Ce matin là ... [Pv Erell]

Ce matin là, Adam était de bien fort mauvaise humeur. Une nuit exécrable venait de se terminer. Les claquements permanents des gouttes et du vent sur le toit de l’auberge où il avait passé la nuit avaient refusé de s’estomper en simple bruit de fond. Il avait ramené le vieux couvre lit délavé au dessus de sa tête et y ajoutai plus tard l’oreiller. Rien n’y fit, il ne s’assoupit pas avant minuit, lorsque la pluie finit par se transformer en crachin étouffé. Au matin, sa fenêtre n’offrait pour seul spectacle qu’un épais brouillard et une sensation de claustrophobie grimpa sournoisement en lui. Secouant la tête, il descendit rapidement manger un bol de porridge et avaler verre de jus de fruit, tandis que Tiberius grignoté quelques graines de courge, puis rassemblant ses quelques affaires il s’était rendu au château. Château qu’il venait de parcourir en long en large et en travers avant de rencontrer un fantôme assez aimable pour lui indiquer la Salle commune des « Gryffondors », sa « maison ».

« N’importe quoi. Une maison. Non mais et puis quoi encore. Je ne suis pas venu ici pour me faire des amis que je saches. Et puis, d’ailleurs, à quoi elle sert cette répartition ? Pff, les anglais ont vraiment des idées tordues par moment. Si vous allez à Gryffondor, vous rejoindrez les courageux, les plus hardis et les plus forts... Je ne sais pas quoi il carbure ce vieux chapeau démodé, mais franchement ça en devient risible. »

Tout à ses protestations et médisances intérieures, Adam avait fini par arriver devant le fameux portrait de la grosse dame dont lui avait parlé le fantôme. Portrait qui l’avait d’ailleurs regardé d’un air consterné. C’est sûr qu’il devait avoir une drôle de dégaine avec son jean usé, ses chaussures de marche boueuses et sa cape en feutre raidit par l’humidité. N’étant absolument pas d’humeur à se laisser critiquer par une vulgaire peinture, Adam marmonna le mot de passe en lui lançant un regard sombre. Irritée, la grosse dame avait haussé le menton et lui avait céder le passage d’un air dédaigneux. Il s’était alors engouffré dans la salle commune, qu’il trouva très accueillante à sa grande surprise bien qu’encore vide à cette heure matinale. Otant sa cape, il se laissa lourdement tombé dans un fauteuil devant la cheminée. Il se frotta les yeux puis ouvrit sa sacoche pour que Tiberius puisse enfin se dégourdir les pattes. Ce dernier, en grand paresseux devant l’éternel, n’en fit rien et alla se lover sur l’épaule d’Adam, histoire de finir le petit somme qu’il avait entamé plus tôt dans la mâtiné. Après lui avoir gratté le derrière des oreilles, Adam décida qu’il était temps d’envoyer une lettre à sa mère, sans nouvelle de lui depuis bien longtemps. Il sortit de sa sacoche un vieux bout de crayon en bois et un morceau de parchemin froissé et humide. Puis se mit à écrire.

Il avait plu toute la nuit, sans s’arrêter, l’eau avait tambouriner contre les fenêtres du dortoirs avec force, et plusieurs filles avaient marmonner dans leur barbe, avant de se retourner pour se rendormir. Erell les avait contemplé, amusée, assise sur le rebord en pierre de la croisée, le dos appuyé contre le pan de mur. Une bonne partie de la nuit s’était écoulée, où elle avait regardé la pluie tombée, drue, forte, sans discontinuer. Un jour, sa grand-mère lui avait dit que les morts vivaient dans la pluie. La jeune bretonne avait alors pensé à son frère, à sa grand-mère et une larme avait roulée sur sa joue, suivie d’une autre, qui fut elle-même rejoint par une comparse. Erell, avait senti, impuissante, ses joues devenirs humides, les larmes dévalées son visage, pour aller mouiller son pyjama. Au bout de quelques minutes, les yeux mouillés et piquants, la jeune femme quitta son perchoir et alla se glissa dans les draps. Morphée l’avait accueilli en son sein rapidement, empêchant la bretonne de ressasser plus que nécessaire le passé.

Le lendemain, il était tôt lorsqu’Erell émergea. La majorité des Gryffondor dormaient encore, leurs souffles calmes et réguliers résonnaient dans le dortoir comme une douce mélodie. La jeune bretonne resta un moment les yeux fermés, l’esprit encore endormi, avant de se tirer du lit en douceur. Attrapant ses vêtements au passage, elle se rendit dans la salle de bain, qu’elle occupa une dizaine de minutes environ, pour un rapide passage sous la douche et devant la glace. Son regard s’attarda sur le seul lit vide autre que le sien. Elle soupira et poussa le battant avec douceur, pour ne réveiller personne. Féline, elle glissa son corps dans l’entrebâillement restreint, avant de refermer la porte avec délicatesse, et de traverser le couloir, le pas léger. A en juger par le peu de lumière pénétrant dans la salle commune, il devait tout au plus être six heure et demi et Erell pesta contre elle-même. La jeune bretonne n’avait pas assez dormi cette nuit, et ses fréquentations allaient le ressentir. A commencer par Jinx quand il viendrait la rejoindre dans la Grande Salle pour le petit déjeuner. Haussant les épaules, elle dévala les escaliers en colimaçon et s’arrêta, figée par la surprise. Il y avait quelqu’un assit sur un des fauteuils. Fronçant ses sourcils sous le coup de l’étonnement, la bretonne se dirigea silencieuse vers le garçon. Elle le détailla un peu, avant de s’assoir sur le fauteuil en face du sien, un sourire bienveillant accroché sur les lèvres.

« Bonjour. Je suis Erell. Nouveau ? »

Présentation courte, il est vrai, mais elle ne cherchait pas à faire dans le compliqué et le distingué aujourd’hui. Elle faisait déjà l’effort de lui sourire, c’était déjà beaucoup pour elle qui était de mauvaise humeur. Elle se contorsionna quelque peu, et ses jambes disparurent sous son corps. S’accoudant sur le fauteuil, la Gryffondor darda sur lui un regard éveillé, flamboyant de perspicacité. Elle observa son air renfermé, avant de s’attarder sur son épaule, où une excroissance poilue était visible. Erell afficha un grand sourire amusé quand elle comprit que l’excroissance poilue était un rat.

Adam ne savait pas quoi écrire à sa mère. Cela faisait tellement longtemps qu’il n’avait plus donné de nouvelles, qu’il ne s’étonnerait même pas si elle le croyait mort. Et même si il n’avait pas à rougir des deux dernières années, il ne souhaitait pas non plus les ressasser. Perdu dans la rédaction de sa missive, Adam avait tout de même entendu l’effleurement léger des pas dans l’escalier. Une excellente audition qui lui avait rendu de fiers services lors de ses deux années de cavale à travers l’Europe. Il ne fut donc nullement surpris d’être rejoins dans sa bulle de solitude. D’abord décidé à ignorer l’importun, il ne pu s’empêcher de lever les yeux après avoir vu deux jambes magnifiques passer dans son champs de vision. Se tenait assise dans le fauteuil devant lui une jeune fille fine, grande, à vu de nez 1m70, avec des cheveux bruns qui lui tombent en dessous épaules, des yeux noisettes magnifique bien que cernés et rougis et une bouche parfaitement dessinée. Mais ce qui attirait immédiatement le regard c’est sa faussette au menton qui lui donnait un petit air mutin.

« Bonjour. Je suis Erell. Nouveau ? »

« Airelle ? Drôle de prénom. Peut être que ses parents étaient fans de myrtille. »

Pour masquer son trouble, Adam décida d’afficher son air le plus renfrogné. Il n’aimait pas qu’on s’adresse à lui si tôt le matin. Il scruta quelques instants encore le joli visage de son interlocutrice et se détendit quand un sourire amusé s’y dessina à la vue de Tiberius.

« Oui. Je suis Adam. Voici Tiberius. Et toi tu as pleuré. » Affirma t’il d’une voix basse et grave.

Il posa alors Tiberius sur les genoux qui se mit à crapahuter sur elle, poussant sa main du museau pour quémander quelques caresses. Adam se gratta la nuque ne sachant quoi dire d’autre. Il n’arrivait jamais à s’intégrer. Il avait du mal à s’entendre avec les gens de son âge. Plus exactement, il avait du mal à s’entendre avec les gens, un point c’est tout. Même avec sa grand-mère, la personne la plus proche de lui, il n’avait jamais été en harmonie, jamais sur la même longueur d’onde.

« Mon cerveau souffre peut être d’une défaillance ? »

Devant la petite mine de la myrtille, il eu soudain une inspiration. Il sortit sa baguette et murmura :

Avis

Une petite mésange bleue apparue alors au creux de sa paume et il l’a tendit à Erell en lui disant que c’était pour elle si elle cessait d’être triste.

Son sourire s’était transformé en grimace. Elle n’avait pas chercher à masquer ses cernes par quelque sort que ce soit, mais elle ne pensait pas que ses yeux pouvaient la trahir si facilement. Erell ne savait trop où se mettre. Elle n’était pas à l’aise avec ses pleurs nocturnes, elle ne savait à qui en parler, le journal ne la soulageait pas, et elle ne pouvait se confier à sa sœur. Elle aspirait à parler de cela avec Kurun, mais la jeune femme avait d’autres préoccupations, et Erell ne souhaitait pas la déranger. Lorsqu’il lui posa Tiberuis sur les genoux, le visage de la bretonne s’éclaira d’un sourire attendrit devant le petit animal. Il n’était pas farouche, et cherchait le contact. Sentait son museau sur ses doigts, elle eu un petit rire, les moustaches provoquaient une drôle de sensation. La Gryffondor de le caressa un moment, avant de le regarder crapahuter sur son bras. Le prenant délicatement, elle l’amena au niveau de son visage et le garda au creux de ses mains puis sourit.

- Tu n’es pas farouche toi ! Et tu es plutôt mignon !

Le reposant sur ses genoux, Erell reporta son attention sur son interlocuteur. Il était mal à l’aise. Il y avait dans sa voix un fort accent, qu’Erell ne savait identifier. Il n’était pas français, pas anglais, pas italien, c’était certain. La bretonne n’avait cependant pas assez voyager pour connaitre toutes les langues, et les accents de chaque pays. Elle décida alors de répondre à son affirmation.

- Oui, j’ai pleuré.

Soupirant, la jeune fille se rappela ses pensées de la veille. Elles n’étaient pas glorieuses, ni joyeuses. Erell savait qu’elle passait de nouveau dans une période de remise en cause, mais elle avait oublié à quel point elle pouvait avoir des pensées sinistres dans ces moments là.

Il lui tendit une mésange bleue, comme celles qu’elle voyait en Bretagne, en lui annonça qu’elle était pour elle-même, si elle cessait d’être triste. Elle ne réagit pas tout de suite, fixant l’oiseau. Puis, elle leva sur lui des yeux voilés par la tristesse.

- Peut-on seulement cessé d’être triste d’un instant à l’autre ? Si oui, j’aimerais savoir comment. Il m’est impossible de cesser d’être triste. Mais je veux bien garder la mésange tout de même.

Elle lui adressa un sourire angélique, qui jurait étrangement avec le chagrin qu’on pouvait lire dans ses yeux. Son côté curieux revient tout de même au grand galop, brisant le silence pesant qui s’était installé.

- Tu n’es pas anglais, n’est-ce pas ? Ni français ... Pas italien non plus. Tu viens de l’Est, non ? Excuse ma curiosité, mais les nouveaux arrivants qui sont déjà âgés, si on peut dire âgés ont souvent étudiés ailleurs. Mais je ne te vois pas à Beauxbâtons … Alors je suppose Dumstrang non ?

- Peut-on seulement cessé d’être triste d’un instant à l’autre ? Si oui, j’aimerais savoir comment. Il m’est impossible de cesser d’être triste. Mais je veux bien garder la mésange tout de même.

Adam tiqua. Il n’aimait pas ce sourire contrit. Celui qui dit aux autres « Oui je vais bien » alors que vous sentez qu’un seul faux pas pourrait vous engloutir tout entier. Il ne l’aimait pas parce qu’il ne le connaissait que trop bien. La tristesse, c’est la fatigue qui rentre dans l’âme. La fatigue, c’est la tristesse qui entre dans la chair. Et qui ne vous lâche plus. Adam réfléchi un instant pour savoir s’il ne connaitrait pas une potion qui soulagerais un peu sa peine. Mais non. Rien ne lui vient. Il lui aurait bien proposé de parler, de l’écouter mais il n’était qu’un inconnu et il savait très bien que les pensées qui ravageaient ainsi le cœur et le visage de sa jolie interlocutrice n’étaient pas de celle que l’on partage avec un inconnu.

« Ne laisse pas ta flamme s'éteindre étincelles après précieuses étincelles, dans les eaux putrides du presque, du pas encore ou du pas du tout. Ne laisse pas périr ce héros qui habite ton âme dans les reflets frustrés d'une vie que tu aurais mérité, mais que tu n'as jamais pu atteindre. Tu peux gagner ce monde que tu désires tant, il existe, il est bien réel, il t'appartient. Tout est possible. »

Voilà ce qu’il aurait voulu lui dire mais il se contenta de serrer les dents en la regardant caresser le petit oiseau aux plumes cotonneuses et bleu comme un ciel d’été.

- Tu n’es pas anglais, n’est-ce pas ? Ni français ... Pas italien non plus. Tu viens de l’Est, non ? Excuse ma curiosité, mais les nouveaux arrivants qui sont déjà âgés, si on peut dire âgés ont souvent étudiés ailleurs. Mais je ne te vois pas à Beauxbâtons … Alors je suppose Dumstrang non ?

La question claqua comme un couperet. Il n’y avait aucune méchanceté dans cette interrogation. Juste une vive curiosité. Mais Adam ne pu s’empêcher de sentir son cœur se serré dans sa poitrine. Personne ne peut pendant très longtemps se montrer un visage à lui-même et en présenter un autre au reste du monde sans finir par s'y perdre et se demander lequel des deux est vrai. Il en avait conscience mais il se refusait encore de laisser transparaitre quoi que ce soit de sa vie d’avant. Enfin il l’espérait car son visage avait dû blêmir. Il s’enfonça dans son fauteuil et se passa machinalement la main sur le visage en signe de résignation.

-Mon père est Bulgare. Ma mère anglaise. J’ai vécu en Bulgarie. Et oui, j’étais élève à … Durmstrang.

Adam avait réalisé, peut être un peu tard, qu’il avait craché ce nom comme un venin. Défiance qui attiserait la curiosité de la myrtille, sans aucun doute. Il était temps pour lui de trouver une échappatoire à la discussion. Discussion qui le mettait sur des charbons ardents. Plusieurs sentiments se bousculés en lui, menaçant de le faire exploser : méfiance, empathie, tristesse, solitude, mal de vivre, tendresse, désir... Il se leva alors de son fauteuil, tendis un bras vers Tiberius, qui occupait à se faire gratter le bas du dos, ne se leva pas de bonne grâce et quand enfin il le fit, lui jeta un coup d’œil pleins de reproche. Après s’être assuré que Tiberius était bien logé sur son épaule, Adam ramassa sa sacoche, fourra son morceau de papier et son crayon au milieu des livres élimés et des fioles et tout en regardant ses pieds, marmonna à l’intention de la belle Gryffondor encore pelotonnée dans son fauteuil :

« Il y aura toujours quelque chose pour détruire nos vies. La seule question est qu'est-ce qui va nous tomber dessus en premier. On est toujours au bord du gouffre. Il faut l’accepter. Le temps emporte tout, qu'on le veuille ou non. Le temps emporte tout, le temps efface tout et tout ce qui reste à la fin ce sont les ténèbres. Parfois, au cours des ténèbres on retrouve d'autres personnes. Et parfois au cœur des ténèbres on les perd à nouveau. »

Puis jetant un œil à la vieille montre à gousset qu’il avait dans sa poche, il se dirigea vers la porte d’entrée de la salle commune. En espérant qu’elle le retienne.

Elle l’avait regarder blêmir sans un mot. Ainsi, sa curiosité avait mit le doigt sur quelque chose de douloureux. Machinalement, elle continua de caresser Tiberuis qui s’était lové au creux de ses jambes. Et puis, d’un coup, sans qu’elle comprenne le pourquoi du comment, elle se sentit ballotée, engloutie, submergée par quelque chose. Sa respiration devint erratique, une goutte de sueur perla sur son front. C’était violent, difficile à comprendre pour elle. Qu’avait-elle dit pour qu’elle ressente cela ? La jeune bretonne n’arrivait même pas à mettre un nom sur ce qu’elle ressentait. Dans ce jeu là, elle n’était qu’une enfant, incapable de saisir ce qui lui arrivait, ce qu’elle ressentait. Il fallait qu’elle se calme, il fallait qu’elle respire, qu’elle reprenne le dessus, qu‘elle se ressaisisse. En quelques secondes, son pullover fut trempé par la sueur et un mal de tête aigu vint s’installer avec sournoiserie.

« Aide moi, je t’en pris … Ne me laisse pas maintenant … »

La main cramponné sur le rebord du fauteuil, l’autre posé sur le dos du rat, elle le regarda se lever, l’esprit encore ailleurs. Elle ne comprenait pas. Cela faisait des mois maintenant qu’elle avait découvert sa capacité, mais elle n’arrivait toujours pas à contrôler ce qui se passait, elle n’arrivait pas à ne plus être le pantin, à ne pas se faire submerger, à ne pas avoir peur de ne pas revenir. Car elle avait toujours cette sensation de partir quelques instants, d’être dominé par les émotions, avant de revenir à elle avec difficulté. La gorge nouée, Erell passa ses doigts une dernière fois dans le pelage de Tiberuis, avant que son maître ne le reprenne. Son interlocuteur ramassa sa sacoche, son bout de papier griffonné, son petit bout de crayon, fourrant le tout dans le sac en bandoulière avec précipitation. Il s’éleva du sac un bruit de verre tinté, Erell en déduit qu’il devait contenir quelques fioles ou autre objet en cristal.

Les mots la frappèrent avec dureté. Il avait raison. Elle le savait. Elle se savait au bord d’un gouffre, elle savait qu’elle marchait sur une corde raide tout en étant ballotée par le vent. Souvent, elle manquait de tomber, mais il y avait toujours une main invisible pour lui faire rétablir son équilibre précaire. Erell savait que la main invisible n’était rien d’autre que ces souvenirs, mais ils finiraient eux aussi par s’estomper, et disparaitre, la laissant seule face au vent. Alors, à ce moment là, rien, plus rien ne l’empêcherait de tomber.

Le regardant partir, la jeune bretonne eu d’abord l’envie de ne pas chercher à le retenir, pour réfléchir, seule à ce qu’il venait de dire. Il ne resterait plus que les ténèbres. Mais n’était-ce pas déjà le cas ? Erell savait ses jambes incapables de la soutenir en cet instant. Et elle n’avait pas l’intention de les forcer à le faire. Une danseuse lui avait dit un jour que toujours prendre en compte ce que réclame son corps, ou contre quoi il proteste. Mais pas aujourd’hui.

« Adam … Attend moi. »

Ainsi murmuré, ses paroles ressemblaient plus à une supplication qu’une simple demande.

« Je suis désolée, je ne pensais pas que parler de ton passé te dérangeais tellement. Je me suis mêlée de quelque chose qui ne me regardait pas. Tu viens avec moi prendre un petit déjeuner ? Il est tôt, il n’y aura pas grand monde. Voir pas du tout. »

Elle avait contraint ses jambes à obéir, mais elle savait que c’était mal. Elle n’aurait pas du bouger et sortir du fauteuil. Vacillant un instant, Erell se ressaisit et marcha jusqu’à lui. Il se tenait devant le tableau, bloquant le passage. Elle attendait une réponse. Elle la voulait positive. Elle devrait être positive.

« Adam … Attend moi. »

Le jeune Bulgare se retourna. Se trouvant face à lui ce n’était plus une Erell seulement fatiguée, mais une Erell qui semblait très mal. En effet, elle était plus pâle que la mort elle-même et menacé de pouvoir défaillir à chaque instant. L’estomac d’Adam se contracta. Il se mordit la langue d’avoir était aussi dur avec elle même si la myrtille l’avait blessé en premier. Après tout, c’était purement accidentel. Elle n’y était pour rien dans toute sa souffrance. Ce n’était pas elle qui avait engendré Lillberg. Pas elle non plus qui était responsable des six dernières années de terreur. Et surtout, ce n’était pas elle qui le sortirait des ténèbres insurmontables qui l’engloutissaient maintenant. Adam vit Erell se lever. Mettre toute la volonté du monde dans ce geste. Le visage impassible et perlé de sueur. Il ne pu s’empêcher de faire un pas vers elle. Elle semblait sur le point de s’effondrer.

« Elle fonctionne avec un système de coquille auto-protectrice liée à l'abyssal manque de confiance qui l'habite. Une absence d'estime de soi se bagarrant avec une détermination hors du commun. Intéressant. »

« Je suis désolée, je ne pensais pas que parler de ton passé te dérangeais tellement. Je me suis mêlée de quelque chose qui ne me regardait pas. Tu viens avec moi prendre un petit déjeuner ? Il est tôt, il n’y aura pas grand monde. Voir pas du tout. »

Elle vacilla sur ses jambes et avança vers lui. Adam n’y tenait plus. Il revient vers elle et lui tendit son bras pour qu’elle s’y agrippe. Et dans une confusion des gestes et des sentiments, il effleura le bout de ses doigts. De la porcelaine. Fraiche et douce sous ses doigts comme l’eau fraîche d’un ruisseau lors d’une soirée d’été. Il se tenait droit comme un I devant elle. Et murmura tout doucement à son oreille pour qu’elle seul puisse l’entendre :

« Je m’excuse également. Ce n’est pas digne de moi. Petite myrtille, tu n’es pas une personne folle, faible ou incapable. Avoir des idées noires, cela veut juste dire que tu as plus de douleur que de moyens pour la prendre charge. Si je mets des poids sur tes épaules, tu finiras bien par t’écrouler, quand j’aurais mis assez de poids et, ce, quelque soit ta volonté pour rester debout. C’est pour cela que quand les gens te disent « allez, arrête de ruminer, garde le moral, avance », tu trouves que c’est idiot et inutile. Saches seulement qu’il y a des gens qui seront toujours là pour t’écouter sans te juger. Tu sais, sans doute, au fond de toi de quelles personnes il s’agit, même si moi je ne les connais pas. Il faut que tu leurs fasse confiance. Ai confiance en eux si déjà tu n’as pas confiance en toi. »

Il pressa lentement sa main dans la sienne. Sa main glacée de poupée de porcelaine.

« Je ne veux pas parler de mon passé car il est derrière moi. Même si je ne l’efface pas, il est rempli d’horreur que je préfère mettre sous clef. Je n’ai pas le droit de m’écrouler maintenant après tout ce que j’ai déjà réussi à traversé. Mais je ne dirais pas non, petite myrtille, à un bon petit déjeuner. »

Il lui avait tendu son bras, qu’elle avait attrapé avec soulagement. La voilà déjà fatiguée, exténuée même, alors que la journée ne faisait que débuter. Un frisson parcouru son échine lorsqu’il avait murmuré à son oreille. Elle sentait son souffle sur sa peau. Il s’était penché si près qu’elle pouvait sentir son parfum sur ses vêtements, et si elle avait tendu les doigts, ils auraient frôlés ses abdominaux.

Elle eu un fugace petit sourire lorsqu’il évoqua les amis qui la poussaient en avant. Immédiatement, un nom s’était imposé dans son cerveau, unique. Kurun. Même pas Jinx, non, juste Kurun, qui peu à peu avait presque fini par remplacer sa sœur dans son cœur. Erell se savait profondément attachée à son aînée, elle lui devait beaucoup. La bretonne se souvenait parfaitement de la matinée glaciale où elle avait tout raconté à Kurun, se soulageant alors d’un poids. Bien sur, un seul parmi tout les autres, mais c’était toujours cela.

Erell sentit sa main dans la sienne. Chaude, grande, douce. Rassurante. Elle y perdit ses doigts, si longs, si froids … Si morts. Elle rêvait de retoucher à un piano, elle rêvait de leur rendre leur vigueur et leur utilité d’autrefois. Elle en rêvait. C’était impossible. Gardant sa main au creux que celle de Adam, la jeune fille sortit dans le couloir. Que dirait les autres, s’il la voyait main dans la main avec un autre ? Comment expliquerait-elle à Jinx qu’elle tenait la main à quelqu’un qu’elle connaissait depuis une dizaine de minutes ? Erell haussa mentalement les épaules. Elle trouverait bien quelque chose à lui raconter, pour lui expliquer.

L’entrainant par le chemin le plus court, ils gagnèrent la Grande Salle rapidement, sans croiser âme qui vive. Seulement un ou deux fantômes. Pas d’âmes qui vivent donc. Poussant les battants de la salle, la bretonne jeta un regard aux tables. Elle voyait quelques Serdaigles, deux Poufsouffles, mais aucun Serpentard. Et pas de Gryffondor. Se dirigeant vers leur table, Erell saisi une pomme et un bout de brioche.

- Choisi toi quelque chose, on va prendre l’air dans le parc, si ça te dis, bien sur.

Elle croqua un morceau de brioche qu’elle mâchouilla avec application. Elle avait froid à la main, elle avait du lâcher celle d’Adam pour saisir son bout de brioche. Promenant son regard une seconde fois dans la salle, Erell fut forcée de constater que personne dans cette école n’était vraiment matinal. Reportant son attention sur Adam, elle le fixa des ses yeux noisettes, attendant une réponse. Elle avait envie de prendre l’air.

Adam avait senti Erell se détendre lorsqu’elle avait saisi sa main. Il avait perçu le frisson qui l’avait fait frémir quand il lui avait murmuré ces paroles au creux de l’oreille. Mais la chose dont il était le plus fier c’était le petit sourire fugace qui avait éclairé le visage de la myrtille, un instant, à l’évocation de ses amis. Un embryon de sourire mais tout de même. Adam ne pu s’empêcher de penser qu’elle était encore plus jolie avec un petit sourire suspendu aux lèvres et se fit la promesse de tout faire pour en voir apparaître d’autres sur le visage de la jeune gryffondor.

Sans le regarder, Erell jouait avec ses doigts. Elle cherchait la chaleur de sa main. Les siens étaient tellement froids qu’Adam se demandé si il y avait encore une seule goutte de sang qui circulait dans ses veines. Ses veines fines et bleutées qui lui apparaissaient en filigrane. Il prit ses deux mains en coquille dans les siennes et souffla un peu d’air chaud dessus. Il n’était pas certain qu’Erell s’en rende compte, elle était perdue dans ses pensées, à des milliers de kilomètres de lui.

Il l’a laissa vagabondé un instant, l’observant en détail. Ses cheveux longs et fins. Aussi beaux que de l’acajou poli. Sa peau de poupée de porcelaine. Sans nuls défauts si ce n’était les deux cernes bleutés qui ressortaient sous ses yeux noisette. Le jeune Bulgare avait envie de tendre la main vers sa fossette, de l’effleuré du bout des doigts. Parcourir son visage pour trouver de l’or et même quelques étoiles. Mais il se retient. Erell était une personne à part, il le sentait et l’idée qu’elle soit encore célibataire lui semblait aussi incongru que de se balader en slip dans les rues de Pré-au-lard par un matin d’hiver.

Soudain, la belle lionne serra sa main plus fort dans la sienne. Elle lui jeta un coup d’œil, esquissa un autre petit sourire puis l’entraina à sa suite vers la porte de la salle commune. Adam n’eu pas d’autres choix que de la suivre même en étant très mal à l’aise à l’idée qu’on puisse le voir main dans la main avec une des filles de l’école, lui qui n’avait même pas encore effectué sa première journée de cours. Par chance, il était encore tôt et ils ne croisèrent personne avant d’arriver dans la grande salle. Dans cette dernière, seuls quelques Serdaigles et Pouffsouffles étaient attablés. Ils discutaient, de bonne humeur, ou alors s’attelaient à des révisions de dernières minutes en oubliant de porté leur cuillère de muesli à la bouche, la cuillère restant ainsi suspendu dans les airs.

«Choisi toi quelque chose, on va prendre l’air dans le parc, si ça te dis, bien sur. »

Lui avait dit Erell qui avait choisi une petite brioche dorée en forme de fleur et une pomme. Adam était resté bloqué sur le parvis. Il n’osait pas franchir le seuil de la grande salle. Il n’était pas à sa place ici. Sortant sa baguette discrètement, il murmura « Accio Jus de citrouille » et un gobelet s’éleva lentement dans les airs ; se frayant un chemin jusqu'à lui et Adam le rattrapa délicatement. Erell qui ne l’avait pas quitté des yeux à part pour évaluer le nombre d’élèves présents dans la salle, réprima un petit rire et baissa les yeux en secouant la tête. Le jeune Bulgare ne pu dire si c’était par gêne ou par amusement, mais qu’importe. En portant le gobelet à ses lèvres, il esquissa lui aussi un sourire puis pointa du doigt la porte d’entrée. Il se détourna légèrement et se mis en marche. Bien qu’il ne la regarda pas , Adam savait que la myrtille le suivait de très prêt.

Elle l’avait regardé, un sourire un coin, sortir sa baguette pour faire venir à lui un verre de jus de citrouille. Il n’avait pas fait un pas dans la salle, bloqué sur le seuil. Elle n’était pas amusée, pas gênée, juste surprise. La Grande Salle était donc si effrayante ? Ou était-il mal à l’aise ? Il n’y avait pourtant pas grand monde, rien à voir avec les heures de repas en milieu de journée. Il sortit de la salle, pressé. Attrapant une seconde pomme au passage, Erell le suivit, le détaillant. Fâcheuse manie de danseuse d’évaluer le corps de quelqu’un. Grand, bien bâti, plutôt fin, que des qualités à ce corps de jeune homme. Il marchait avec souplesse, sans faire de bruit. La bretonne avait rarement vu cela, sauf à ses cours de danse, où même les garçons faisaient preuve de grâce, de souplesse et d’une faculté à marcher sans faire de bruit.

Ils arrivèrent devant les lourdes portes en bois, et Erell demeura un instant interdite, plongée dans ses pensées. Adam poussa le battant, s’engouffrant à l’extérieur. Elle le suivit, et s’arrêta sur le seuil. L’air était frais et une légère brise se faisait ressentir, jouant avec ses cheveux détachés. Levant les yeux au ciel, la jeune fille sourit, adressant mentalement des salutations à son frère et sa grand-mère. Elle descendit les marches en pierre lentement, profitant du vent léger qui venait jouer sur sa peau, avec sa cape et ses cheveux.

Elle choisi de savoir juste en face du lac. Le soleil ne se lèverait pas avant une petite demi heure, et la pénombre environnante donnait au lac une splendeur bien particulière. On entendait juste les bruissements des vaguelettes venant mourir sur les berges, le chant des oiseaux dans les arbres et leurs respirations régulières et posées. Tendant une pomme à Adam, elle croqua dans sa brioche une nouvelle fois, ôtant à sa belle forme de fleur une pétale. Savourant son goût sucré, elle se replongea un instant en enfance, lors des samedi après midi où elle faisait de la cuisine avec son aïeul.

- Je dansais avant. J’aimais beaucoup. J’étais douée aussi. Et je faisais du piano, là aussi j’étais douée, j’excellais même. J’ai toujours aimer danser. C’est un ballet, c’est un moment à part, tout un poème à écrire. Non, même pas un poème, une histoire. Le temps d’un instant, le temps d’une danse, le danseur devient écrivain et écrit sa propre histoire avec ses armes. Avec la danse. J’ai écris ainsi des histoires, avec des entrechats, des pirouettes, des arabesques et des cambrés en grand dégagé.

Erell ignorait pourquoi elle avait parlé. Le silence n’était pas déplaisant, et elle doutait qu’Adam s’intéresse à ses passions d’avant. Néanmoins, une partie d’elle avait ressentit le besoin de lui dire, de lui exprimer ce regret de ne plus danser et jouer, une partie d’elle avait ressentit le besoin de se confier. Le regard d'un inconnu est plus simple à supporter que celui de quelqu'un de trop proche.

Je dansais avant. J’aimais beaucoup. J’étais douée aussi. Et je faisais du piano, là aussi j’étais douée, j’excellais même. J’ai toujours aimé danser. C’est un ballet, c’est un moment à part, tout un poème à écrire. Non, même pas un poème, une histoire. Le temps d’un instant, le temps d’une danse, le danseur devient écrivain et écrit sa propre histoire avec ses armes. Avec la danse. J’ai écris ainsi des histoires, avec des entrechats, des pirouettes, des arabesques et des cambrés en grand dégagé.

Adam croqua dans sa pomme et mastiqua longuement. Il n’y connaissait pas grand-chose en danse classique mais il comprenait parfaitement ce qu’Erell avait pu ressentir dans ces moments là. Une impression de plénitude, de joie, d’évasion. Comme si, tout d’un coup, la porte de tous les possibles s’ouvrait devant vous. Et la musique, la musique reflétaient beaucoup plus de chose qu’elle n’en laissait paraître. Elle accompagne notre vie, souligne nos souvenirs, s'invite dans notre intimité. Art universel, la musique possède bien des vertus...Adam le savait mieux que quiconque car il suffisait d’écouter ce qu’il jouait au violon pour savoir dans quel état d’esprit il se trouvait. La musique le guérissait. La musique donne une âme à nos cœurs et des ailes à la pensée. Il regarda longuement sa voisine Gryffon. Pourquoi ne dansait elle plus ? Pourquoi ne jouait elle plus ? La mélancolie avait elle à se point ronger son âme ?

« Je ne sais pas pourquoi tu ne fais plus tout ça, petite myrtille, et je ne tiens pas à le savoir. Je trouve juste que c’est dommage de renier une partie de soi. Pour quelque raison que ce soit. Parce que la musique et la danse, c’est beaucoup plus qu’une passion, non ? Plutôt une religion. Et un homme sans foi sera toujours perdu. »

Il se pencha légèrement en avant et lança son trognon de pomme plus en avant. Il ferra sans doute le bonheur d’un écureuil ou d’un oiseau.

« Notre époque ne fait plus de musique. Elle camoufle par du bruit la solitude des hommes en leur donnant à entendre ce qu'elle croit être de la musique. Et en ces moments difficiles, ne crois tu pas que les gens ont envie d’écouter une vraie musique qui vienne du cœur ? Une musique chaude, qui te donne envie de danser, de rire et d’oublier tous les soucis ? Je rêve parfois la nuit des bals populaires où mes parents m’emmener quand j’étais petit. Il y avait des rires, des chants, de la danse et de la joie. Je rêve parfois de retrouver un moment comme celui là. »

Adam pris la main d’Erell dans la sienne et la pressa doucement. Le soleil se levait par delà le lac et le spectacle était magnifique. Tout était de rouge et d’or annonçant que les heures sombres de la nuit s’étaient envolées. Un nouveau jour recommencé. Le jeune Bulgare sourit à sa voisine qui était illuminé d’un halo de lumière. Puis proposa :

« Je joue du violon. Veux tu que je joue pour toi ? »

Il planta ses yeux noirs dans ceux d’Erell, guettant sa réponse. Si la musique pouvait soignait ses peines, il se douta qu’avec tact et discernement, il pourrait aider Erell à s’évader de sa prison. Celle qu’elle s’était construite, claquemuré entre des murs de silence et de tristesse. Il lui fallait juste trouvait le bon air.

» Minutes infanticides de pardon un peu acide [PV Erell]
» Il faut qu'on parle [PV Erell]
» Par mon blason devient ma main -(PV Erell)-