Buckingham Palace Des Mystères naquirent les Mystères ...

Vingt heures moins quelques minutes.

La journée avait été particulièrement longue pour la blondinette qui maudissait pour la cinquantième fois les aiguilles désespérément lentes de l'horloge. Pas que son travail ait manqué d'intérêt, non … Elle avait même eu largement de quoi s'occuper, ayant gardé pour la fin de la semaine ce qu'elle préférait faire. Qui n'était d'ailleurs … pas fait. Non, au lieu d'un dossier bien ficelé qu'elle pourrait envoyer par hibou express à Edward avec une fierté non dissimulée, elle relisait les paragraphes sans queue ni tête qui couvraient à peine deux pages de parchemin.

Nul ! Complètement nul !

Un mouvement rageur envoya valser le document à l'autre bout de la pièce.

C'est bien la première fois que les mots me manquent pour ce rapport …

La plume et l'encrier suivirent le même chemin, qu'elle regarda d'un air coupable s'écraser contre le mur. Pour aussitôt se lever, aller les récupérer et leur rendre leur aspect habituel. Cadeaux de Cerise il y avait quelques années de cela, elle avait toujours considéré sans aucune valeur toutes les merveilles onéreuses qui auraient pu les remplacer.

Vingt heures moins quelques minutes.

Aléatha se mordilla la lèvre, capitulant face à l'idée qui la taraudait depuis le début de l'après-midi. Il lui fallait se rendre à l'évidence. Cette lettre l'affectait bien plus qu'elle ne voulait l'admettre en éveillant une curiosité qu'elle estimait démesurée. Dégageant un parfum qu'elle n'avait senti que de trop près quelques semaines auparavant, l'enveloppe avait été décachetée distraitement pour révéler une écriture fine et décidée. La conviant à une rencontre hors du Ministère. Avec Kelpy ou William, ce rendez-vous extra-muros lui aurait semblé totalement normal. Mais que la Grande Dame des Mystères la convie de manière aussi officieuse, voilà qui était nettement plus déroutant. Et ouvrait les portes aux suppositions les plus farfelues. Dont aucune ne satisfaisait l’esprit aguerri de la cadette des Quindiniar.

Vingt heures moins quelques minutes.

Un soupir de résignation s’échappa de ses lèvres. Il ne servait absolument à rien de se mettre martel en tête, elle saurait bien assez tôt ce qui l’attendait. Elle avait prévenu Cerise qu’elle rentrerait plus tard et lui avait laissé entendre avec qui elle passerait probablement la soirée. Il ne lui restait plus qu’à se rendre à cet étrange rendez-vous.

Vingt heures et quelques minutes, une tornade blonde s’engouffrait dans l’ascenseur vide à cette heure et dégringolait les étages vers la liberté et l’assouvissement d’une curiosité bien légitime. Un claquement de doigts plus loin, elle se trouvait à destination, non loin de Buckingham Palace, devant le fameux restaurant "Boisdale of Belgravia". Elle poussa la porte et chercha du regard son hôte. Difficile de repérer qui que ce soit parmi les nombreuses alcôves qui abritaient chacune leur table des oreilles et des yeux indiscrets.

Un maître d’hôtel la toisât de la tête aux pieds, mettant en doute la capacité d’une si jeune demoiselle à avoir eu la présence d’esprit de réserver dans ce palais de la gastronomie … Un regard violet de travers et le nom de Snake murmuré avec encore plus de condescendance plus tard, il lui faisait traverser la vaste salle pour l’amener à bon port.

La découverte faite dans son bureau aux Mystères avait été tellement étrange, tellement incroyable, qu'Eilane ne s'était remise du choc que bien des heures après. Et quand enfin elle fut capable de réfléchir plus calmement à tout cela, une seule idée lui revint à nouveau en tête : il fallait qu'elle rencontre Aléatha Quindiniar, il fallait qu'elle sache ! Elle avait ainsi chargé Epytus de faire parvenir à la jeune femme un courrier non-officiel la conviant à un repas au en tête à tête. Tout en restant énigmatique sur les raisons qui la poussaient à inviter une personne qu'elle n'avait rencontré qu'une seule fois et dans des circonstances finalement assez désagréables, Eilane avait fait savoir à Aléatha qu'elle devait s'entretenir avec elle de certaines affaires privées... La semi-Vélane espérait ainsi avoir piqué la curiosité de la jeune blonde dont elle craignait, autrement, de ne recevoir qu'un message lui infirmant sa venue...

Cela semblait avoir fonctionner puisqu'Aléatha avait répondu qu'elle se joindrait en effet à elle. Eilane avait donc réservé une table au Boisdale of Belgravia. Elle espérait seulement qu'elle aurait le courage d'aborder le sujet qui la troublait à présent tellement qu'elle n'arrivait même plus à faire son travail correctement.

A 19h45, Eilane était déjà dans le restaurant, une robe du soir à la fois décontractée et élégante faisant ressortir les atouts de sa féminité. Elle s'installa à la table qu'elle avait réservée - tout au fond du restaurant, un peu à l'écart, dans un coin légèrement plus intime - et profita un moment de l'ambiance feutrée qu'offrait l'endroit. Il lui fallait se détendre, ce qui n'était d'autant pas chose facile qu'elle n'avait amené avec elle, comme montre, que celle portant les initiales de Cassandra.

Quand enfin Aléatha arriva, Eilane afficha un sourire tendu et se leva pour l'accueillir comme il se doit.

Bonsoir Miss Quindiniar. Heureuse que vous ayez accepté de vous joindre à moi.

Elle se rassit et prit une profonde inspiration, comme pour se donner du courage, tandis que le serveur leur tendait la carte.

Souhaitez-vous un apéritif ? C'est moi qui invite, n'hésitez donc pas à prendre ce qui vous fera le plus plaisir !

Eilane afficha un nouveau sourire, peut-être légèrement maternel, à l'attention d'Aléatha. A présent que ses doutes s'étaient réveillés, elle ne voyait plus la jeune femme de la même manière. Et maintenant que les circonstances étaient différentes, peut-être pourraient-elles même devenir des sortes d'amies ? Restait encore à voir comment Aléatha réagirait face aux doutes d'Eilane... Si Eilane se décidait à lui en parler... Car elle ne devait pas oublier que mettre quiconque dans la confidence concernant Cassandra, signifiait également mettre en danger Cassandra et la personne à qui elle se confiant !

Pour un observateur extérieur et au courant des mystères qui englobaient les deux femmes, cette rencontre aurait pu être qualifiée de « choc des titans ». Et dans ce cas-ci, les titans n'avaient pas réellement le physique de l'emploi ! D'un côté une femme élégante, tout au plus la trentaine, la pure descendante d'Eve. De l'autre, celle qui aurait pu paraître comme sa jeune sœur, l'air effronté mais tout aussi hautain. Des titans de salon… En apparence du moins. D'un côté celle qui avait préservé les derniers atomes d'humanité d'un maudit et donné la mort en toute conscience plus souvent qu'à son tour. De l'autre celle qui avait subit le mal de ce siècle depuis avant même sa naissance et avait décidé de changer la donne, innocente et inexpérimentée, mais décidée à en découdre. Des titans d'ombre et de lumière, tantôt lumineuses, tantôt entraînées vers les bas fonds des ténèbres humaines.

Elles se jaugeaient du regard, les manières emplies de cette grâce et de cette politesse propres aux gens de la haute société. Aléatha savait se soumettre à ces salamaleks quand c'était nécessaire. Tout en sachant qu'elle ne résisterait pas à son envie de lui dire ses quatre vérités si la discussion venait à s'avérer houleuse. Il était inutile de tirer des plans sur la comète pour l'instant aussi c'est avec un sourire professionnel qu'elle hocha la tête en guise de salut.

Bonsoir Madame Snake. Il faut dire que vous savez ménager votre suspens et que vous avez choisi un lieu bien plus agréable que les salles de réunion du Ministère pour organiser cette entrevue …

Le changement dans l'attitude d'Eilane fût subtil. Et ne passa pourtant pas inaperçu auprès de la fille de l'Auror, particulièrement aux aguets de tout ce que le violet de ses prunelles pourrait lui révéler.

J'ai raté quelque chose ?

Pensée écartée un moment tandis qu'elle s'emparait de la carte.

Invitée ? Comme si je n'étais pas capable de m'inviter moi-même dans ce genre d'endroit, comme si je n'y avais jamais mis les pieds ! Et comme si j'étais capable de choisir quelque chose qui ne me fasse pas plaisir sous couvert que je n'invite pas moi-même …

Fierté mal placée et pensées non retenues. Après tout, elle pouvait faire des efforts en apparence mais rien ne l'obligeait à brider ses émotions et ses ressentiments. Elle aurait pu savoir que la Semi-Vélane avait le même avantage sur elle que son legilimens de père. Et quand bien même ?

Certains hurleraient au blasphème, c'est probablement ce que le sommelier fera … Mais ils ont dans cette maison un champagne millésimé qui se marie divinement avec la liqueur de violette. Ce sera mon choix !

Son sourire se modifia légèrement aussi. Sourire de plaisir anticipé à l'idée de savourer cette boisson des dieux. Petites manies qui ramènent vers un sol stable, familier. Si Aléatha avait su à l’avance à quel point elle aurait besoin de retrouver ses repères que les révélations d’Eilane allaient mettre à mal … Rien n’était encore fait: devant tant de nonchalance affichée, la blondinette donnait-elle réellement l’impression qu’on pouvait lui faire confiance, qu’elle était adulte et sensée ?

La discussion commençait. Eilane se remémora soudain à quel point Aléatha pouvait avoir des airs de peste tandis que la jeune femme s'adressait à elle, ou pensait sans faire trop attention à ce qui trottait dans sa tête.
Mais aujourd'hui, les choses étaient différentes, Eilane ne voyait plus Aléatha avec les mêmes yeux. Et cette attitude légèrement hautaine et arrogante lui rappelait, pour beaucoup, ses propres réactions, quand elle avait son âge...
De moins en moins sceptique quant à ce qu'elle avait peut-être découvert, Eilane n'en était pas moins tendue à l'extrême.

Je me doutais que ce lieu serait plus à votre goût que les poussiéreux sous-sols du ministère. Vous semblez être une femme qui aime un certain standing... Et même si j'apprécie de travailler dans les locaux du département des Mystères, sachez que je vous comprends et que je vous rejoins sur ce point plus que vous ne le pensez probablement...

Ceci étant dit, Eilane s'efforça de ne rien rétorquer aux pensées, qu'elle jugeait pourtant peu à propos, d'Aléatha. Elle souhaitait rester dans une ambiance cordiale, et elle savait que la jeune femme se braquerait si elle faisait certaines remarques.

Et bien soit !

Eilane leva la tête vers le serveur qui attendait leur commande.

Nous allons donc, pour commencer, prendre deux coupes de votre meilleur champagne millésimé accompagné de liqueur de violette.

Puis, alors qu'il s'éloignait, elle se pencha très légèrement vers Aléatha et avoua avec un sourire complice qui paraissait très étrange sur son visage d'habitude plutôt froid.

Vous m'avez donné envie de tenter également ce breuvage .

Mais ses lèvres ne purent conserver leur sourire bien longtemps et se raidirent à nouveau quelques instants plus tard. Maintenant qu'elles n'avaient plus qu'à attendre l'apéritif avant de commander la suite de leur repas, il fallait entrer dans le vif du sujet. Eilane savait que si elle attendait trop, elle n'aurait plus jamais le courage de le faire.

D'une main tremblante, elle déposa sur la table, entre elle-même et Aléatha, la montre qu'elle avait trouvé sur son bueau après leur retour de l'Hollywood Tower Hotel.

Est-ce que Cassandra te ressemble ? Est-elle aussi belle que tu l'es ? Possède-t-elle ta force de caractère ?

Est-ce que ce que je ne peux qu'entrevoir est vraiment possible, ou suis-je en train d'imaginer mes plus cher désirs devenir réalité ?

Oh ne vous méprenez pas, j’aime personnellement beaucoup mon bureau …

La vision passagère de celui d’Eilane dont elle avait vu le sol avec beaucoup trop de netteté à son goût lui traversa l’esprit. En toute objectivité, la Dame des Mystères n’était pas plus mal lotie qu’elle-même. Disons juste que le souvenir était particulièrement terni par les événements qu’elles avaient vécus ensemble ce jour là.

Et pour être honnête, si vous m’aviez proposé une rencontre dans les sous-sols du Ministère, je n’aurais guère minaudé longtemps avant de vous suggérer plutôt une visite à la Grande Education.

Certes son département à elle n’avait pas le prestige que les Mystères dégageaient, mais elle n’avait pas non plus à rougir de sa situation. Autant placer directement ses pions sur l’échiquier avec aisance : quelle que soit la raison pour laquelle Eilane l’avait … invitée … elle comptait montrer clairement qu’elle n’était pas impressionnée par sa position et qu’elles se retrouvaient ce soir d’égale à égale.

Déjà le serveur repartait avec la commande sacrilège et Eilane se penchait vers elle avec tout ce qui ressemblait à de la complicité. Aléatha ne put retenir un léger froncement de sourcils, surprise par cette presque familiarité … Et la surprise était bien piètre face à ce qui l’attendait par la suite. Un simple objet glissé du poignet de son vis-à-vis et placé entre elles deux. Sans les tremblements qui accompagnèrent le geste, Aléatha n’y aurait probablement pas accordé plus d’importance que ça. Mais ne dit-on pas que l’on est attiré irrémédiablement par l’abîme lorsqu’elle s’ouvre devant vous ?

Qu’est ce que …

Les prunelles violettes se figèrent un instant avant de précipitamment revenir sur le regard ambré. Les mâchoires serrées, Aléatha ne goûtait que moyennement cette plaisanterie. Elle finit par tendre la main pour s’emparer de la montre, convaincue qu’elle trouverait ce petit détail différent, infirmant la première conclusion à laquelle elle était parvenue. En vain.

Où l’avez-vous trouvée ? Comment est-elle arrivée en votre possession ?

Quoi qu’elle soit actuellement prête à la rendre coupable de tous les maux de la terre, Aléatha avait tout de même du mal à imaginer Eilane piller la tombe de sa mère pour récupérer cet objet ! Où voulait-elle en venir ? Savait-elle quelque chose qu’elle voulait partager ou cherchait-elle à lui soutirer quelque menue information ? A quel sujet au juste ? Trop de questions se bousculaient, trop de réponses aussi évidentes que grotesques, elle devait empêcher la colère qui s’emparait petit à petit d’elle de prendre le dessus si elle voulait tirer tout cela au clair. Elle prit une profonde inspiration tout en reposant la montre sur la table et en bénissant le serveur de lui donner un bref répit lorsqu’il amena le champagne.

A quoi cela rime-t-il Madame Snake ? Vous n’êtes pas par hasard en possession de ceci et ce n’est pas par hasard non plus que vous me le montrez, je me trompe ?

Inconsciemment, elle avait reposé le bout de ses doigts sur le bracelet dont elle traçait lentement le contour. Sa voix n’était plus qu’un murmure tandis que la colère avait fait long feu.

Pourquoi ?

Sa colère passée, elle était prête à faire la trêve qui lui permettrait d’entrevoir la vérité. En tous cas, la vérité qu’Eilane voudrait bien lui laisser percevoir.

HJ/ Désolée pour le retard /HJ

J'imagine qu'il nous faut aimer nos lieux de travail vu le temps que nous sommes amenées à y passer... Mais avouez qu'une table dans un bon restaurant tel que celui-ci restera toujours plus agréable qu'un bureau ministériel !

Si la situation avait été différente, si Eilane avait réellement fait son âge, les gens alentours auraient probablement eu l'impression d'observer une grand-mère épanouie accompagnée de sa petite fille toute aussi rayonnante malgré sa jeunesse. Mais Eilane paraissait à peine avoir atteint la trentaine et la complicité qu'elle essayait d'instaurer entre elle et son invité devait probablement davantage ressembler à celle qui peut exister entre deux amies ou deux collègues de bureau.

En effet, Eilane avait adopté une attitude si différente de celle dont elle avait fait preuve la dernière fois que son chemin avait croisé celui d'Aléatha qu'il semblait peu étonnant de voir les sourcils de cette dernière se froncer ostensiblement. La semi Vélane ne s'en formalisa donc pas, continuant sur cette même voie jusqu'à ce que les interrogations commencent à affluer... car elles afflueraient, indéniablement. Ce n'était qu'une simple question de temps...

Et le temps avait déjà commencé à faire son oeuvre : Aléatha s'était emparé de la montre, et, surprise, l'avait contemplée... Puis les mots avaient afflué de sa bouche, tout comme Eilane s'y était préparée.

Non. Je crains qu'il n'y ait en effet pas de place pour le hasard dans toute cette affaire, Miss Quindiniar...
Aléatha...

Eilane avait dit ces paroles dans un murmure étouffé, sa voix se brisant tandis qu'elle prononçait pour la première fois le prénom de la jeune femme. La gorge serrée, elle continua.

J'ai découvert cette montre dans mon bureau, à notre retour de...

L'ambre de ses yeux afficha un air gêné qu'elle ne put masquer.

... de l'Hollywood Tower Hotel. Mon collègue, Yeltaz LeBihan, affirme qu'une jeune adolescente est parvenue à pénétrer dans les locaux des Mystères en prétendant qu'elle était venue pour sauver ses...

Elle se mordit la lèvre, tout cela n'allait-il pas paraître complètement absurde à son interlocutrice ?

...ses "anges". Mr LeBihan n'a pas pu l'empêcher d'atteindre mon bureau et de s'y enfermer. Et c'est probablement elle qui a actionné le second aetaspatiter. C'est donc probablement elle qui nous a ramenées... qui nous a sauvées...
Elle s'est enfuie avant que nous ne réapparaissions dans le bureau. Mais il semble qu'elle ait oublié cet objet derrière elle.

La semi-Vélane se tut. Le reste n'était que suppositions... Mais la réaction d'Aléatha lui confirmait une grande partie de ses doutes et elle sentait que des larmes amères n'étaient pas très loin de s'écouler le long de ses joues pâles.

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» - Event 2 : God Save The Queen - *Buckingham Palace*

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