Could I know where my soul was running away ?[PV]

La soirée avait été longue et épuisante, et il se faisait tard, très tard. Le chemin du retour s'était fait sans trop d'encombres, mais la soirée que Clora venait de passer avait été pleine de rebondissements, tous plus inattendus les uns que les autres. La jeune gryffondor avait joué avec le feu, et elle s'était brûlée, évidemment. C'était si... Prévisible, et Clora n'avait rien vu venir ! Qu'elle sotte elle faisait. Jeune étourdie en pleine nature. Pire que n'importe qu'elle autre fille du château, elle était tombée directement dans la gueule du loup, par sa propre initiative, et c'était particulièrement loser. Son esprit était ailleurs, et il n'était toujours pas revenu. Comme s'il s'était perdu, à mi chemin entre le château et la clairière.

Comment tout cela est-il possible ?

Un choc, comme un énorme coup sur la tête. Elle s'était fait avoir. Malgré tout, peut-être n'était-elle pas aussi forte qu'elle ne le croyait. L'effet d'une bombe, la radioactivité, dont l'effet persiste bien après l'explosion. Clora se sentait vide. De toute énergie, de toute conscience du monde qui l'entourait. Elle avait marché, malgré l'épuisement, jusqu'au lac, où elle avait passé de longues minutes à s'éclaircir les idées, sans grand succès. Son âme l'avait quittée, elle s'était envolée. Clora s'était fait avoir.

Que diable c'est il passé ?

Ses souvenirs lui échappaient lentement, eux aussi la quittait. Elle ne savait plus quoi penser de tout ce qui était arrivé. Et d'ailleurs, qu'était-il arrivé ? Que lui avait-il fait ? Mystère. Son esprit s'embrouille, ses pensées le quittent. La voilà repartie. Et hop, en route vers le château.

Interdit.

Il était tard. Tellement tard qu'il était tôt. Et si le soleil se levait ? Non. Il était encore trop tôt. Direction la salle commune, d'un pas chancelant. N'était-elle pas soule ? Bien sur que non. Elle n'en gardait aucun souvenir, et puis, comment diable aurait-elle pu trouver de l'alcool dans une si belle clairière ? Le temps. La pluie, le vent. Tout cela apaisait ses pensées. Tout cela lui permettait d'oublier. Mais la tempête l'avait quitté, comme tout le reste.

Professeur ?

Une silhouette se détachait, à l'intérieur du château. Clora était prise au piège. Il était interdit de quitter les murs du château la nuit, et Clora avait désobéi. Mais avait-elle vraiment besoin d'être punie ? N'avait-elle pas eu sa leçon ? Pitié professeur. Mais où est-il ?

Derrière toi.

Calintz ? Impossible. Cette silhouette, son corps parfait. Disparu. Il est trop tard, il s'est enfui, lui aussi. Il était temps, grand temps de rentrer. Allez hop, au dortoir. Vite, avant qu'il ne réapparaisse. La porte, la grosse dame. Elle crie, diable ! Qu'elle se taise. Clora veut passer. Ne vous inquiétez pas, tout iras bien. À l'abri, enfin. Clora respirait mieux. Assise, devant le feu. Le feu aussi, ça embrouille les pensées. Ça brûle, le feu, attention. Clora tombait, étourdie. Tombait dans le sommeil, dans les bras de Morphée.

Esprit, es-tu là ?

Des pas. Quelle heure était-il ? Clora était toujours dans la salle commune. Dormait-elle ? Qui venait là, à sa rencontre ? C'était l'heure de dormir. On était samedi. Personne en vue, les gens devaient être au lit, par cette nuit. Le soleil, entre ses paupières ? Et une silhouette. Calintz ? Ma foi, non. Une dame.

Morphée.

On la secouait, doucement. Idiote, Clora voulait dormir. Morphée devait vous prendre dans ses bras et vous bercer lentement. Imposteur ! Qui était-ce ? Et Clora, que faisait-elle là ? Son lit était là-haut. Le feu, devant-elle. Brusquement, Clora ouvrit les yeux et regarda la jeune fille, là, devant-elle. La blonde poussa un petit cri, se redressant vivement.

Bon.. Bonjour ?

Invité

Oh qu’il était bête de se coucher trop tôt si c’était pour se lever aux aurores ! Natasha était tellement épuisée la veille qu’elle s’était effondrée sur son matelas de plume comme une masse, perdant tout contact avec la réalité, plongeant à corps perdu dans une noirceur déroutante. Elle avait embrassé le sommeil salvateur avec joie, jouant avec Morphée, laissant son corps prendre ce repos tant mérité, goûtant à la joie de l’oubli. Elle avait dormi. Elle avait vacillé dans les bras d’un homme, embrassé des lèvres bien trop douces, couru jusqu’à en prendre haleine dans des rues trop propres, elle avait dansé comme si sa vie en dépendait. Elle avait rêvé. Mais de toute évidence, Morphée en avait eu vite assez d’elle, préférant aller taquiner un autre élève et il lui avait tiré sa révérence. S’échappant de son contrôle comme une bulle de savon qui éclate. Et contre son gré, Natasha s’était réveillée.

Elle avait ouvert les yeux, braqué son regard dissonant sur la tenture qui la masquait de l’extérieur, touché en réflexe ses boucles d’oreilles et avait grimacé. Rien qu’à l’obscurité qui régnait dans le dortoir, rien qu’aux souffles rauques de ses camarades, elle savait qu’il était bien trop tôt pour se lever. Un coup d’œil à l’heure et elle soupira de résignation. Oui, bien trop tôt. Allongée sur le dos, le regard au plafond, Natasha attendait. Elle attendait que le sommeil l’a happe de nouveau. Il le fallait, elle le voulait. Mais de toute évidence, il resta sourd à ses supplications et peu après Natasha était debout. S’habillant en grand silence, revêtant une tunique courte, légère, elle s’éclipsa du domaine de Morphée pour rejoindre l’intimité de la salle commune. Un livre à la main, elle vint s’effondrer dans un des grands fauteuils pourpres de la pièce, offrant son visage à la morsure d’une des cheminées. Les pages roulaient sous ses doigts, ses iris offraient ce mouvement oscillatoire si propre à la lecture et l’esprit de la jeune fille vagabondait. Elle avait quitté Poudlard depuis un petit bout de temps quand elle fut ramenée brusquement à la réalité. Un gémissement. Elle était certaine d’avoir entendu quelque chose. Elle n’était pas seule.

Le cœur battant la chamade dans une crise irrationnelle, elle jaillit de son fauteuil à l’affût. Tournant sur elle-même dans la salle commune, laissant ses pupilles se rétrécir en s’approchant du feu, elle distingua une chevelure blonde. Familière. S’agenouillant près du fauteuil occupé, telle une mère au chevet de son enfant, Natasha dévisagea Clora. Clora, la jolie blonde qu’elle avait rencontrée dans un café et avec qui elle avait rêvé de vacances… D’une main chaleureuse, Natasha ramena une mèche sur le côté du visage de la jeune fille puis retira sa main comme brûlée. Clora tremblait. Comme prise d’une fièvre terrible, la blonde frémissait, gémissait, s’agitait. Sous l’emprise de Morphée. Attrapant les épaules de Clora, grimaçant devant sa peau brûlante, Natasha entreprit de la réveiller doucement. De lui faire quitter ce cauchemar.

Bon.. Bonjour ?

Laissant un petit rire s’échapper devant la mine stupéfaite de Clora, Natasha s’assit sur ses talons, face à la blonde, souriant comme lors de retrouvailles. Mais sa mine inquiète revint immédiatement, plissant son visage encore jeune et elle attrapa la main de Clora.

Tu vas bien ? Je crois que tu étais en train de faire un joli cauchemar… Clo’, tu m’entends ? C’est Natasha. Je suis là maintenant.

Un cauchemar ? Mais encore, un cauchemar, il faut dormir pour cela, alors que Clora était belle et bien éveillée, là sur ce canapé. Depuis combien de temps ? Cela demeurait un mystère. Encore restait il à savoir depuis combien de temps elle dormait. Que c'était-il passé ? Encore un mystère, comme si son esprit était empli d'un brouillard si épais qu'il lui était impossible de voir au travers. Par le fait même, elle se sentait étourdie, et dû s'adosser avant de refermer les yeux pour chasser enfin ce brouillard.

Impossible.

Une rire cristallin. Une moquerie ? Riait-on d'elle ? Ce n'était pas drôle. Rien, de toute cette situation ne méritait que l'on se moque. Clora ferma les yeux plus fort, créant plusieurs rides sur son visage, et le rire s'arrêta. Enfin, quoi, il était temps, avant qu'elle ne s'énerve. Et puis, combien de temps cela avait il duré, une éternité peut-être. Tout en ouvrant les yeux, Clora vit une silhouette, de plus en plus nette, se détacher sur le fond rougeoyant du feu de cheminée. Un regard inquiet, des souvenirs. Un prénom, murmuré à son oreille, quel était-il ?

Pardon ?

Une voix la dérangeait. Cette même voix qu'il n'y a pas si longtemps, dans un café. Une promesse, un projet. Que disait-elle ? Impossible de rester concentrée. Quelques mots, attrapés au vol. Un cauchemar ? Encore faut-il dormir évidemment. Dormait-elle ? Mystère, encore et toujours, ce même mot vagabondait toujours autour d'elle, comme un ange gardien qui ne voudrait pas que son bien. Et si tout cela n'était qu'un rêve, pourquoi elle ? Pourquoi cette mystérieuse jeune fille lui apparaissait, ainsi ? Des questions, des questions, et deux anges essayant en vain de veiller sur elle. Un prénom, une prénom, donne moi une autre chance.

Natasha.

Clora ouvrit brusquement les yeux et sentit des larmes rouler sur ses joues. Pourtant, elle ne ressentait ni douleur, ni tristesse. À dire vrai, elle ne ressentait rien. Rien de rien. Comme si son coeur lui avait été arraché, comme s'il avait fugué, en même temps que son esprit. Elle se contentait de regarder Natasha, de la contempler. Elle était jolie, très jolie, et ses yeux évoquaient à Clora des souvenirs qu'elle n'arrivait pas à déchiffrer, comme s'il s'agissait de codes secrets, comme si elle possédait la combinaison d'un coffre fort, sans réussir à remettre ces chiffres en ordres, là dans sa tête.

Attention à ne pas de brûler...

Elle sentit une chaleur au niveau de sa main droite, comme si elle traînait négligemment dans les braises d'un feu de camp. Mais le feu, ça peu brûler. Le feu, c'est dangereux et Clora entendait son instinct lui crier de prendre gare. Elle retira vivement sa main et l'approcha de son visage. Une douce odeur parvint à ses narines, un parfum familier, des souvenirs lointains. Tout autour d'elle prenait lentement forme. Surtout elle, surtout elle...

Nat...

Invité

Immenses. Il n’y avait d’autres mots pour qualifier les plaies béantes qui la dévisageaient. Autrement dit les yeux de Clora. Les lèvres plissées par l’anxiété, le regard troublé par d’invisibles fantômes, Natasha observait impuissante la jeune fille se débattre, prise dans une transe qui dépassait de loin ses compétences. Sentant ses yeux la brûler devant la douleur qui suintait de chacune des inspirations de la blonde, elle se rapprocha de nouveau de son corps bouillonnant.
Oh oui elle avait cru que Clora était éveillée, les mots qui s’étaient élevés l’avaient en partie rassurées, mais une poignée de secondes plus tard, Natasha s’était rendue compte qu’elle évoluait dans une sorte de rêve éveillé. Un cauchemar, un cercle vicieux, posé à la limite de la réalité. Maintenu par la volonté affaiblie de Clora. Un piège qui ne tarderait pas à vaciller si elle ne faisait pas quelque chose.
Son regard vide faisait frémir Natasha et elle sentit la panique s’élever en elle, vague irrépressible, ses mains tremblantes venant effleurer une fois de plus Clora. Dans un geste futile pour l’éveiller. Un murmure lui vint en réponse, infime appel à l’aide, son nom prononcé d’une voix étonnement faible, un souffle qui ne laisserait nul indifférent. Natasha sursauta, brûlée par la détresse de Clora.

Clo’… Je t’en supplie, réveille toi.

Mais nul n’y faisait et les larmes roulaient sur les joues de la blonde. Prise d’une impulsion aussi incompréhensive qu’instinctive, Natasha ferma les yeux. Les crispa, faisant blanchir les petites rides qui en découlaient. Et plongea dans l’interdit, refoulant sa propre peur. Plongea en un mot en Clora. Elle avait toujours assisté aux cours du professeur Alesius, témoignant d’une étonnante habilité pour son jeune âge, mais ce n’était que pour l’occlumencie. Elle avait toujours renié la légilimencie, art néfaste, maladie qui l’avait frappée enfant, provoquant un handicap qui plus jamais ne la ferait sourire devant ses souvenirs. Et pourtant malgré son mépris incommensurable, elle allait aujourd’hui se plonger corps et âme dedans. Plonger dans l’esprit de Clora.

Elle savait comment faire, elle en connaissait la méthode sur le bout des doigts et c’est dans un coup de vent qu’elle vint s’insinuer dans le cercle noir des pensées de Clora, la formule jaillissant de ses lèvres comme un automatisme. Elle ne comprenait pas, elle ne savait décrypter les fantômes qui tournaient autour de la blonde et elle ne voulait pas savoir, elle voulait juste créer une porte de sortie pour la jeune rouge et or. Créer une source de lumière dans les ténèbres de son cauchemar.

Clora !

C’était dur, cela faisait mal, elle se sentait vaciller, perdre le contrôle, frôler cette limite entre la réalité et le vide absolu, et éperdument elle cherchait Clora. Elle sentait ses mains trembler, son souffle se saccader, son corps se tendre dans une contraire auquel il n’était pas habitué, mais… mais c’était loin. Une autre vie. Là ! Une ombre, une image, un sourire, un souvenir. Une rencontre dans un café. L’éclat des yeux de Clora, les rires qui avaient assourdis la salle, la sensation de bien être. Clora… Elle était là, la jeune fille rieuse. Et plus loin… Un homme. Une silhouette verte. Argentée. Une cape qui claque. Une caresse. Qui ? Natasha ne sait pas et elle repousse au loin l’homme insistant. Le refoule loin en Clora. Le café ? Oui, le café. Une cheminée. Moment présent. Rouge. Or. Vert ? Non, rouge. Maintenant ? Oui, maintenant.

Ici.

Et Natasha s’échappe de Clora en un battement de paupière, elle quitte le mélange de leur deux esprits et elle se retrouve à genoux devant Clora, haletante, le regard figé sur le tapis rouge. Rouge. Les larmes roulent, elle ne peut plus contrôler, elle est… fatiguée. Clora ! Le visage de Natasha se redresse brusquement, se tourne vers Clora et croise son regard. Ici. Cette fois, Natasha est sûre que son amie est entièrement éveillée. Elle le sait. Elle le sent. Un sourire soulagé se peint sur ses lèvres et c’est dans un murmure qu’elle souffle.

Ca va ?

Bam. Dur retour à la réalité. Entre nous, lequel est le pire ? Cet état de transe, entre rêve et cauchemar, inconscient du danger, ou cette douleur horrible à la tête que l'on ressent lorsqu'on retombe sur terre ? Pour ma part, je choisirait sans hésiter le deuxième, mais je ne suis pas certaine que Clora en ferait autant si on lui posait la question. Les yeux grands ouverts, haletante, elle retrouva ses esprits, avec à ses côtés une Natasha complètement épuisée. Elle se prit la tête à deux mains, consciente de tout, et surtout de cette torture. Les larmes coulaient, encore et toujours. Et Natasha s'inquiétait. Clora n'aurait pas pu trouver meilleur ange gardien. Elle la remercierait un jour, mais pas maintenant. Pour sa question stupide, Clora aurait eu envie de lui balancer une poignée d'insultes à la figure. Évidemment, que ça n'allait pas. Ou plutôt, disons que ça avait déjà été mieux. -1 pour Natasha. Enfin bon, au moins Clora avait-elle retrouvé sa pleine lucidité. Recroquevillée sur le canapé en position fœtus, elle échappa un rire cristallin. Dans une telle situation, n'importe qui aurait eu la même pensée : elle avait perdu la raison. Mais ce n'était pas le cas, loin de là. Elle tentait seulement de la retrouver, la raison. Et en vain.

C'est le visage trempé de larmes que Clora senti la douleur s'éloigner. Une libération totale qui aurait mérité un alléluia. C'était terminé. Tout allait bien, le cauchemar était derrière elle, et son esprit était enfin de retour. Son coeur battait à toute vitesse, et elle le sentait. Cette simple pensé la fit sourire, puis rigoler. D'un revers de main, elle essuya ses joues toujours humide. Elle pouvait les toucher. Elle distinguait parfaitement le visage de Natasha, devant-elle. Et elle pensait. Et elle ressentait tant d'amour pour son amie, de l'avoir libérée de cet enfer. Clora reprenait possession de son corps, parfaitement éveillée et consciente du moment présent. Quelle heure était-il ? Combien de temps avait-elle passé dans cette sorte de " transe " , et par dessus tout, que lui était-il arrivé ? Tant de questions se bousculaient dans la tête de Clora, sans qu'elle n'aie même le temps d'y répondre. Elle n'en avait pas envie, de toute façon. Tout ce qu'elle souhaitait, c'était de remercier Nat, de quelque manière que ce soit. Lentement, elle se redressa et regarda son amie droit dans les yeux. Un sourire se dessina sur ses lèvres, en même temps que ses yeux parlaient pour elle. Clora était incapable de parler, d'ouvrir la bouche, mais cela aurait été inutile. Aucun mot n'aurait pu exprimer ce qu'elle ressentait.

Elle ferma les yeux et déposa sa tête sur le coussin qui avait accueillit chacune des larmes qu'elle avait versé. Un soupir s'échappa de ses lèvres, puis elle ouvrit de nouveau les yeux. Natasha était toujours là, à la regarder, sans prononcer le moindre mot. Elles n'avaient pas besoin de parler pour se comprendre. Natasha avait été en elle, avait ressenti les mêmes horreurs que Clora. Elle l'avait senti entrer en elle comme on sent le vent sur son visage. De tout son rêve, il s'agissait bien de la seule partie dont elle se souvenait parfaitement. Natasha lui était apparu. à vrai dire, ce qu'elle avait vu ne s'apparentait ni de loin ni de près à la Nat qu'elle connaissait. C'était plutôt ce qu'elle dégageait, qui lui avait permis de la reconnaitre, et lui faire confiance. Clora l'avait suivi, au travers les méandres de son cauchemar, et elle l'avait mené jusqu'à la sortie. Elle l'avait libéré. Et Clora ne saurait l'en remercier. Elle voyait bien que son amie était morte de fatigue, elle savait que c'était risqué, même pour une jeune fille aussi douée que Natasha. Les pensées de Clora étaient tourmentées, et elle aurait bien pu s'y perdre aussi. Pourtant, Natasha l'avait sauvée, sans même hésiter. Alors qu'elle connaissait à peine Clora. Alors qu'elle n'avait jamais rien fait pour elle. Oui, Clora avait beaucoup de chance, d'avoir connu une jeune femme pareille.

Clora reprit une position verticale, et regarda de nouveau son amie dans les yeux. Ce silence n'était pas désagréable, mais Clora ressentait le besoin de le briser, comme si quelque chose s'y cachait. Si la blonde était épuisée, elle savait pertinemment que son amie était dans un état plus que semblable. Elle chercha la main de Natasha, histoire d'établir un lien avec cette dernière, puis déplaça ses jambes engourdies jusqu'à les laisser pendre devant elle. D'un mouvement de sa main, elle invita Natasha à la rejoindre, à ses côtés. Ce déplacement sembla lui demander beaucoup de force, et Clora s'en senti presque coupable. C'était de sa faute, et elle ne pouvait rien y faire. Clora chassa cette pensée. Maintenant qu'elle avait les idées claires, elle n'avait pas envie des les noircir. Elle lâcha la main de Natasha et baissa les yeux, qui s'emplissaient lentement de larmes.

Merci.

C'était insuffisant, elle le savait, mais elle ne pouvait pas faire mieux. Elle n'avait pas la force de se lancer dans un monologue, et savait que son amie comprendrait.

Invité

Regarde la par devant.
Regarde la par derrière.
Quelle situation, quelle situation.
Regarde le mouvement qu’elle effectue, de la tête aux pieds.
Des pensées étranges me viennent, quelle sensation, quelle sensation.

Elle avait beau ouvrir la bouche, intimer de toutes ses forces à ses poumons l’ordre de se remettre en mouvement, elle n’avalait pas d’air. Suffoquait. Elle avait l’impression qu’elle ne savait plus respirer, qu’elle avait oublié comment faire. Elle n’arrivait même pas à porter ses bras à son visage, sa volonté affolée détachée des ordres simples de sa chair et ses mains se crispèrent sur les poils du tapis, ses phalanges blanchissant dangereusement. Puis elle s’arqua violemment en arrière, nuque raidie poitrine tendue, mâchoire contractée.
Il lui fallait retrouver la maîtrise de son corps. Mais pour ça, il lui fallait d’abord retrouver l’entière possession de son esprit, distancier ce qu’elle avait vu par les yeux de Clora de ce qu’elle avait vécu elle. Faire le tri tout simplement. Tout simplement, façon de parler.

Regarde la par devant.
Regarde la par derrière.
Quelle situation, quelle situation.
Regarde le mouvement qu’elle effectue, de la tête aux pieds.
Des pensées étranges me viennent, quelle sensation, quelle sensation.

Je perds pied…
Je me noie !

Tout noir, que du noir, des papillons qui volètent devant les chandelles, les membres qui s’engourdissent et une soudaine inspiration. Rocailleuse, agressive, qui irrite la gorge et laisse un goût de sang, mais qui est annonciateur de vie. L’instinct de survie de Natasha lui permet de respirer. Peu à peu, ses idées s’éclaircissent, les brumes se dispersent et les souvenirs de Clora s’estompent dans l’esprit de Natasha. L’état de choc est en train de passer. Elle finit par ouvrir les yeux quand une main chaude attrape la sienne et elle se laisse guider sur le canapé. Ses traits épuisés laissent passer une grimace de douleur et elle comprend qu’elle a mal. Mal à la tête, mal aux yeux, mal à la langue, mal aux articulations, c’est son corps entier qui la brûle. Mais pourquoi ? La légilimencie n’influe pas sur le physique, uniquement sur le psyché. D’où viennent ces douleurs ?

De Clora.

Clora il t’a fait mal ? Qu’est-ce qu’il s’est passé ? Il faut que tu me racontes ! Je…

Un vertige la prit, retournant son estomac comme un vulgaire fœtus de paille et elle s’agrippa au dossier du canapé. Elle attendit patiemment que les battements de son cœur se calment et elle osa ouvrir de nouveau les yeux. Un sourire timide aux lèvres, elle passa la main sur ses yeux et s’allongea sur le côté, jambes repliées contre sa poitrine.

On va attendre que ça arrête de tanguer hein, c’est préférable je crois. Mon dieu, j’ai l’impression d’avoir trop bu !

Un léger éclat de rire la secoua, son cristallin après la tension accumulée et les couleurs commencèrent à revenir sur son visage pâle. La crise était passée.

Quelle sensation, quelle sensation…