Tandis que l'étranger M. Brown posait un pied à terre, descendant maladroitement du wagon rouillé, une cloche ancienne sonnait les dix coups de midi. Le petit personnage, habillé d'un vieux costume rugueux , d'un borsalino de feutre souple sur le crâne, boitait en trainant sa grosse valise derrière lui. Une énorme écharpe de laine terne et des gants de cuir cachaient son aspect funèbre.
Charles vagabonda une bonne vingtaine de minutes dans la gare malodorante et en ressortit avec une carte de la région, une boussole et un magazine de voitures moldues. La place publique sur laquelle débouchait la station des trains était recouverte de vieux et sombres pavés polis par le temps et entourée de vieille façades tordues. Des maisons à colombages dont les poutres se courbaient sous le poids des années, les tuiles sales dégoulinaient encore de la pluie précédente.
Mr. Brown traversa la place d'un pas vif et empruntait déjà les ruelles étroites et sinueuses de la ville :
"Maudit village d'arriérés, cette carte stupide est obsolète et je ne sais même pas de quelle citée il s'agit..."
Il s'arrêtait de temps en temps pour interroger les locaux de sa voix grinçante, leur antipathie manifeste ne put lui apprendre seulement combien il empestait et combien il était de petite taille.
Pour tout dire, son premier objectif était de trouver le seul bar à sorciers du coin, un bar malheureusement mixte à cause de leur faible nombre, les "Trois Grenouilles".
Après une heure de recherches, il parvint enfin à localiser l'établissement grâce à un touriste sorcier slave.
Parvenu à la boutique, le petit homme découvrit une façade écrasée par la masse de trois étages, tout en pin grossièrement sculpté. Des gargouilles de bois grimaçantes dévisageaient l'inconnu, puis l'une d'elle lui tint à peu près se langage :
"Holà étranger, tu n'es point un moldu n'est-ce-pas ?
- C'est cela gargouille, puis-je entrer dans ce bar ?
- Va donc, mais pense à converser loin des clients moldus, certains de ces curieux ont les oreilles qui traînent.
Ainsi fut-il, Charles Dexter Brown s'engouffra dans l'établissement en poussant une porte grinçante.
Tout l'intérieur était encombré de petites tables sales, de chaises fêlées et de bouteilles, de verres en tous genres. A droite de l'entrée, une poignée de vieux polonais jouaient aux cartes en sirotant des alcools locaux. Au fond de la salle se tenait un grand homme derrière le bar, rangeant grossièrement les innombrables bouteilles sur des étagères bancales. Charles s'en approcha et lui demanda où il pouvait trouver un certain William Tress. L'homme pointa du doigt vers une forme avachie dans un angle de la pièce.
Dans un fauteuil de cuir craquelé, un grand et mince trentenaire dormait dans une position inconfortable. L'individu était habillé de tout ce qui ne s'associait, et ne s'associera jamais ensemble.
Un imperméable en plastique ocre, une jupe bouffante bleue, une chemise blanche et un bonnet péruvien.
Charles secoua légèrement l'épaule de ce drôle de personnage, qui finit par ouvrir les yeux et dit en baillant :
" Et bien...bonjour, monsieur Brown je présume ?
Charles acquiesça d'un hochement de tête.
- Enchanté ! J'espère que vous n'avez pas eu trop de mal à me trouver. Au début je vous attendais à la gare mais comme votre train tarder, je suis revenu ici vers huit heure.
-Mon train est arrivé à l'heure, à midi.
Le personnage fit une grimace et marqua une pause :
-Et bien l'important est que vous soyez arrivé, bienvenue dans le village de Andrzejki-Tyszki !
-Vous pourriez répéter ?
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