Quand le loup sort du bois (PV Thia)

Toujours ces fichues fourmis. Toujours ces satanées mouches. Damnation! Serait-ce que j'aurai bientôt des puces ? Ces saloperies ne me laisseront-elles jamais en paix ? J'ai changé, je ne suis plus un homme. Peut-être même que je n'en ai jamais été un, finalement. Mais aujourd'hui, une chose est sûre. Je suis une bête. Et même si je ne veux pas, je suis capable de faire du mal. Je suis devenu cruel, sanguinaire, violent. Non. Je ne suis pas devenu violent. Je l'étais déjà. Mais aujourd'hui, je peux tuer sans le faire exprès! Alors c'est ça ? Je suis un monstre ? Pouah! Je me donne moi-même envie de vomir.

Alazarus revenait une fois de plus à sa propre réalité. Depuis combien d'heures était-il prostré là, face contre terre, recroquevillé sur lui même dans le creux de cet arbre ? Oh, sûrement qu'il avait fait couler le sang, sûrement qu'il avait hurlé à la mort, sûrement qu'il avait fait trembler plus d'un enfant dans son lit cette nuit là. Mais qu'y pouvait-il ? Il ne faisait que subir, comme depuis toujours.

Le jour s'était levé, laissant les frayeurs nocturnes s'effacer en silence. Un léger rayon de soleil entrait par un trou dans la tanière improvisée de l'Homme-Enfant. Il avait su garder un semblant de pantalon, un bout de chemise, et ses cheveux de miel brun étaient restés noués en catogan. Un moineau avait dû lui siffler trop près de l'oreille, car d'un coup de "patte", l'oiseau s'était envolé, effarouché, pestant contre son dé-logeur.

C'est pas le moment de chanter, toi. Mais alors, pas-du-tout! grogna-t-il.

Il s'extirpa non sans peine de sa cachette et s'étira dès qu'il en fut complètement dehors.

Je crois que j'aurais préféré qu'il pleuve. Je suis tout crasseux. constata-t-il en inspectant ses bras.

Quelle heure était-il ? Six heures ? Sept heures ? Plus encore ? En cette fin aout, il faisait déjà chaud, pourtant. Oui. Même en Angleterre, il fait chaud, des fois.

Une flaque! Mon Royaume pour une flaque!

Marcher, marcher encore et toujours. Un pas après l’autre. D’abord le gauche, puis le droit, gauche, droit, gauche…
Se concentrer sur ses mouvements si ordinaires, si naturels, pour ne plus penser, ne plus entendre ses voix, ne plus rien ressentir que ses pieds qui foulent le sol terreux.
Et inévitablement, la douleur des cailloux, des racines, de la fatigue.
Des heures et des heures qu’elle marche ainsi, en pleine nuit, pour leur échapper.

Laissez- moi tranquille… Je ne veux plus vous entendre, je ne veux plus te voir, laissez- moi …

Des larmes d’épuisements avaient séchées sur ses joues sales, ses mains étaient en sang, à force de se débattre contre ses propres démons, contre elle-même.
La vérité est que Thia aurait dû être ailleurs, à Sainte-Mangouste, là où tous les fous se retrouvent.
Car oui elle était devenue folle, par la force des choses, et sa folie, dont elle était pleinement consciente, bah… la rendait folle…

« Une flaque! Mon Royaume pour une flaque! »

D’un bond elle s’était cachée derrière un arbre, cherchant d’où provenait cette voix.

Est-ce encore dans ma tête ou est-ce, pour une fois, réel… ?

Elle eu rapidement sa réponse, un …. Homme ? Se trouvait près d’elle, il s’étirait et semblait avoir dormi là.

Mon royaume pour une flaque….

Elle se dégagea de sa cachette, et se montra à découvert, sans même savoir si cela pouvait être dangereux, sans même y penser une seconde.

Je… J’ai un peu d’eau dans mon sac, si vous voulez …

Elle refusait de le regarder dans les yeux, non pas par peur, mais parce qu’elle pensait que sa folie était parfaitement détectable d’un seul regard.

Il ne l'avait même pas vue. Cette toute petite chose. Il leva la tête lorsque les clochettes de sa voix éveillèrent un semblant d'intérêt en lui. Et là, bien sûr, il la vit. Elle était grande et élancée, les cheveux d'un blond presque blanc très lumineux, d'immenses yeux tristes desquels avaient dû couler de nombreuses larmes. Ses joues étaient couvertes de leurs coulures et un peu de terre avait dû s'y mêler. Ses lèvres rosées semblaient vouloir dire tout l'amour qu'elles avaient à donner. Qu'elle était belle, la petite fée...

Eh bien, Tinkerbell, que t'es t-il arrivé ? On dirait que tu as croisé un korrigan! Il ne t'a rien fait de mal, j'espère ? Tout va bien ?

Elle lui avait proposé de l'eau. Il avait préféré ignorer sa proposition, si bienveillante soit-elle, afin de se concentrer sur sa nouvelle interlocutrice.

Tinky ? Tu as perdu ta langue ?

Puis il tenta, tant bien que mal, de se regarder. Il ne devait pas inspirer le dialogue, certainement... Ou même, il ne devait pas inspirer grand chose, tout court.

Est-ce qu'elle était réelle ? Alazarus avait le droit de se poser la question, finalement, puisqu'elle ne prononçait pas le moindre mot.

Tu sais, petite fée, la dernière fois que l'on s'est croisés, tu avais un peu plus de tchatche... Mais peut-être ne te souviens-tu plus de moi ? Il n'y avait pas beaucoup de fées autour de mon berceau le jour de ma naissance, mais sûrement que toi, tu y étais. Ma vie a toujours été un calvaire. On sait pourquoi, hein...

Mais comment pouvait-il se rendre compte qu'il accusait de tous les maux de la terre une jeune fille innocente et malheureuse ?

Toi et moi, on doit faire une bonne équipe. On a foiré nos vies, tous les deux ...

L’homme l’observait comme s’il y avait longtemps qu’il n’avait pas aperçu l’ombre d’une âme humaine près de lui. Il se dégageait de lui une aura de mystère, mêlant danger et protection, comme s’il était à la fois fort et fragile.
Elle restait le regarder sans même entendre ce qu’il lui disait. Comme hypnotisée.
Ou bien était-ce la fatigue et la faim qui la rongeait qui la mettait dans cet état léthargique.

Elle triturait la lanière de sa besace machinalement, le sang de ses micro-blessures entrouvertes luisait sur ses longs doigts fins.
Elle voyait ses lèvres à lui bouger mais il n’en sortait aucun son, ou du moins, aucun son ne parvenait à ses oreilles tant les voix dans sa tête faisaient un boucan d’enfer.

- Enfuis toi vite, il est dangereux, il va te tuer et peut-être même te torturer avant.

- Que peut-il te faire hein ? Tu as déjà tué tu pourras toujours réitérer.

- Thia aide-moi, sauve-moi, empêche le de m’éloigner de toi.

- Regarde-toi pauvre folle ! Il sait très bien que tu es bonne à enfermer, tu ne vois pas qu’il veut juste s’amuser avec toi avant de t’envoyé là-bas ?

Mais vous allez vous taire bordel !!!!!!!!!

Thia essaya de lutter contre ses voix afin d’entendre quelques bribes au moins de ce que lui disait l’homme qui lui faisait face. Elle perçu quelques mots.
Tinky… Petite fée… La dernière fois…
Elle fixa enfin dans les yeux cet homme. Est-ce qu’ils se connaissaient ? Il l’appelait par un surnom, lui parlait d’une « dernière fois »… se pouvait-il qu’il la confonde avec une autre personne ?

J’ai pourtant pas la tronche de la fée clochette…

- En regardant bien tu sais…

Tais-toi ! Tais-toi ! Tais-toi….

Elle tomba à genoux au moment même où il ajoutait une dernière phrase…

« Toi et moi, on doit faire une bonne équipe. On a foiré nos vies, tous les deux ... »

Un maigre sourire s’esquissa sur ses lèvres poussiéreuses.

Une merveilleuse équipe… Oh oui, merveilleuse…

» * Colline perdue* Loup y es-tu? [Libre]