Regent's Park et Madame Tussaud

Il errait le rat, car il était rat ce soir, lui qui habituellement se préférait corbeau. Il ne répandrait pas le malheur sous la paleur de la lune cette nuit, il avait trop l'euphorie de la mort pour détruire la vie. Euphorie bien exacerbée par une bouteille qui pendait dans sa main droite, un liquide aussi transparent que l'eau aux relents de Russie. Il avançait dans l'ombre du parc, sous le regard narquois de la blonde toute ronde, lui jetant parfois un coup d'oeil indifférent, elle pouvait rire cette lâche, peu lui importait, cette nuit c'est a son tour qu'il pouvait la narguer, elle était seule, lui était trois, son éternelle compagne la folie avait ce soir laissé un peu de place au doux parfum d'un mortelle amour qui n'avait pas quitté les narines du mauvais serviteur.

Toujours pieds nus, marche de bohême Servus laissait l'herbe du Regent's Park lui chatouiller les orteils, délicieuse sensation.
Il se dirigeait vers le beau batiment en face de lui, à l'autre bout du parc, le musée de cire de cette très chère Tussaud, quelle étrange idée que de transformer les gens en statues de cire, elle devait avoir un sacré grain la vieille folle. Mais en même temps l'idée de pouvoir transformer quelqu'un en statue de cire était plus qu'aléchante, il faudrait qu'il essait le corbeau quand les jours ou sa folie sera plus meurtriere que ce soir arriveront.

Quelque chose attira le regard clair sombre du rat, une forme sur un banc, vêtue de noire. Aussi immobile aue la cire du musée d'en face.
Il s'approcha sans précaution, il avait l'alcool bon cette nuit. Il but une goulée qui lui brula la gorge et s'arreta a quelques pas de la femme, car c'était bien une femme et pas une poupée de cire. Sacrement alléchante d'ailleurs mais le parfum d'Ellana planait toujours comme une menace jalouse autour de lui.
La jolie ombre avait un regard un peu hagard, comme perdu, elle fixait un objet dans ses mains qui scintilla sous les assauts minables de la lumière de la blonde rondelette. Une sorte de pendantif en forme de boule avec une petite roulette sur le coté. Servus n'y fit pas attention et un sourire apparut sur son visage, il s'approcha d'encore quelques pas et murmura d'une voix amusée:

"Puérils sont les mots Vaine l'écriture Effréné pourtant le désarroi du coeur."

La nuit est douce, la nuit est belle. Elle recouvre de son manteau les vérités les plus dures à vivre. Mais n'est-elle pas aussi le berceau de tous nos pires cauchemars ? La nuit est amère. Inlassablement, je revis les choses que j'aimerais tant oublier ! Finalement, ne vaut-il pas mieux que je reste éveillée ? Et que je t'admire, encore et encore, belle lune. Bien que je me limite aujourd’hui à percevoir ta présence et à m’en délecter. Mon esprit n’est que partiellement avec toi, pardonne mon infidélité.

Les doigts de Noxis caressent distraitement un objet lisse et rond qui pend au bout d'une chaînette d'argent. Ses yeux sont perdus dans le vide et elle remarque à peine que le froid est tombé. Ses vêtements ne sont vraiment pas fait pour la protéger en cette pâle et froide nuit de mars : il faut dire qu'il n'était pas du tout prévu qu'elle sorte, ce soir, mais le destin en a voulu autrement. Elle ôte la chaîne de son cou et admire la sphère.

Aussi ronde que mon amie la lune. Aussi ronde que le ventre d'une mère avant qu'elle ne libère son enfant. Fragments d'amertume ...

Un léger bruissement non loin d'elle. Des pieds nus dans l'herbe, faisant révolution dans le petit monde en devenir des insectes qui s’éveillent au printemps proche, tellement proche … Trop léger, ce bruissement. Elle est absorbée dans sa contemplation, remuant délicatement les doigts pour faire jouer les rayons de lunes sur le métal parfait.

La mort n’enlève-t-elle pas encore et toujours un enfant à sa mère ?

Des mots. Brisant le silence dont elle s’est entourée et qu’elle aurait voulu plus profond encore pour se perdre dans les abîmes de la réflexion. Des mots qui la font sursauter et relâcher l’objet, ce joueur de minutes. Le ton est empli de reproches.

Vous m’avez surprise !

Un rire retentit faisant affront au silence de la lune, un grincement sombre peut-être moins lugubre que de coutume. Il alla s'asseoir nonchalement sur le banc laissant une certaine distance entre lui et Noxis car une ombre qui fuit est difficilement rattrapable.
Il l'observe un instant, un regard étrangement fou et serein ce soir, puis pour toute réponse il cite:

"Nous sommes notre plus grande surprise."

Puis il baissa un peu la tête rendant son regard plus intense plus effrayant et plus captivant et reprit:

"Les femmes détestent les hommes trop prévisibles, elles adorent un certain coefficient de surprise."

Il reprit une gorgée brulante et tendit la bouteille à cette jolie dame de cire, quelque chose lui soufflait qu'elle connaissait la vodka. Il la posa sur le banc laissant l'ombre se servir et chercha dans sa poche son paquet de blondes empoisonnées, il en sortit une tordue qu'il planta entre ses lèvres et tira sa baguette de sa poche, dans on esprit tortueux il ne se posa meme pas la question de savoir si la femme était sorcière, il alluma sa cigarette et, tout en tirant une bouffée malodorante il sourit:

Ne jamais faire confiance à une blonde....ce sont toutes des laches et des perfides, tout comme celle-la tout là-haut qui se moque bien de nous en nous regardant nous agiter.

Le charme est rompu. S'éloigne déjà à grand battement d'ailes le calme où Noxis s'est perdue un moment dans son introspection. Qui sommes-nous pour imposer nos espoirs ? Vers quoi allons-nous ? Avons-nous fait les bons choix ? Les réponses ne sont à nouveau pas pour ce soir, feront-elle jamais surface un jour ? Tiens, une nouvelle question. Encore, et encore.

L'intrus se met à rire. Un rire étrange, totalement incongru vu l'endroit, vu les circonstances. Qui éveille les braises d'une colère infondée en Noxis. Qu'elle contrôle bien évidemment. Comme toujours. Froideur et maîtrise de soi, domination des sentiments. L'intrus s'installe sur le banc, non loin d'elle mais suffisamment pour ne pas l'effrayer. Elle apprécie. L'intrus est charmeur et on voit qu'il a l'habitude d'user de son charisme pour arriver à ses fin. Que cherche-t-il au juste ? Autant chercher à le savoir. La nuit sera longue, quoi qu'elle veuille.

Il la surprend à nouveau.

Les femmes ... C'est amusant, ne dit-on pas souvent aussi qu'elles aspirent à la stabilité ? La surprise ne pourrait dès lors en rien les rassurer, elles seraient incapables de prévoir quoi que ce soit à court ou long terme. Mises à part les divinatrices. Pour autant qu'on accepte que le destin soit tout tracé. Mais alors, aucune surprises pour elles non plus ...

L'espace est suffisant pour qu'une bouteille de vodka s'interpose entre eux deux. Pourquoi pas ? Chez elle, là bas en Ukraine, on accueille les naissances avec un verre d'eau de feu. Il ne reste que quelques minutes avant la fin du jour. Noxis fait apparaître un verre qu'elle remplit et vide d'une traite avant de le lancer par dessus son épaule.

Merci.

Ainsi vous pensez qu'elle connaît seulement notre existence ?

Il observe, le rat, calmement, savoureusement. La Russie est assise à coté de lui à en croire la façon de boire de la dame de cire. Il sourit, il avait trouvé intéressante compagnie, la nuit permettait une jolie pièce dans laquelle il n'était qu'au prologue. Tirant une bouffée sur sa cigarette il lâcha un fin nuage de fumée blanche qui pâlît la lune jaunâtre. Douce provocation face a la narquoise.

La stabilité.... quel ennui!
J'avoue que cela doit être rassurant mais à quoi bon...la vie est déjà bien assez misérable et ennuyeuse, nous n'en avons qu'une alors à quoi bon jouer les poltrons en prônant la stabilité, ceux qui croient en un tel principe ont peur de faire face à la réalité qui est un enchaînement d'évènements si peu contrôlés par nos mains chétives.

L'arrache-coeur lui brûla à nouveau la gorge lorsqu'il ingurgita une nouvelle goulée, piquante chaleur qui allège l'âme de sa raisonnable lourdeur.
Il se pencha en arrière étendant ses ailes noires de corbeau pour les poser sur le dossier du banc. Il faisait frais cette nuit mais le froid ne semblait pas toucher les fous, Servus n' était simplement vêtu que d'un tee shirt qui cachait la marque de son épaule et sur lequel un grand "S" gothique était inscrit, un jean noir troué, sans chaussure, la folie est une bohème que l'on ne dompte pas.
Le mauvais serviteur fixa son regard sur la rondelette et tira une nouvelle bouffée de poison.

La lune....elle nous observe oui, elle s'amuse de nous voir nous agiter inutilement, faibles face à notre déchéance et notre destin. Elle, elle est éternelle et intouchable, elle s'en vante de sa brillante lumière...mais elle est seule et ça la rend aigrie......alors que nous nous sommes beaucoup....

Noxis tend la main vers son sac et l'entre-ouvre pour y glisser le retourneur de temps non sans un dernier regard sur l'objet magnifié par les rayons de lune.

Tu regagneras les étagères parfaitement ordonnées du bureau de ta propriétaire dès demain. J'y veillerai. Un hibou fera l'affaire parce que je n'y retournerai pas. Je suis incapable de défendre mes souvenirs. Théodore a dit qu'il pourrait sans doute m'aider, nous nous attellerons à cette tâche très bientôt.

La stabilité peut paraître ennuyeuse, je vous l'accorde. Mais comment choisir de construire quelque chose si nous ne pouvons avoir le moindre espoir que demain sera un minimum stable ? A quoi bon continuer ? Il serait tellement simple de baisser les bras et d'abandonner notre sort aux ténèbres.

Et je ne peux pas dire que cette pensée me soit étrangère ... Se coucher à même le sol, les doigts sur la terre, le regard perdu dans le ciel et attendre qu'elle vienne me faucher.

Non !

Noxis ramène ses genoux sous elle, se tourne à demi vers Servus et son bras prend la même position que les ailes du corbeau, accoudé au dossier du banc. Sa mine est grise et son regard éteint lorsqu'elle le pose sur l'homme qui a troublé la surface de l'eau du lac.

Nous sommes beaucoup et pourtant ... Si seuls aussi. Finalement, nous pouvons briller autant qu'elle en société, accrocher tous les regards et attirer toutes les convoitises en éveillant de noirs désirs ... Nous n'en restons pas moins seuls pour autant face à nos actes. Sous la lumière en plein et dans l'ombre en silence...

Notre sort aux ténèbres....

Servus observa le visage de cire, un fin sourire étira ses lèvres, ainsi elle n'était pas dans les ombres. Ses paroles la trahissaient, une inconsciente de plus, la nicotine envahit une fois de plus ses poumons et il recracha un nuage de fumée qui forma un instant un cercle parfait. Ses yeux partirent dans le vague de sa conscience dérangée, fixant sans la voir la dame de cire à coté de lui. Il imagina un instant ce qu'il pourrait lui faire et doucement sa voix s'éleva chantant calmement une chanson qui ne l'était pas.

Some come up and some come young
Live to love and give good tongue
Sit down get down in the sun
Rocket to the woman is on the one

I like dirt

The earth is made of dirt and wood
And I'd be water if I could
Live in a dream
In your stream
Live in a dream...

Le seul moment où un fou comme le corbeau a une voix apaisante est lorsqu'il chante de cette si étrange manière détachée, hors du temps et de sa raison impalpable. Il baissa la voix et se tut à nouveau puis son sourire revint et il prit une grande inspiration en s'étirant nonchalement.

Ah la solitude...."Notre grand tourment dans l'existence vient de ce que nous sommes éternellement seuls, et tous nos efforts, tous nos actes ne tendent qu'à fuir cette solitude."

Le mangemort remit sa clope entre ses lèvres et leva les yeux sur la blonde si lâche, si comme lui.

Au fond de moi, il restera toujours une étincelle brillant dans la nuit qui me poussera à me battre. Notre sort aux ténèbres, pas sans que je ne me sois révoltée avant! Même si ça me coûte la vie. D'une façon ou d'une autre, finalement : autant la perdre en défendant mes principes.

Verts. Comme les siens. Mais ces yeux là n'ont pas vu les mêmes choses que ceux de l'Est. D'ailleurs, que voient-ils pour le moment, qui la regardent sans la voir ? A qui s'adresse cette voix qui s'élève sans lui parler ? Pour qui est cette mélodie qu'égrènent des paroles dépourvues de sens pour Noxis ? Et pourtant ...

Nous ne sommes que poussière ... Et nous retournerons poussière auprès de la terre. Certains laissant une trace de leur passage comme l'ellipse poursuivant sa comète : la question est de savoir si cette ellipse aura la couleur du sang. Aura-t-elle besoin de l'eau pour laver cet affront ? Etes-vous ou souhaitez-vous être cette eau, anonyme compagnon ?

Tel un chat, l'inconnu étire tous ses muscles. Il se dégage de lui un "petit quelque chose" d'aguicheur, violente douceur de la voix apaisante, douce violence du sourire prometteur : charisme évocateur de folie, de domination et de puissance. Qui est-il ?

Nos actes tels celui que vous avez posé ce soir en me surprenant dans ma retraite, sur ce banc ?

L'eau pour laver le sang? hum.....

Ses yeux scrutent la blonde et un sourire fin fait plisser ses yeux les transformant en deux amandes luisantes de folie. Il tourne ce même regard vers l'ombre, la dame de cire. Il garda le silence un instant et fit une réponse qui ne correspondait pas vraiment à la question mais l'esprit d'un fou n'a aucune raison de former une reponse raisonnée.

"La guerre ne salit pas l'idéal, c'est l'idéal qui purifie la guerre." Le tout est de savoir quel est l'idéal que l'on souhaite défendre et c'est celui-la même qui sera l'eau qui lavera le sang.

Réponse qui cache réponse. Fin stratège le pauvre fou lache et pourtant quelle étrange conversation , la raison face à la folie, la Terre face à la Lune.... l'eau face au sang.
La blonde fumante qu'il tenait dans sa main était sur la fin et sa lueur allait bientot mourir, fin destinée a tous. Sans pitié il l'écrasa sur le banc et en jeta les restes au loin. L'alcool était plus sur car son effet était plus rapide et presqu'aussi dévastateur. Une gorgée termina donc son chemin destructeur dans son estomac et un petit cri satisfait siffla entre les lèvres du rat. Hum douleur douceur.

L'idéal qui purifie la guerre dites-vous ?

Une pointe de colère couve dans la voix de Noxis. A ce stade de la conversation, peu lui importe qui est son interlocuteur, à vrai dire elle ne se pose même pas la question. En d'autres temps, elle se serait dit qu'elle n'a pas peur, qu'elle pourrait se défendre si le besoin s'en faisait sentir, qu'elle pourrait transplaner au pire, et serait simplement restée sur ses gardes. Ce soir, aucune de ces pensées ne lui viennent à l'esprit. Ce soir, il y a une femme en plein questionnement comme toujours. Et il y a un homme qui, par ses paroles fait remonter une bouffée de haine à la surface de la conscience de cette femme.

Comment pouvez-vous associer dans une même et seule phrase le mot pureté et le mot guerre ? La guerre est sale, la guerre est une abomination. Elle soumet le faible à la souffrance et à la domination pour quoi, pouvez-vous me le dire ? Pour le pouvoir ? Pour l'argent ? Alors là je suis d'accord avec vous, la lune doit bien se gausser de nous et de la pathétique image que nous reflétons de l'être humain ! Même les animaux arrivent à vivre en harmonie !

La main blanche se tend vers la bouteille de vodka qui a repris sa place sur le banc. Noxis en boit une rasade digne de la réputation de son pays et la repose. Un observateur particulièrement indiscret ferait remarquer que la dernière fois qu'elle a bu de la sorte avec un inconnu était avec un certain Polynice. Pas totalement étranger à ce Servus ... Comme les destins sont parfois liés ... Deux hommes dangereux pour les deux branches de la lignée Howlermann ... Mais il n'y aucun observateur particulièrement indiscret et Noxis ne sait rien de son compagnon d'un soir. Elle secoue la tête et prend une profonde inspiration. Sa voix est à nouveau lasse.

Je mourrais pour mes idéaux. Mais essayer de les affirmer dans la violence est une défaite en soi et je n'arrive pas à m'y résoudre.

Le masque de cire fondait pour révéler les états d'âme de la dame, quelle jolie utopiste que voila tout ça avait une saveur acide mais pas désagrable pour l'oiseau de malheur qu'était Servus. Il se passa la langue sur les lèvres, elle était miam cette ombre au regard sombre. Il refoula la folle envie qui montait titiller sa gorge lui chatouillant les doigts, ce visage encadré de longs cheveux devait être magnifique dans la douleur mais non, il essayerait d'être charitable ce soir.

Croire que l'on peut régler les problèmes de ce monde sans violence n'est que pure utopie ne croyez-vous pas?
"L'Histoire moderne a montré que l'utopie est mère de toutes les dictatures."
Alors a quoi bon l'être.

Le mauvais serviteur s'étira à nouveau, attitude un peu trop nonchalente devant la gravité des propos lancés mais il était comme ça, sa folie rendait tout tellement plus simple, peu de choses le touchaient réellement mis a part le plaisir des sens.

Mourrir pour ses idéaux quelle phrase pleine de courage........mais êtes-vous vraiment sure de ça....

Elle se sent observée et tourne la tête. Un sentiment de malaise l'envahit : à n'en point douter, elle est assise à côté d'un prédateur. L'espace d'un instant, elle l'imagine une lame en main, en essayant le fil sur sa gorge. Et elle se revisualise à Ste Mangouste, un morceau de verre fiché dans la main d'un homme aux cheveux blancs, l'arme improvisée avide de son sang. Elle frémit et chasse ce souvenir.

Je crois que cette rencontre m'a marquée beaucoup plus que je n'ai jamais voulu l'admettre. Mais je ne regrette pas qu'elle se soit terminée de la sorte.

Et déjà l'impression fugace d'être en grand danger s'estompe et elle a l'impression d'avoir rêvé la folie meurtrière brûlant dans le regard de l'homme un instant plus tôt.

Pure utopie sans doute. Soit, je serai utopiste ! Je veux croire en une aube sereine où nous ne serions pas incessamment en péril pour la seule raison que nous sommes au mauvais endroit au mauvais moment.

Je crois avoir vu suffisamment d'horreurs pour dire en connaissance de cause que je mourrais pour mes idéaux. Oh, ne vous méprenez cependant pas, je ne suis pas de ces brebis présentant leur cou à l'égorgeur de leur propre chef. Je prônerai toujours la résolution des conflits par une communication constructive mais je ne resterais pas démunie face à quelqu'un qui voudrait en attenter à ma vie et à celle des miens pour des divergences d'opinion. Je ne sais pas si l'on peut parler alors de courage ou simple esprit de survie pour la meute ?

Faisant face à la blonde à l'éclat provocant, le sourire du corbeau s'agrandit. Que de belles paroles prononcées, elle avouait, l'utopiste au visage à présent grave. La cire avait fondu révélant l'intéressante vérité, la face de la bonté voila ce qu'il venait te trouver au milieu de la nuit près de l'oeuvre de cire de la vieille Tussaud. Madame la défentrice du bon, mais que serait le bon sans le mal, une bien piètre notion assurément.
Mais elle était dangereuse cette reine de la nuit, cette ombre polie, il le sentait le corbeau, aussi surement qu'il savait qu'il était fou, mais il ne craignait rien ce soir tout comme il n'arriverait rien à dame bonté, ce n'était pas l'instant, ce n'était pas l'envi.

"De nos jours, on survit à tout sauf à la mort."
Alors pourquoi ne pas la choisir comme compagne, au moins sa haine se déverse ailleurs que sur nous....mais je parle de choses que j'ignore car "la meute" n'a aucune signification pour le fou que je suis....

La bouteille de vodka passa entre ses mains et désaltéra sa gorge, l'alcool n'altérait pas sa perception déjà étrange des choses qui composaient le monde... il ne faisait que l'exacerber.
Reposant la bouteille entre lui et la dame telle une séparation muette de leurs différences si semblables, il reprit la parole:

L'esprit de survie ou le courage peut-etre est-ce la même chose ces notions sont si vagues tout comme la peur, la souffrance, je n'en connait que deux assez bien mais suis trop lâche pour en parler, je ne suis pas Shakespeare mon verbe n'est pas flatteur et aiguisé, il est sans sens réel et peu paraitre inapproprié., C'est que vous pensez n'est-ce pas?

Dites-moi, compagnon anonyme, vous n'êtes tout de même pas en train de me dire qu'il vous est commun de semer la mort et que c’est un choix qui vous sied ? Si tel était le cas, vous avez pu lire entre mes mots et vous savez que je ne peux pas cautionner de tels actes ... Allez-vous tenter quoi que ce soit contre moi ?

Si tel est le cas, sachez que je suis beaucoup moins fragile qu'il n'y paraît, même si vous m'avez suprise dans un moment de faiblesse et de doute.

Une légère carresse sur la manche de sa robe lui confirme que sa baguette est bien là, prête à servir. Une profonde inspiration, l’introspection est suffisante pour sentir tout son corps parcouru par sa propre magie. Effectivement, nettement moins fragile qu'il n'y paraît …

Je ne le pense pas. Je ne sens pas ce soir comme mon crépuscule ni comme le vôtre même si je peux toujours me tromper. Mais pour le savoir, il faudrait que vous m’en disiez un peu plus sur ces deux … notions que vous dites connaître : peu importe le verbe que vous utiliserez, je saurai faire la part des choses et peut être comprendre mieux votre discours. Enfin, évidemment … Si nous partons du principe que vous souhaitez que je le comprenne. A moins que ça ne soit exactement là que réside la lâcheté dont vous dites être possesseur ?

La dame de cire avait comprit, enfin dira-t-on. Elle aussi savait que ce soir resterait une accalmie entre leurs deux camps, un calme avant les tempêtes. Il sourit le corbeau narguant la nuit, narguant sa folie meurtrière qui restera muette, narguant l'inconnue par son silence qui répondait si bien à ses accusations.
Il s'installa sur le banc un peu plus a son aise, étirant ses longues jambes, faisant jouer ses pieds nus sur les gravier du chemin.
Lentement d'une voix étrangement douce pour une ame aussi empreinte de folie, il répondit à la dame par des rimes expertes, jouant avec les mots qu'il savait si bien manier:

L'incompréhension des ennemis explique bien la lacheté des fous,
comment croire en la folie quand la raison est devant vous.
Dame de cire vous parlez, sur un sujet qu'il faudrait taire.
parce que simplement vous savez, ce que je pourrais faire.
Mais pas de crépuscule ni pour vous ni pour moi ce soir,
nous sommes dans une bulle etrange nommée espoir...
notion que je hais employer je préfère la folie et la mort moins légère
vous voulez en parler mais mieux en savoir guère.
Car ceux qu'elles cotoyaient étaient des éphémères.
Je suis exception mais il ne faut pas jouer,
avec ces deux notion qui pourraient vous tuer.

Noxis se redresse un peu : il faut parer à toute éventualité et se tenir prête s'il venait au fou l'idée de la combattre. Mais tout dans son attitude reflète le contraire. Provocateur, certainement. Fou, d'autant plus. Mais là le prédateur est au repos et la gazelle peut se rendre au point d'eau pour se désaltérer.

Une gazelle ? Quelle image idiote ! S'il a tout du fauve, jusqu'à la nonchalance marquant chaque centimètre carré de son corps, je ne m'apparente pas du tout à la gazelle !

Très bien ... Dès lors, aussi étonnant que cela puisse paraître, votre monde entre en collision avec le mien ce soir et il n'en naîtra nulle violence. Les étoiles ont décidé de me réserver un manteau de surprises cette nuit dirait-on.

De mieux en mieux ... Après avoir donné réfuge à l'amante maudite, me voilà en train de discuter avec la main noire ...

Elle tend la main vers la bouteille et laisse le liquide lui brûler la bouche.

Trinquons à cette trève passagère puisque le terme "espoir" ne vous convient pas et ne pensons pas d'ores et déjà à demain.

Le goulot passa des lèvres de cire aux lèvres de fou, baiser indirect de deux clans incompatibles, mortel partage, dangereux échange.
Amer dans la bouche, doux dans l'esprit, ils savaient que bientôt leurs baguettes se croiseraient, le corbeau sourit à cette idée, la perspective de cette prochaine rencontre l'enivrait plus que la vodka empoisonneuse qu'il ingurgita allègrement.
La brulure se fit sentir comme la réalité lugubre de la nuit mourante.
Elle touchait a sa fin cette trêve lunaire, cette entrevue improbable mais pour mieux recommencer dans quelques jours, quelques semaines peu importait, du moment que la prochaine fois le sang coule, la souffrance transpire et le desespoir inonde la nuit.
S'étirant encore une fois comme un chat le corbeau se leva allongeant ses jambes, ses pattes et ses griffes. Il sourit comme un bien-heureux, comme le fou qu'il était, la bouteille toujours dans la main il la termina d'une traite et la jeta par dessus son épaule faisant honneur sans le savoir à son hotesse russe.

Halleluia...

Le mot resonna impertinent dans le silence. Une conclusion aussi brève qu'efficace pourrait-on dire. Puis le regard noir descendit vers le visage pâle de la mystérieuse. Qu'allait-il faire, la laisser et partir ou lui envoyer un cadeau d'au revoir. Il soupira et se passa la langue sur les lèvres non il était décidement bien "luné", il soupira, sa folie soupira à l'unisson. Il se mit soudain à rire sans raison puis son rire s'eteignit et le sourire eternel prit place sur le visage seduisant et dangereux. Il fit une révérence, lente et elegante, un pied en avant, la mains sur le coeur, le bras gauche levé.
Seduisant, mystérieux corbeau de malheur.

Madame mon ennemie,
lune de cette nuit.
Je vous salue comme il se doit,
en m'inclinant bien bas.
Montrant ma servitude
changeant mon attitude
en une lacheté tarie
appelée galanterie,
je vous quitte a regret
quand le jour apparait.

Oeuvre de Tussaud,
je vous salue en lâche
je repars dans ma cache
pour attendre le "bientot".

Il lui sourit et son regard clair devint terriblement sombre, il fit quelques pas en arriere et tourna brusquement sur lui-meme de manière serré comme un danseur et sans que la lune ne s'y attende il disparut dans un CRAC retentissant.

Un soupçon de méfiance continuant à l'habiter, Noxis ne quitte pas l'homme des yeux alors qu'il s'éloigne de la zone neutre du banc et termine la vodka, ne se départissant pas de son sourire inhumain et ô combien charismatique. Une pensée incongrue lui traverse l'esprit : cet homme là a du bien faire tourner des têtes et il y a fort à parier que ses victimes ont souvent dû être consentantes. Jusqu'à un certain point, bien entendu ...

Il a encore l'air d'hésiter à briser la trêve dès maintenant ou à attendre leur prochaine rencontre ... Et finalement, il opte pour une déclamation qui, sous des dehors charmants signifie clairement quelle sera l'humeur de leurs retrouvailles. Son sourire à elle se fige : cette soirée n'a-t-elle pas été suffisamment pénible ? Rencontrer en quelques heures la vie et la mort dans leur incarnation humaine, l'avenir et le passé, l'espoir du camp qu'elle défend, le désespoir d'une mère ...

Bientôt ...

Dernier mot exhalé des lèvres folles qui s'estompent dans un dernier sourire.

Oui, bientôt nous devrons faire face aux conséquence de nos choix et nous saurons s'ils étaient les bons. Et peut-être qu'il sera trop tard, bien trop tard. Ou qu'au contraire nous pourrons vraiment croire en un futur radieux.

A son tour elle se lève et marche longuement sans but dans le parc, ruminant ses idées noires. Les lumières s'allument sur un Londres gris, la grande salle de Poudlard ne va pas tarder à résonner des bruits des élèves. Si elle se dépêche, elle pourra encore voir Eryan avant de filer à son bureau ....

Bientôt ...

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