A GARDER L'Apothéose violente de la Belle...

Leur rendez-vous improvisé devait s'étendre sous l'épais feuillage de la forêt interdite. Quel meilleur endroit pour partager quelques mots entre adultes consentants?

Il lui fallait faire vite, elle allait sans doute s'impatienter, ou alors était-elle tout aussi en retard que lui...

Il filait droit entre les ronces et les liserons qui recouvraient le sol. Sa cape en prenait un sérieux coup, à plusieurs reprises elle s'était accrochée aux épines qui se trouvaient sur le passage du jeune Auror. Cela lui avait même valu de tomber promptement parmis les herbes folles. Il n'avait plus le temps de se réarranger, il reprenait sa course, les joues teintées par la poussière, les cheveux ébouriffés et la cape à moitié éventrée.

Il arrivait enfin à l'endroit qu'elle lui avait indiqué. Un rapide coup d'oeil mais aucune dame à l'horizon...

Noxis venait d’arriver dans la petite clairière. Elle n’était pas une habituée des promenades dans la forêt interdite, loin de là. Mais le choix de cet endroit émanait de cette étrange demande d’Evan.

« Je désirerais vous voir à la Forêt Interdite ».

Message court, bref, intriguant. Pourquoi voulait-il la voir ? Pourquoi dans cet endroit ?

« Indiquez moi le lieu exact et l’heure, je vous y rejoindrai ».

Quoi de mieux que cette clairière à l’abri des regards, dominée par des arbres immenses, entourée de ronces décourageant les promeneurs ? En son centre, un très ancien banc de pierre. Noxis s’avance tout doucement, à l’écoute des bruits de la forêt et cherchant du regard la présence d’Evan. Qui arrive en même temps qu’elle de l’autre côté de l’espace, échevelé, ses joues d’ordinaire si pâles colorée par sa course, sa cape ayant connu des jours meilleurs. Elle lui sourit et s’approche du banc de pierre.

Bonjour Evan.

Enfin elle apparaissait parmi les branches des arbres qui bordaient le côté opposé de la clairière.

Miss Clymox! J'ai bien cru un instant que vous ne viendriez pas.

Il s'avança, passa rapidement sa main dans son épaisse chevelure, et réajusta maladroitement sa cape.

L'endroit est plutôt insolite et inhabituel pour se rencontrer, mais vous comprendrez vite pourquoi je vous ai convié ici sans plus de précisions.
Pour lors, vous prendrez bien un petit verre de cognac? Il ne fait pas très chaud et le temps que je vous explique la raison de cette rencontre, nous pourrions prendre froid.

Il s'assit sur le vieux banc de pierre et murmura quelques mots qui eurent pour effet de faire apparaître une vieille bouteille poussiéreuse et deux petits verres en cristal.

Je ne sais pas si le cognac mûrit avec l'âge mais qu'importe? Je n'ai pas besoin d'autre chose pour me réchauffer.

Il lui sourit et lui tendit d'un geste assuré, son verre.

Miss Clymox ? C’est comme ça qu’il m’appelle maintenant ? Soit … Qu'est ce que j'imaginais au juste ?

Effectivement, l’endroit est pour le moins insolite … Mais vous avez vos raisons j’imagine ? Et comment avez-vous pu croire que je ne viendrais pas ? Vous deviez bien savoir que votre demande m’intriguerait au plus haut point et que pour rien au monde je ne laisserais ce mystère irrésolu … Je suis plutôt prévisible vous savez.

Elle sourit à nouveau en le voyant réajuster sa mise et tend la main pour prendre le verre qu’il lui tend, prenant place à ses côtés sur le banc, tout en offrant son visage aux quelques rayons du soleil qui parviennent à percer la cîme des arbres.

Allons pour le cognac ! Je vous ferai un jour goûter la vodka de chez moi… Un verre de ce liquide et quelques rayons volontaires de soleil, il n'y a rien de tel pour se réchauffer.

Si je vous suis bien, nous allons passer un moment tous les deux ici et vous avez de longues explications à me donner ?

Il rit un instant et reprit la parole.

Longues je ne sais pas, mais j'ai une idée en tête et je me disais que peut-être ça vous tenterait de vous joindre à moi.

Il rit de plus belle avant de poursuivre.

Vraiment, vous devez me prendre pour un fou.
Je ne vais pas vous faire attendre plus longtemps. En réalité, je meurs d'envie de me mesurer à vous.

Il posa son verre, reprit celui qu'il avait donné à Noxis et se leva.

J'ai entendu dire que vous étiez une excellente archer et j'aimerais savoir si vous maniez l'épée aussi bien que votre arc.

Ses yeux s'animaient d'une inhabituelle lueur flamboyante et il parlait tout en étant habité d'une étrange vivacité.

Bien sûr c'est un duel amical que je vous propose là, et vous êtes en droit de refuser d'ailleurs. Mais j'ai pensé à vous car vous êtes une redoutable chasseuse et vos combats sont dignes des plus sages sorciers qui aient foulé cette humble terre.

Noxis fronce les sourcils en l’observant rire comme un possédé.

J’ai dit ou fait quelque chose de drôle ? Le cocasse de la situation m’échappe clairement ! Et me … joindre à lui ?

Elle lui laisse prendre son verre des mains, curieuse d’entendre la suite de ses explications qui ne tardent pas à venir et à l’étonner plus encore, tout comme la lueur qui brille maintenant dans son regard.

Vous mesurer à … Mais … Evan, je …

Elle se lève à son tour, lissant les plis de sa robe et se mordillant la lèvre.

Je n’ai pas touché une épée depuis des années moi ! Enfin, ça doit revenir rapidement … Et … ça peut être amusant … Il faut que je me déride un peu tout de même de temps en temps !

C’est d’accord ! Mais vous devez savoir que si je m’entraîne encore régulièrement à l’arc, je n’ai plus touché une épée depuis de longues années. Sans compter que vous me faites une réputation pour le moins surfaite ... Je ne suis pas la chasseresse implacable ni la duelliste hors pair que vous décrivez.

Et une nouvelle fois, la charmante Noxis Clymox s'éloigne des compliments que je me risque à lui glisser sous quelques mots.

Il s'approcha d'elle et avec beaucoup de familiarité il entreprit de détacher le lacet qui retenait la cape de la sorcière.

Je crois qu'il ne faut pas s'encombrer de telle parure pour me combattre.

Tout en s'éloignant de la jeune femme afin de lancer la bataille à une distance réglementaire, il énonçait quelques principes à respecter.

Le vainqueur sera celle ou celui qui maîtrisera l'autre en menaçant sa gorge de sa lame.
Bien évidemment nous n'userons pas de la magie lors de ce combat qui restera purement physique.

Il se tourna et Noxis put voir l'étrange expression qui marquait le visage du jeune Auror. Son regard innocent et son faible sourire étaient en contradiction avec toute la tension et toute la force qui animaient ses gestes.

Bonne chance, petite reine.

Avis Gladius

La baguette du jeune Auror s'élongea et s'affina. Il avait à présent entre les mains, une incroyable épée byzantine. Courbée et acérée, elle refletait violemment les rayons du soleil et éblouissait son nouveau porteur.

Noxis n’en croit pas ses yeux : avec une familiarité qu’elle ne lui aurait jamais devinée, Evan vient de lui ôter sa cape qu’il laisse glisser au sol. Elle reste tout à fait interdite un moment avant de se reprendre, de ramasser la cape et de la déposer sur le banc, en profitant pour remettre ses idées en place.

Décidément, ce rendez-vous risque de me surprendre plus que je ne l’imaginais … En même temps, il a raison, je vais déjà être encombrée plus qu’il ne le faut avec ma robe. Il aurait pu tout de même me donner quelques indices qui m’auraient permis de m’habiller de façon plus pratique ! Enfin soit. Tant pis…

Entretemps, il s’est éloigné de quelques pas, lui rappelant les règles d’un duel à l’épée et la regardant de cet air angélique, tout à fait à l’opposé de ce que sa proposition de combat pourrait pourtant laisser présager. Noxis admire l’épée qu’il vient de faire apparaître à la place de sa baguette et réfléchit rapidement à l’épée qui lui conviendra le mieux. Elle opte finalement pour une épée longue, une claymore à la lame d’acier trempé couverte d’arabesques et à la poignée de bronze incrustée de pierres précieuses. Parfaitement équilibrée grâce à la magie, mais moins lourde que les épées similaires avec lesquelles elle s’entraînait autrefois.

Bien évidemment, combat purement physique … J’espère que je ne vous décevrai pas trop, Evan.

Noxis venait à peine de faire apparaître son épée qu'elle l'empoignait déjà avec conviction.

Diable quelle élégance.

Sans hésiter, Evan lui fondit dessus. Dans un élan de rage contenue, il accélèra et tendit son épée le long de son bras afin de préparer son attaque.

Les gestes s'enchaînaient déjà, le premier coup avait été porté par Noxis qui s'était engagé la première pour tenter de dissuader Evan de s'élancer ainsi sur elle.
Ils étaient précis dans leurs mouvements et leur vivacité ne leur laissait guère de temps pour rendre le combat plus majestueux.

Lui était presque barbare dans la force et la puissance des coups qu'il lui assenait. Alors qu'elle misait plus sur la précision et la maniabilité de son arme pour contrer efficacement les coups de son adversaire.

Eh bien! Vous êtes bien plus coriace que ce à quoi je m'attendais Noxis.

Noxis a à peine le temps d’assurer sa prise sur la claymore qu’Evan lui fonce dessus, stoppé net par une rapide esquive tout en tourbillon de tissus et de cheveux.

Et encore un handicap ! Au diable, pourquoi ne les ai-je pas attachés aussi ? Enfin, on ne peut pas dire qu’il m’ai laissé beaucoup de chances pour le faire ! Mais une Clymox ne se déclare pas facilement vaincue, vous l’apprendrez à vos dépends jeune Auror !

Le combat est engagé, force brute de la part d’Evan, souples esquives de la part de Noxis. C’est là qu’elle réalise combien son entraînement est lointain, elle n’arrive à aucun moment à percer la garde d’Evan, à approcher le bout de sa lame de moins d’une dizaine de centimètres de son corps. Les joues rougies par l’effort, elle commence d’ailleurs à s'essouffler, les échanges se suivant à une allure forcée.

Et on ne peut pas dire que vous me ménagiez le moins du monde, Evan !

J'en conviens. Mais à quoi bon se battre si ce n'est pour se fatiguer?

Il reprit la bataille. Noxis tentait toujours de prendre le dessus en essayant une première attaque, mais Evan s'empressait de la surpasser en accroissant la rapidité de la lutte.

Va-t-elle enfin finir par se fatiguer?

Les deux corps n'en pouvaient plus, ils en étaient arrivé à un point tel qu'il leur était tout à fait impossible d'aller toujours plus vite. L'un des deux allait devoir s'avouer vaincu.

L'action décisive s'était déroulée en un éclair. Dans un dernier effort, Evan avait poussé Noxis de son puissant buste et la belle ne put accuser le coup qu'en reculant de quelques pas. Il en profita alors pour placer sa lame entre lui et la douce gorge de son adversaire.

Nous y sommes.

Les deux restaient ainsi, ne bougeant plus et tentant veinement de retrouver un rythme cardiaque et respiratoire normal.
Il la fixait de son regard vif et enjôleur alors qu'il la retenait fermement contre le tronc d'un des arbres qui bordait la clairière.

Il se risqua à lui offrir un baiser en posant ses lèvres à la commissure des siennes.

Tourner, pointer, stopper sa lame, tenter une percée … Encore et encore … Noxis n’en peut plus et ses membres tremblent à présent sous l’effort soutenu auquel Evan la soumet. Elle est sur le point de déclarer forfait lorsqu’une violente poussée lui fait perdre son équilibre, la fait reculer de plusieurs pas et l’adosse à un arbre en lui coupant le souffle pour de bon. Et le bout de l’épée d’Evan est là, sur sa gorge, mettant fin pour de bon au combat.

Mais quelle brute ! Voilà qui était tout à fait tirer avantage de sa force ! Mais il me faut l’admettre, je n’aurais plus été capable de me défendre de toute manière.

Le souffle court, elle est incapable de bouger sous la poigne de fer qui la maintient contre l’arbre. Le regard enjôleur d’Evan la trouble et elle est sur le point de lui faire remarquer qu’il pourrait la lâcher quand l’improbable se réalise. Tellement vite qu’elle n’est même pas certaine que ça ait vraiment eu lieu. Pourtant, la brûlure est bien là, au coin de ses lèvres. La surprise est à son comble dans le regard vert à présent fixé sur le visage du jeune homme. Elle murmure :

Je crois que vous avez gagné.

Remarque idiote vu la position dans laquelle elle se trouve, mais pourtant seule suite de mots logique qui lui vienne à l’esprit et qu’elle soit capable de débiter.

C’est impossible … Et maintenant je fais quoi ? Je lui fais remarquer aimablement qu’il m’étouffe ? Je le gifle ? Je … Oh Seigneur, je n’ai rien vu venir !

Elle laisse tomber son épée sur le sol et pose sa main sur sa nuque qu’elle attire d’une légère pression, approchant ainsi ses oreilles de sa bouche.

Est-ce ainsi que vous récompensez vos victoires ? Prenant de droit ce que vous estimez vous appartenir ?

Vous apprendrez Noxis que je n'ai pas pour habitude d'attirer ainsi les jeunes femmes au milieu des bois. Et encore moins de les y convier pour leur proposer un duel.

Il murmurait ces quelques mots à son oreille.

Mais vous n'êtes pas n'importe quelle jeune femme, voilà ce qui explique peut-être la chose.

Et cette audace qui n'a pas dû vous échapper.

La position était inconfortable. Le jeune homme relâcha l'emprise qu'il avait sur elle et il laissa son arme glisser au sol. La chaleur des mains de Noxis formait comme une étreinte autour du cou de l'Auror et cela ne l'aider pas vraiment à s'éloigner d'elle.
Devait-il regretter ce geste ou était-il survenu au bon moment, au bon endroit?

Il ne doutait pas de la sincérité de ce baiser, mais sans doute était-il précipité, voire disproportionné par rapport à ce qu'il ressentait pour celle qui se tenait face à lui.

Tout comme elle, il laisse glisser son arme au sol et la relâche un peu, lui permettant de reprendre une bouffée d’air correcte. Sa main toujours sur sa nuque, elle l’écoute en souriant lui souffler les quelques paroles et lui répond de la même façon, reprenant à présent ses esprits :

Vous apprendrez Evan que je n’ai pas pour habitude de me laisser attirer ainsi par de jeunes hommes au milieu des bois. Et que les duels ne sont pas mes occupations les plus communes non plus. Surtout lorsqu’ils se terminent de telle façon. Quant à savoir si je suis n’importe qui… Vous n’êtes pas vous-même le stéréotype du parfait dandy qui fera une cours classique et romantique à une demoiselle en manque de récits épiques. Soit, c’est probablement la raison pour laquelle vous êtes toujours en un morceau et moi toujours dans cette position des plus troublantes. Dois-je considérer que ce frôlement de vos lèvres sur les miennes était un pur fruit du hasard ou de mon imagination ?

Son sourire s'accentue, le regard perdu au loin et son dos parcouru de picotements à la sensation du souffle d'Evan dans son cou.

Le fruit de son imagination? Diable non...

Une nouvelle fois il approcha ses lèvres de celles de Noxis et y déposa un délicat baiser. Plus long, plus doux, plus sincère, celui-là n'avait rien à voir avec le premier.

Je pense qu'on ne peut plus parler de hasard à présent.

Il ne savait pas très bien si ce qu'il faisait était l'exacte traduction d'un désir conscient ou si c'était un geste innocent?
Non cela ne pouvait plus rien avoir d'innocent. Evan en avait forcément eu envie pour oser le refaire une seconde fois.

Sans savoir si c'était ce qui convenait à Noxis, il l'enveloppa de ses bras puissants et la laissa reprendre son souffle. La joue collée au front de la belle, il prit conscience que cela faisait bien longtemps qu'il n'avait pas approché quelqu'un de si près. C'en était presque réconfortant, de pouvoir se dire qu'au moins une personne sur cette Terre ne le fuyait pas comme s'il était une sorte de marginal sans âme ni coeur.

Le temps a suspendu son cours dans la clairière. Un tendre baiser, l’improbable rencontre de leurs lèvres, la douceur de cette étreinte que Noxis savoure en fermant les yeux. Evan l’entoure de ses bras, s’imposant dans son intimité mais elle ne le repousse pas. Au lieu de ça, elle laisse son corps se détendre après le violent effort du combat, reposant son visage sur l’épaule de l’homme, le front contre sa joue, l’esprit serein comme il ne l’a plus été depuis bien longtemps. L’impression d’avoir enfin atteint un port où elle pourra faire escale pour déposer ses fardeaux devenus bien trop lourds après toutes ces années de solitude.

Une légère brise se lève, venant troubler l’harmonie de ce moment de sa fraîcheur. Noxis remue légèrement, relevant son visage pour embrasser la joue d’Evan. Le doute s’immisce dans son esprit tel un venin. Et si tout ceci était calculé ? Non ! Elle ne veut pas penser à une chose pareille. Le moment est trop précieux pour le gâcher par des pensées parasites que rien dans le comportement d’Evan n’a induit ! Elle enfouit sa tête au creux de son cou, soupirant dans un murmure.

Si j’ouvre les yeux, serez-vous toujours là ?

Plus sereine, la belle enfonça son visage dans le cou du jeune homme et lui glissa quelques mots. Sans même l'ennuyer dans son repos, il lui répondit de sa voix grave et tendre.

Alors que vous craignez d'ouvrir les yeux, moi je reste là à vous contempler...

J'ai peur de ne plus vous retrouver Noxis...

Mais ne les ouvrez pas, c'est sans doute mieux ainsi.

Doucement, il leva le bras, et comme pour l'adjurer de ne pas se réveiller, il laissa glisser ses doigts sur les paupières et les lèvres de celle qu'il protégeait. Ses mains entamèrent alors une lente descente de sa nuque à ses hanches. Evan n'avait pas l'habitude de tenir de telle manière une femme, et pourtant les caresses étaient délicates et habiles.

Calor

Sans tressaillir, l'Auror développa entre ses mains un faible foyer. Ses paumes prirent petit à petit une vive teinte orangé, ses doigts et le brasier ne formaient alors plus qu'un. Il plaça cette fragile source de chaleur entre elle et lui et de l'autre bras il la serra davantage contre son buste.

Alors que cette flamme est éphémère, l'intérêt que j'ai pour toi est intarissable...

Le changement qui s'opérait était imperceptible, voire invisible. Désormais il la tutoyait et c'était en somme un progrès phénomenal pour celui qui n'eut de cesse de se marginaliser.

Elle s’apprête à ouvrir les yeux pour observer de plus près celui qui est parvenu à percer ses défenses, lorsqu’il caresse ses paupières leur intimant de rester closes. Ses doigts poursuivent leur chemin jusqu’à ses lèvres qui s’entre-ouvrent légèrement pour laisser passer un soupir. Une agréable chaleur l’envahit lorsque ses mains relâchent ses épaules et descendent le long de son dos.

Non, je veux vous voir, moi aussi ! Je ne peux pas rester l’objet de votre contemplation, voilà qui serait par trop prétentieux vous ne trouvez pas ? Ou seulement un objet sans volonté propre, ce qui ne me ressemble pas plus.

Après ces mots, deux prunelles émeraude se fixent sur le regard de sang d’Evan qui l’attire davantage contre lui alors qu’elle veut continuer à le regarder. Pas que cela lui déplaise, toute troublée qu’elle puisse être. Ce mouvement rapproche une fois de plus leurs visages qui ne sont plus qu’à quelques millimètres l’un de l’autre. Un rapide battement de cil montre qu’elle a entendu sa dernière remarque.

Il s’intéresse à moi ? Et bien entendu, je n'ai rien remarqué qu'un intérêt poli ...

Leurs lèvres se joignent à nouveau, Noxis sentant la passion retenue si longtemps couler à nouveau dans ses veines. Ce qu’elle se refusait à espérer a pourtant lieu et elle a le droit d’être actrice dans cette scène qui se déroule dans la clairière. Lorsqu’ils se séparent, un franc sourire illumine son visage, ses yeux pétillent de malice. Elle le repousse et se penche pour ramasser sa baguette.

Tu me sers un peu fort, ce n’est pas beau d’abuser ainsi de sa force physique.

Avis dagus

En un instant la baguette s’est transformée en une dague a la fine lame bleutée que Noxis place sur la gorge d’Evan.

Mmm, finalement … Je n'aime pas perdre ...

Si diabolique pouvait être Noxis, elle demeurait la plus charmante des chasseresses!

Elle profita de l'instant de faiblesse d'Evan pour user de la magie et reprendre l'avantage dans le combat qu'il s'était efforcé à remporter quelques minutes plus tôt.

J'ai le malheur de baisser ma garde le temps d'un baiser, et voilà dans quelle situation facheuse je me trouve...

A la place d'un soupir, Evan émit un rire étouffé.

Je ne pense pas qu'il soit noble d'agir de telle manière avec un Auror.

Il s'avança alors comme pour lui offir un nouveau baiser, mais le contact glacial de sa gorge avec la lame acerée de la Belle, lui rappela la mauvaise posture dans laquelle il était.

Combien de temps compte-tu me menacer ainsi? Si je te déclare vainqueur alors peut-être me laisseras-tu enfin profiter de ce que j'avais gagné...

...ou toi de ce que ta victoire t'accorde...

Il lui sourit et la regardait de ses yeux emplis de panache.

La dague bleue sur la peau blanche, ce morceau de métal qui n’est pas ce qu’il paraît, Noxis le garde bien fermement entre eux, dessinant des petits motifs avec la pointe et dévorant Evan du regard, l’air très sérieux.

Imaginons que je ne sois pas celle que tu crois … Alors, tu n’aurais pas dû baisser ta garde mon bel Auror, car te voilà à ma merci. En plus, qui a dit que je voulais agir avec noblesse ? Et me pousser brutalement comme tu l’as fait, m’étouffer à moitié, était-ce très noble ? Peut-être ne dois-tu ta victoire qu’à cet acte de barbarie extrême finalement ? A moins que je ne t’aie délibérément laissé gagner dans le but inavouable de goûter à tes lèvres si tu osais m’embrasser ?

Par une pensée, elle redonne à sa baguette sa forme initiale et la glisse dans la manche de sa robe. Elle se baisse à nouveau et ramasse la baguette d’Evan, qu’elle lui tend.

Mais je suis celle que tu crois, enfin, je le pense. En tous cas, je serai toujours Noxis et je suis contente que tu aies gagné et que tu te sois accordé ta … récompense. Mmm …si tu m’en disais tout de même plus sur ce que ma victoire m’accorderait dans l’éventualité où je voudrais que tu me déclares vainqueur ?

Un sourire espiègle se dessine sur ses lèvres lorsqu’elle lui effleure la joue avant de glisser sa main dans la sienne et l’attirer vers le banc pour récupérer sa cape.

Elle était si crédible dans ce rôle de tyran...Noxis, une légitime descendante de Méphistophélès, si diabolique qu'elle avait réussi à faire douter Evan. Il ne bougeait plus. Il l'écoutait simplement l'enfoncer de plus en plus. L'idée qu'elle n'avait rien désiré de tout cela, transcendait ses paroles provocantes.

Et enfin il se relachait. Elle lui confirmait dans un souffle qu'elle était bien celle qu'il croyait, et elle le saisit par la main afin de le tirer vers le banc.

Diable, ne me refais jamais cela! J'ai bien cru un instant que ce baiser n'avait aucune valeur à tes yeux.

Son visage s'habillait d'un sourire espiègle.

Ohhh oui je te vois venir avec ce genre de mine...N'essaye pas de te faire pardonner.

Si tant est que tu aies quelque chose à te faire pardonner.

Il l'arrêta et la saisit par les hanches.

Accio Cape!

La cape en organsin noir de Noxis arriva jusqu'à eux. Il lui passa délicatement au dessus des épaules et l'entoura chaudement. Il l'embrassa dans le cou et lui reprit la main pour se diriger timidement vers le château.

En toute logique ta victoire te permet de jouir de moi. Mais j'estime qu'il serait préférable qu'on ne te déclare pas trop vite vainqueur, si on ne désire pas me retrouver en piteux état.

Il lui adressa un clin d'oeil et s'enfonça à ses côtés dans la forêt, faiblement éclairée par les rayons de la lune.

Noxis éclate de rire en voyant la mine dépitée d’Evan.

C’était pour m’avoir poussée si indélicatement tout à l’heure !

Mais lorsqu’elle l’entend parler de la valeur de leur étreinte, elle se mord la lèvre et redevient tout aussi vite sérieuse.

Détrompe-toi, tu ne peux pas savoir combien j’aspirais à une telle conclusion de notre rencontre, sans jamais imaginer qu’elle puisse vraiment avoir lieu en réalité.

Elle le laisse à nouveau l’attirer à lui et apprécie la douce chaleur de sa cape, l’atmosphère s’étant sensiblement rafraîchie. Un frisson la parcourt néanmoins quand ses lèvres se posent dans son cou.

Et comment peux-tu prétendre que je sois diabolique lorsque tu fais toi-même des choses qui me laissent totalement désarmée ? Comme si j’allais te détruire en t’utilisant à des fins machiavéliques ! Non, non, c’est très mal me connaître ! Mais à toi d’avoir la patience pour découvrir tout cela.

Heureusement alors que je sois plutôt patient, parcqu'à mon avis tu vas m'en donner du fil à retordre.

Il lui fit alors un clin d'oeil comme s'il cherchait à lui faire comprendre qu'il était entrain de la taquiner.

Ils s'enfonçaient de plus en plus dans les bois et Evan commençait sérieusement à se demander s'ils étaient sur le bon chemin.

Tu sais j'ai bien réfléchi à nous deux... Enfin je ne veux pas dire que j'avais tout prémédité mais plutôt que l'idée me trottait dans la tête depuis quelques semaines.

Il s'arrêta et lui fit face, le moment semblait solennel.

Je ne sais pas s'il serait judicieux de nous montrer en couple à Poudlard. Non pas que j'ai honte de m'afficher avec toi, mais simplement qu'à la vue de nos fonctions respectives, il serait plus raisonnable de garder ça pour nous. Au moins le temps que j'asseye ma position en tant qu'Auror.

Il lui sourit et cherchait à la rassurer. Evan ne faisait pas cela pour reculer dans son couple, mais souhaitait au contraire protéger leur relation.

Toi tu es patient ? Tiens, c’est amusant, ce n’est pas du tout l’impression que tu m’avais donnée lors de notre première rencontre. Tu te souviens ? Aux Trois Balais ... Oh si tu savais comme je m’en suis voulu à ce moment là. Tu avais eu le malheur de me toucher, chose que je n’aime pas particulièrement. Enfin, laisse-moi rectifier : je n’aime pas que les gens que je connais à peine s’approchent trop de moi, ne saute pas immédiatement sur la conclusion que tu dois garder tes distances ! Voilà qui me désolerait !

Ils avancent tous les deux et peu à peu une impression de « déjà vu » s’installe. La pesante sensation de tourner en rond … Elle en est à ces pensées lorsqu’il s’arrête et lui assène une idée à laquelle elle n’avait pas du tout réfléchi. Elle pâlit légèrement, ou est-ce un jeu de la faible lumière émise par les volontaires rayons de lune qui parviennent à percer l’obscurité grandissante ?

Tu ... préfères que nous nous cachions ?

Oh Seigneur, j’ai passé l’âge de ce genre de cachotteries moi ! Je suis en droit d’afficher mes sentiments comme bon me semble, capable d’assumer mes choix. A moins … qu’il ne regrette déjà ?

Bien entendu, je comprends tes arguments …

Mais … Et bien vas-y, dis le ! Autant en avoir le cœur net, il ne sert à rien d’attendre et de réaliser que vous vous êtes trompé dans une semaine, dans un mois.

Fierté ? Crainte ? La question ne franchit pas ses lèvres.

Tu penses réflechir en silence mais ton regard pleure tes doutes. Parles moi! Je ne veux pas qu'il y ait de malentendu entre nous.

Son visage s'accabla. Il détourna ses yeux et fixa le sol comme pour contenir sa colère.

J'aurais dû me douter que cela n'allait pas te plaire... Non, au lieu de ça, moi, je parle et je t'impose ce qui me semble être le plus juste pour nous deux.

Machinalement, il s'agenouilla. Ses mains lachèrent celles de Noxis et finirent leur course dans l'épais matelas de feuille morte qui recouvrait le sol.

J'ai l'impression de prendre la mauvaise direction. Comment puis-je déjà me tromper? Suis-je si maladroit que cela? Ou peut-être ne suis-je qu'un égoïste fini...

Il ne devait pas se laisser aller aux lamentations. Après tout, quelle sorte de femme serait capable d'aimer un homme tourmenté? Il comprit ceci et c'est pourquoi il ne restait pas plus longtemps sur le sol.

Ecoute! Si tu préfères qu'on ne prenne aucune disposition et que nous vivions notre histoire au jour le jour sans même nous soucier de notre entourage, alors je te suivrai.

Il leva le bras et passa délicatement sa main dans les cheveux de celle qui lui faisait face.

Je ne veux surtout pas nous imposer ce qui peut te sembler être une contrainte.

Lentement, il s'avança vers elle pour poser ses lèvres sur son front, et l'inviter à poursuivre leur route.

» A GARDER LES TRIBUNES !