettes peut être ? Je n'y résiste pas.

Elle se reprend rapidement et réfléchit à la question qu'il lui a posée. C'est un fait qu'elle n'a pas vraiment réfléchi à la façon dont cet entretien se déroulerait et qu'elle est un peu prise au dépourvu.

Et bien ... J'ai dix huit ans et je suis la cadette d'une famille de trois enfants. Je sais ce que je veux dans la vie et ce que je ne veux pas. Par exemple, je ne veux pas être modeste en me sous-estimant intellectuellement. Mes notes ont d'ailleurs toujours été excellentes et mon apprentissage ne se limite pas à ce que l'on peut enseigner dans une école ou lors de cours particuliers. Je suis autodidacte et mes matières de prédilections sont sans conteste les potions, les sortilèges et la magie des Anciens.

Imperceptiblement, ses pommettes se colorent et elle attrape inconsciemment une mèche de cheveux qu'elle enroule autour de son doigts. Réalisant l'agacement que ça peut provoquer chez son interlocuteur, elle la replace négligemment dans son chignon, réajustant le tout en plantant sa baguette dedans.

Pour ce qui est des aspirations ... Oh, disons que je suis destinée depuis très longtemps à travailler dans les ateliers de ma famille. Mais cela n'est bien entendu possible qu'après avoir parcouru d'autres horizons de façon à avoir un minimum de recul. Et ces horizons, j'aimerais qu'ils débutent ici, au Ministère. Vous pourriez tout naturellement me demander pourquoi je n'ai pas démarré mes démarches dans le département des Aurors ...

Elle se tait, se demandant si elle n'a pas déjà trop parlé par rapport aux attentes d'Edward.

Un sirop de violette...Oui c'était prévisible.

Il se retourne, et s'abaisse devant le buffet qui ne demandait qu'à être ouvert pour qu'on en sorte la bouteille d'une délicieuse boisson. Il a beau chercher et regarder encore et encore, il ne parvient pas à mettre la main dessus.

Ce meuble est tellement en désordre que je ferais mieux de le brûler...et de faire brûler tout le Ministère par la même occasion, vue toute l'alcool qu'il renferme.

Heureusement il finit par apercevoir l'étroit groulot, qui pointe le bout de son nez tout au fond du meuble. Il n'en faut pas plus à Edward pour le saisir et poser la bouteille sur le plateau. Pendant ce temps, Aléatha continue de parler, et de répondre plus qu'il ne le fallait aux questions d'Edward.

Eh bien, vous me semblez tout à fait à l'aise pour discuter Miss Quindiniar...

Il la laisse continuer, ne voulant pas l'arrêter en si bon chemin. Il prépare alors son verre de violette et le lui tend une fois terminé.

Que vous vous sentiez intelligente, vous n'avez pas à le légitimer...Je connais parfaitement votre parcours scolaire. Je tiens quand même à vous rappeller que je travaille pour le Département qui est en charge de Poudlard.

Elle se met alors à enrouler une mèche de ses cheveux autour de ses doigts. Mais elle finit par comprendre que cela peut gêner son interlocuteur.

Serait-elle finalement plus nerveuse que je le pense?

Vos aspirations sont justes et tout à fait compréhensibles Miss Quindiniar. Et je comprends que vous ne vous soyez pas dirigée vers le Département de votre père pour avoir une idée de la "machine Ministère". Il faut dire qu'il n'y aurait pas grand intérêt à travailler pour le compte de son propre géniteur.

Et ici vous pouvez être sûr d'être jugée et traitée comme vous le mériterez

Toutefois j'aimerais que vous éclaircissiez cette histoire d'atelier. De quel type d'atelier parlez-vous?

Elle continue à parler pendant qu'Edward met sans dessus dessous son bar pour retrouver l'ultime bouteille qui allume le regard d'Aléatha : la violette, sans conteste le mot qui la résume le plus ... Elle prend le verre qu'il lui tend et boit une première gorgée avec un plaisir non dissimulé.

Oh, oui, je suis assez à l'aise pour parler, c'est un fait. Vous savez, depuis toute petite je suis habituée à rencontrer les grands de ce monde ... Et si j'espère bien décrocher un emploi dans votre département, ma vie ne s'achèvera pas si vous veniez à refuser ma proposition ... Dès lors, à quoi bon me créer des difficultés en stressant inutilement ?

Par contre, je ne suis pas totalement d'accord avec ce que vous dites : si je ne suis pas allée trouvée mon père pour rejoindre son département, c'est tout simplement parce qu'il ne m'intéresse pas. Vous savez, je ne suis pas une héroïne dans l'âme et travailler parmi les Aurors ne serait pas exactement exaltant pour moi. Et qu'il ne serait que trop évident pour beaucoup que les raisons de mon engagement n'auraient rien à voir avec les capacités dont je me targue de disposer. Enfin, en même temps, l'opinion des autres à mon égard m'importe très peu ! Mais ça me concerne moi, il n'est pas nécessaire que mon père ait à subir les ragots de gens stupides. Cependant, ne croyez pas que je sois incapable de me comporter comme il se doit en société, je devrais plutôt dire que mon éducation est un atout non négligeable.

Par l'Ancêtre, je déraille totalement par rapport à ce qu'il m'a demandé là ... Et qu'est ce que ?

Monsieur Numenor, vous vous moquez de moi ? Le nom de Quindiniar ne vous disait vraiment rien avant que Papa reprenne la direction des Aurors ?

La stupéfaction se lit sur son visage et, fait assez rare pour être souligné, elle reste sans voix tandis que du bout de ses doigts elle se met à caresser les pierres qui ornent ses bagues et ses bracelets.

Eh bien! En voilà une qui ne manque pas de culot...

Il prend un air gêné, presque outré.

Alohomora!

Oui, voyez-vous je préfère laisser la porte ouverte...Sans doute pour vous rappeler que c'est votre entretien et non pas le mien.

Il sourit et relève sa baguette pour refermer la porte.

Bon, trève de plaisanterie. Miss Quidiniar, cessons ce bavardage inutile. Je ne faisais que mettre l'accent sur votre aisance à parler. Et je ne sais pas pourqoi vous êtes venue me caser cette histoire du "tu veux pas de moi, c'est pas bien grave".

Je crois bien que cette Quindiniar, va m'en donner du fil à retordre.

Il soupire et la regarde de nouveau.

Je ne comprends pas bien le sens de votre dernière intervention. N'est-elle pas qu'une suite illogique de remarques sur....vous.

Voire un dénombrement de ses qualités...

Toujours est-il que je ne connais pas les ateliers Quindiniar. Mais sans doute est-ce parcque je suis français, et que je n'ai quasiment jamais vécu au Royaume-Uni.

Elle a l'air de considérer cela comme une honte...Non mais sans blague...Puisqu'elle en sait tant, peut-elle me dire ce que l'on produit sur le Domaine Numénoréen.

Elle va de stupéfaction en stupeur, ne s'attendant absolument pas à une telle réaction de la part de son interlocuteur. Elle se lève d'un bond, ses joues encore plus pâles que d'ordinaire alors qu'un sourire s'affiche sur le visage d'Edward quand il referme la porte.

Je ...

Elle est complètement déboussolée par les remontrances de cet homme qu'elle ne connaît absolument pas, remontrances dont elle n'a absolument pas l'habitude. Elle réfléchit à ce qu'il vient de se passer et ne comprend pas ce qu'elle a fait pour mériter une telle humiliation.

Je n'ai jamais dit une chose pareille Monsieur Numenor ! Si je suis là, c'est parce que je souhaite travailler avec ... heu ... pour vous. Et je pensais que vous souhaitiez en savoir plus à mon sujet, ce qui me semblait cohérent.

Non mais vraiment, c'est insensé ! Jamais je n'avais imaginé qu'il puisse être un tel goujat ! Il m'avait pourtant l'air d'être quelqu'un tout ce qu'il y a de plus correct. Ais-je vraiment bien fait de pousser la porte de son bureau ?

Elle le détaille de ses grands yeux violets, penchant un peu la tête de côté. Elle finit par se rasseoir lentement, reportant son regard sur ses mains et reprenant d'une toute petite voix.

Vous êtes en train de me dire que j'ai tout fait de travers n'est ce pas ? Et que je vous fais perdre votre temps ...

Comment je ratrappe ça moi ? Je peux toujours lui parler de ce que je connais le mieux, à part moi ...

Je ne savais pas que vous étiez Français, Monsieur Numenor. Mais vous savez, mon patronyme vient de la région d'Anvers. Depuis de nombreuses générations, ma famille s'est spécialisée dans le commerce et le négoce des pierres précieuses. Nos ateliers sont réputés à travers le monde sorcier pour la finesse des pierres et le fort potentiel magique que nous parvenons à leur faire développer grâce, notamment, à l'aide des gobelins. J'ai toujours eu des prédispositions pour les potions et mon avenir aux Ateliers est tout tracé : diriger le groupe de gobelins des laboratoires ... Mais pour cela, je suis bien trop jeune, ne trouvez-vous pas ? Je manque totalement d'expérience ...

Vous souhaitez travailler avec...J'ai bien peur de ne pas avoir saisi la fin.

Il la regarde d'un air louche. La réaction d'Aléatha l'a sans aucun doute troublé. Il ne souhitait pas l'offusquer, mais d'avantage lui faire comprendre que c'est bien elle qui doit faire ses preuves. Et pas le pauvre Edward qui se trouve parachuté dans une situation où on le prend pour un crétin.

Je ne connais pas les Quindiniar c'est sûr, mais je ne suis pas pour autant un sombre ignare. Et puis qu'entendait-elle par "travailler avec...". Je doute qu'elle me voue un culte la petite, alors je pencherais plutôt pour la solution Cerise.

Rassurez-moi, vous n'êtes pas ici juste dans le but de rester avec votre amie, Miss Owlspell!

Il attendait sa réponse, ésperant bien qu'elle aurait une argumentation en béton.

Et je n'ai pas dit que vous avez tout fait de travers. Au contraire, jusqu'à maintenant tout était parfait. Je voulais juste éviter que cet entretien devienne une éloge à votre nom. Et puis si vous me faisiez perdre mon temps j'aurais laissé cette porte ouverte, car je sais pertinemment que vous l'auriez franchi.

Il s'arrêta, et reprit son souffle. Il remarqua alors ses deux grandes prunelles violettes qu'il avait déjà pris soin d'admirer à l'Ordre.

Alors comme ça les Quindiniar sont belges, et négocient dans le milieu de la joaillerie. J'avoue que je ne savais pas...Mais cela explique peut-être pourquoi la chevalière que je porte est gravée d'un élégant Q au dos.

Mes propos sont douteux...

Vous savez je ne sais pas si on peut dire que vous manquez totalement d'expérience. Vous êtes quand même une élève remarquable...Ce n'est pas rien. Il vous suffit maintenant de vous distinguer dans un milieu tout aussi sérieux...comme mon Département.

Effarement. Le regard blessé revient sur Edward : ne peut-il voir à quel point elle fait des efforts ? C'est idiot ... Il ne la connaît pas, comment pourrait-il remarquer qu'elle prend sur elle de se présenter comme « demandeuse » et non pas comme la jeune fille à qui tout est dû, comme d'habitude ?

Quoi ? Je serais là pour suivre Cerise … Attendez, ça ne va pas, mais alors pas du tout. J'ai l'impression que nous ne sommes absolument pas sur la même longueur d'ondes.

Elle se retient de rire, un rire nerveux issu de la stupidité de la situation. Ce qu'elle imaginait être un entretien charmant avec une personnalité certes terriblement charismatique mais tout à fait humaine s'avère être un fiasco total où les deux intervenants ne se comprennent pas. Il est loin le temps où elle aurait abusé de sa séduction sur l'homme qui se tient en face d'elle, ajoutant un regard voilé de larme par ci, une moue charmeuse par là, un battement de cils juste au bon moment par ici : Aléatha a mûri ces derniers mois et elle a abandonné ce type d'armes pour miser sur l'honnêteté à la place.

Oh, Monsieur Numenor, en me levant ce matin, je me faisais un plaisir de vous rencontrer et de me présenter à vous comme un élément potentiel et prometteur pour votre équipe. Là, j'ai l'impression que je vais devoir vous prouver que je ne suis pas la capricieuse petite gamine dont je vois l'image dans vos yeux. Je n'ai pas toutes les qualités, j'en suis bien consciente. Notamment je ne suis pas très patiente et beaucoup me considèrent comme hautaine. Mais je n'ai pas choisi votre département pour des futilités, me disant qu'en venant ici je pourrais continuer à voir ma « camarade de jeux ». J'aime Cerise tout autant que ma sœur mais nous n'étions pas au courant des aspirations l'une de l'autre avant d'envoyer chacune notre lettre ! Elle croyait que je rejoindrais les atteliers, je croyais qu'elle souhaitait devenir Auror, elle en a nettement plus l'étoffe que moi … La nouvelle qu'elle postule ici et que, si nous sommes prises toutes les deux, nous soyons amenées à travailler ensemble m'emplit de joie bien entendu : nous avons souvent fait des travaux en commun et nous formons un excellent duo. Mais ce n'est pas du tout cela qui m'a poussée à venir.

Son assurance revient petit à petit, alors qu'elle est parvenue à rendre son ton plus juste : elle estime avoir été honnête et espère qu'il remarquera sa volonté de mettre sa fierté dans sa poche pour une fois dans sa vie. Son enthousiasme premier reprend vie petit à petit et sa voix redevient guillerette.

Pour tout vous dire, je crois que je peux apporter quelque chose de précis à votre département. J'ai été inscrite à presque tous les cours possibles et imaginables à Poudlard, de la médicomagie à la Magie des Anciens. Il n'y a que le Vol et l'arithmencie que je n'ai pas suivi je crois. Les cours que je n'ai pas suivi là bas, je les ai suivis à Beaubâtons ... J'ai dès lors une idée précise du cursus que les élèves ont la possibilité de suivre et quel est leur bagage lorsqu'ils sortent de l'école. L'idée de suivre leurs dossiers et de vous fournir une analyse minutieuse sur leurs progrès et sur leurs opportunités de carrière me séduit particulièrement. C'est ce qui devrait pallier mon manque d'expérience dans le milieu extra-scolaire : ma connaissance tout fraîche sur le terrain puisque je ne suis pas encore diplômée.

Toute entière à son speech, il y a tout de même un élément dont il a parlé et qu'elle garde à l'esprit : en dehors de Naget, de sa famille et de Haplo, il y a une chose qui la fascine plus que tout … Les pierres précieuses … Elle a régulièrement louché sur la main d'Edward où une chevalière magnifique attire son regard comme un aimant.

Vous permettez ?

Elle s'approche et tend la main vers le bijou. Dans un dernier sursaut de pudeur elle se retient de le toucher mais elle s'y connaît suffisamment pour savoir qu'il s'agit en effet d'un joyaux des ateliers Quindiniar, et pas des moindres.

Cette pierre est splendide, Monsieur Numenor ! J'en ai vu beaucoup, mais celle-ci est unique en son genre … Aucun doute à avoir, elle vient de notre maison. Est-ce un cadeau ?

Se rendant compte trop tard que cette question est des plus personnelles, elle rougit légèrement et lui fait un grand sourire.

Si c'est le cas, la personne qui vous l'a offerte tient terriblement à vous …

Pas sur la même longueur d'onde...eh bien c'est ce qu'il conviendrait de penser si vous souhaitez toujours être prise Aléatha.

Il détourne ses yeux des siens...Regard effaré et blessé qui ne cesse de l'oprimer. La situation devient de plus en plus étouffante. Il lui faut prendre l'air, se changer les idées. Sans doute sont-ce les nombreuses entrevues de la veille qui l'ont épuisé. Il n'a plus la tête à se justifier, et il le regrette. Il n'a pas envie de la voir partir sans son contrat en main.

Elle attendait cet entretien...alors que moi je le craignais.

Jeune fille intraitable et usant des plus anciennes petites leçons de charme, Aléatha jouissait constamment de son image véhiculée par le Printemps. Mais aujourd'hui la donne était différente. Elle avait à faire face à cet homme, parfaitement épinglé dans un costume de marque, et maîtrisant aussi bien qu'elle, si ce n'est pas mieux, l'art subtile de la séduction.

Ce matin, j'ai bu mon café, et j'ai feuilleté la Gazette. Sans prévoyance aucune, ni quelconque anticipation, je me suis présenté au Ministère dans le but de vous rencontrer. Nous sommes l'un en face de l'autre...Vous parlez, je vous écoute...Nous nous observons, et je pense à la réunion à venir.

Je me dis exactement: "Mon pauvre Edward, tu as là devant toi la plus tétue des jeunes filles, mais pas de chance, tu la vois comme la pièce manquante du puzzle de ton esprit farfelu...

Reconnais-le!

J'en conviens, vous pouvez parfois paraître hautaine, mais n'allez pas me faire dire ce que je n'ai pas dit. Je sais ô combien, vous et Cerise êtes des jeunes filles matures et sensées. C'est pourquoi je ne m'inquiète pas pour votre réussite. Qu'elle se fasse à deux ou seule d'ailleurs. Vous avez toutes les deux des caractères très différents que je prendrai plaisir à comprendre et à supporter.

Un rire tonitruant et amical s'étouffe dans un dernier soupire. Il détourne son regard pour se concentrer un instant sur le paysage qui s'anime au délà de la monture des fenêtres. Il fait beau malgré la saison...Il pense alors à poursuivre la conversation avec elle à l'éxtérieur. Sans doute seraient-ils mieux au grand air. Et qui sait? Peut-être le soleil calmerait-il les ardeurs de la jeune Quindiniar.

Elle interrompt les rêveries de l'homme au regard amène, et retrouve l'autoroute de l'enthousiasme qui la conduira tout droit à la réussite. Toujours plus haut, toujours plus fort...Aléatha poursuit son petit bout de chemin.

Complètement stupide cette expression...

Exaspéré par ses pensées, puis ravi par la nouvelle facette de la jeune fille qui se dévoile à lui, Edward termine gêné par l'ultime question qu'elle lui pose.

On ne me l'a pas offerte...Enfin, je dirai plutôt que c'est le destin qui me l'a confiée. Elle m'est revenue de droit après la mort de l'aîné de mes frères. Cette pierre représente le savoir et le succès de ma famille. Sa couleur a été choisi par un très vieil ancêtre pour symboliser aussi bien les étalons de nos écuries, que les pommiers de nos vergers...

Je ne sais même pas pourquoi je vous raconte tout ça...Quelle importance cela a après tout?

Il délaisse les prunelles brillantes et très...violettes d'Aléatha, pour plonger quelques secondes le bleu de ses yeux dans celui de la pierre, éclatante et lourde de souvenirs.

Il détourne son regard et à nouveau il lui donne l'impression de se moquer d'elle. A-t-elle été trop honnête ? Sous ses manières de dandy il singe ce qu'elle vient de dire, glissant presque que, alors qu'il est là avec elle, il pense déjà à ce qui viendra sans aucun doute égayer sa journée plus que cette entrevue insignifiante, une réunion avec des gens beaucoup plus intéressants probablement.

Aucune prévoyance, aucune anticipation, je ne suis qu'un rendez-vous parmi tant d'autres.

Elle relève le menton et s'apprête à lui asséner ses quatre vérités : des comme lui, elle en a déjà côtoyé des dizaines, qui se sentent à l'aise en société parce qu'ils ont ce petit costume parfaitement coupé, cette gueule d'ange et ces manières au raffinement presque aristocratique. Et elle n'en a fait qu'une bouchée. Alors qu'elle s'apprête à hypothéquer pour de bon ses chances de remporter son contrat, il vient lui parler de puzzle. Elle suspend ses paroles et écoute, stupéfaite. Elle parvient tout juste à articuler.

Oh, vous envisagez de me supporter au delà de notre rendez-vous ? Vous êtes sérieux ?

Elle attrape une de ses mèches de cheveux qui a glissé de son chignon et qu'elle se remet à tortiller nerveusement autour de son doigt. Surtout que la suite des propos d'Edward ne sont pas forcément faits pour la mettre beaucoup plus à l'aise.

Je suis vraiment désolée pour votre frère. Il est évident que vous préféreriez plus que probablement que cette chevalière ne soit pas à votre doigt. Il n'empêche qu'elle est sublime et que c'est un bijou d'une valeur inestimable à n'en point douter.

Monsieur Numenor, vous allez bien ? Je suis confuse, je n'aurais sans doute pas du vous parler de ce qui ne me regarde pas.

L'émotion est là... Au bord des paupières, elle n'attend que de pouvoir s'écouler sur ses joues. Mais la situaton bien trop gênante, l'empêche de se relacher et de montrer à la jeune Quindiniar ce qu'il ressent réellement.

Bien entendu. Je vais bien, ne vous en faites pas.

Mais que s'imagine-t-elle? Je ne peux lui raconter ce qui s'est passé, et elle le sait aussi bien que moi. Alors sa compassion est vaine.

Il tente de sourire, mais ne parvient en fait qu'à afficher une sorte de grimace niaise...Quelques secondes sans qu'aucun des deux ne dise mot, puis il revient enfin sur ce qu'elle avait glissé un peu plus tôt.

En effet vous avez su comprendre ce qu'il y avait à comprendre. Aléatha, si vous le désirez toujours, je suis prêt à vous prendre dans mon équipe. Sous réserve bien entendu que vous validiez vos ASPIC's, mais à ce propos je ne me fais pas trop de soucis.

Il rit de bon coeur, se lève, puis la rejoint pour lui faire comprendre qu'il allait tout doucement être l'heure pour elle de retrouver les murs rassurants de Poudlard.

Mademoiselle Quindiniar, nous sommes appelés à nous revoir à l'Ordre bien entendu, mais sachez que vous aurez de mes nouvelles avant cela. Je compte organiser une première réunion dans les semaines qui viennent. Ce sera l'occasion pour vous de découvrir les nouvelles personnes avec lesquelles vous aurez à travailler.

Le silence devient gênant et Aléatha se sent complètement gauche, debout dans ce bureau raffiné face à un trop plein d'émotions de la part de cet homme qu'elle ne connaît pour ainsi dire pas. Il détourne son regard embué de larmes qu'il se force à contenir.

Par l'Ancêtre, je n'aurais jamais dû parler de cette pierre ! Me voilà dans de beaux draps ... Je ne suis déjà pas douée à la base pour parler aux gens que je connais, mais alors là, un parfait inconnu et qui plus est mon futur patron ... Fausse alerte, il n'a pas l'air de vouloir en parler non plus. Et c'est tant mieux, je ne suis pas Mère Thérésa !

Aléatha s'accroche à ce sourire qui se veut rassurant mais qui a surtout une apparence niaise. Dans le jeu "je prétends, tu prétends, nous prétendons", il prétendra qu'il va bien, elle prétendra qu'elle le croit. Et c'est très bien comme ça, son sens de la compassion n'est pas franchement ce qu'on peut appeler légendaire.

Très bien, je m'en serais voulue de vous avoir mis mal à l'aise à cause de mon amour immodéré pour les pierres et de faire ainsi débuter notre relation professionnelle sur de mauvaises bases. Pour mes ASPIC's, je ne veux pas crier victoire trop vite mais je ne me tracasse pas trop. J'ai beaucoup travaillé pendant l'année et j'ai bon espoir d'empocher des notes tout à fait satisfaisantes.

Il se lève, lui signifiant que l'entretien touche à sa fin, ce qui lui convient fort bien. Elle lui tend la main qu'il prend pour la baiser de façon tout à fait protocolaire.

Et bien, Monsieur Numenor, je vous remercie pour cet entretien qui fût fort constructif pour moi. J'attendrai de vos nouvelles pour cette fameuse réunion. Sinon, nous nous reverrons à l'Ordre ... Là où il est inutile de préciser que mon père n'imagine pas un seul instant ma présence ...

Au revoir !

Sur un dernier sourire charmant, elle sort de la pièce et du Ministère, profitant de cette escapade pour une petite ballade dans le Londres de la mode.